Exposition “Les plans secrets du Débarquement” de 1944

Le délégué Ile-de-France a représenté l’AASSDN  le 22 mai 2024 à l’Hôtel de Lassay, à l’invitation de Madame Yaël Braun-Pivet, Présidente de l’Assemblée nationale à l’inauguration de l’exposition « Les plans secrets du Débarquement », à partir des archives du colonel Passy.  

Parmi les personnalités présentes, madame la Secrétaire d’Etat Patricia Mirallès, chargée des Anciens combattants et de la mémoire, le général Thierry Burkhard, chef d’état-major des Armées, monsieur Nicolas Lerner directeur général de la Sécurité extérieure ; Monsieur l’ambassadeur Emié était également présent.

Dans son discours d’ouverture, madame Braun-Pivet a tenu à rendre particulièrement hommage aux combattants de l’ombre qui avaient suivi l’appel de général de Gaulle, André Dewavrin qui prit pour nom de guerre celui de « colonel Passy », Maurice Duclos étant « Saint-Jacques », Alexandre Beresnikoff était « Corvisart ». Elle également salué leurs descendants présents à l’exposition.

La DGSE avait accepté de confier, le temps de cette exposition, l’un de ses trésors patrimoniaux : une machine Enigma, unique en son genre, fabriquée par les Français à partir des plans dérobés aux Allemands. Toujours parmi les objets exposés, la chevalière en or du colonel Passy, qui porte les initiales AD : celles de son vrai nom, André Dewarin, qui étaient également celles de son identité fictive, Antoine Dubocq, antiquaire à Neuilly.

Madame Yaël Braun-Pivet a tenu a rappeler qu’elle était petite-fille d’un réfugié originaire de Pologne qui s’engagea dans la Légion étrangère en 1939 pour défendre la France, puis qui rejoignit la Résistance. 

Discours de Madame Yaël Braun-Pivet
Passeport et identités du Commandant Passy
Note du Général de Gaulle au Commandant Passy
Exemplaire de la Machine Enigma
Pain d’explosif TNT



Commémoration du combat de Camerone (1863) : le colonel Grué, officier de légion et de renseignement mis à l’honneur

Il y a 70 ans, Diên Biên Phu tombait après un affrontement dantesque où la fatigue, la boue, le sang, la mort mais aussi la fraternité d’armes étaient quotidiens. La chute du camp retranché sonnait le glas de la présence française en Indochine où la Légion était présente depuis 1883. Ils sont moins d’une soixantaine de survivants aujourd’hui. Ils étaient soixante-trois à Camerone. Tous se sont battus, fidèles à leur serment de servir la France, jusqu’au bout, à tout prix.

Les survivants valides et disponibles de l’Indochine seront à Aubagne, au pied du monument aux morts pour honorer la mémoire des héros de Camerone et celle des 12 602 officiers, sous-officiers et légionnaires tombés en Indochine. Entourés de la Légion d’active, des régiments et bataillons de Légion ayant combattu à Diên Biên Phu, le colonel Bernard Grué remontera la voie sacrée en portant la relique de la main du capitaine Danjou. Il représentera l’ensemble de ses frères d’armes

Commentaire AASSDN : Tous les ans, partout dans le monde les Légionnaires et les Anciens célèbrent le 30 avril la grande fête de la Légion. C’est la date anniversaire du combat légendaire et exemplaire de Camerone, qui s’est déroulé le 30 avril 1863 au Mexique. Ce combat symbolise l’accomplissement de la mission confiée, quelles que soient sa nature et le lieu, jusqu’au sacrifice de sa vie. C’est aussi l’expression la plus haute de la fidélité à la parole donnée et de la cohésion de cette troupe unique au monde, exemple du génie français, qui compte des hommes venus de 150 pays.

Le colonel Grué a eu l’immense honneur de servir la Légion en Indochine. Il y eut un comportement héroïque au combat au cours duquel il a été grièvement blessé et capturé. Il a survécu à 4 ans d’une terrible captivité dans le camp de rééducation communiste vietminh n° 1. Il y montra une capacité de résistance notamment psychologique, hors du commun.

Ses remarquables aptitudes intellectuelles le conduisirent à continuer à servir la France comme officier de Renseignement notamment dans des pays qui font aujourd’hui la une de l’actualité : l’Iran et la Russie. Ce soldat exceptionnel a écrit ses souvenirs riches d’enseignement dans 2 ouvrages :
« l’espoir meurt en dernier » : guerre et captivité en Indochine avec la Légion étrangère 1949 – 1954 (Ed. Rocher) « Aventure en Iran et guerre en Algérie » 1954 – 1967 (Ed ; L’Harmattan)

L’engagement au service de la France

Bernard Grué voit le jour le 24 décembre 1924 à Bordeaux. Engagé volontaire devant l’intendant militaire de Coëtquidan au titre de l’école spéciale militaire de Saint-Cyr le 28 novembre 1945. Affecté au centre d’instruction d’Angers, il rejoint le camp du Ruchard le 15 décembre 1945. Conformément aux directives du Général de Lattre de Tassigny, qui prévoyait que les saint-cyriens devaient obligatoirement au préalable faire un stage dans la troupe comme sous-officier, il est nommé au grade de sergent le 15 mars 1946. Il est affecté au 99e bataillon

d’infanterie alpine à Bourg-Saint-Maurice, en Tarentaise le 15 avril 1946. Le 1er août 1946, il est affecté au 92e régiment d’infanterie au camp d’Opme, près de Clermont-Ferrand.

Admis aux cours de l’école spéciale militaire interarmes, il rejoint Coëtquidan en Bretagne le 16 janvier 1947. Ayant satisfait aux épreuves de l’examen de sortie, il fait le choix de l’infanterie métropolitaine. De novembre 1947 à février 1948, il est détaché au 7e régiment de tirailleurs algériens en Allemagne où il est promu sergent-chef le 1er décembre 1947 avant de rejoindre l’école d’application de l’infanterie au camp d’Auvours dans la Sarthe le 16 février 1948.

A l’issue de sa formation, il choisit la Légion Etrangère et est affecté au Dépôt commun des régiments étrangers en Algérie. Il embarque à Toulon le 18 novembre, débarque à Oran le lendemain et est présent à Sidi Bel Abbès le 20 novembre 1948. Il est affecté au groupement d’instruction motorisé en qualité de chef de peloton.

L’Indochine : les combats et le camp de rééducation N°1

Le 22 mai 1949, il embarque à bord du SS Pasteur à destination de l’Extrême-Orient. Il débarque à Saigon le 7 juin où il est affecté au 3e régiment étranger d’infanterie. Il prend alors le commandement du poste 41 situé à une vingtaine de kilomètres au sud de That-Khê, sur une portion de la RC4. Il est nommé au grade de lieutenant le 1er octobre 1949.

Les 16 et 17 septembre 1950 à Dong Khe, le lieutenant Grué est à la manœuvre sur la défense de son point d’appui fortement attaqué par un adversaire très supérieur en nombre et en moyens, se battant pied à pied avec un acharnement admirable, infligeant de lourdes pertes aux rebelles. Le 17 au matin, alors que l’adversaire a pris pied dans la citadelle, Grué, en se précipitant au canon de 57, servant lui-même cette arme, repousse l’assaut par un tir meurtrier à bout portant qui provoque un repli désordonné des rebelles, laissant sur place une dizaine de cadavres. Le 18 au matin, sa position est écrasée par l’artillerie et cernée de toutes parts, il lutte jusqu’au corps à corps, puis, blessé, il perd connaissance et est capturé par l’adversaire.

Durant quatre ans, de septembre 1950 à août 1954, le lieutenant Grué est interné au camp n°1. Libéré le 28 août 1954, il est rapatrié sanitaire. Il quitte Saigon le 10 septembre et débarque à Marseille le 4 octobre. Evacué sur l’hôpital du val-de-Grâce à Paris, il bénéficie de congés de convalescence et de fin de campagne jusqu’à la fin mars 1955.

L’officier de renseignement

Désigné pour suivre une formation d’officier spécialisé dans les questions d’Orient et du Moyen-Orient, il est affecté à l’état-major des forces armées à Paris en novembre 1955. Diplômé des langues orientales en Persan, puis breveté de l’enseignement militaire supérieur, il part comme capitaine en Algérie d’où il revient pour intégrer le centre militaire d’études slaves puis pour suivre les cours de l’Ecole de guerre iranienne à Téhéran. De 1968 à 1971, il est attaché militaire adjoint à Moscou, de 1972 à 1974, il commande le 46e régiment d’infanterie à Berlin, puis il prend la direction du renseignement au Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE) à Paris.

La vie civile et familiale

Il quitte l’armée en 1978 avec le grade de colonel et fera une seconde carrière dans un grand groupe pharmaceutique.

Il est marié depuis 70 ans cette année à Marie-Odile, qui l’a attendu pendant sa captivité. Il est père de trois enfants, Christine, Philippe et Anne-Marie, baptisée du nom du chant bien connu du 3e REI.

Le colonel Bernard Grué est Grand officier de la Légion d’honneur, officier de l’ordre national du Mérite et titulaire de la croix de Guerre des théâtres d’opération extérieures avec une palme et deux étoiles de bronze, de la médaille coloniale et de la croix de la Valeur militaire.

A lire :

« Aventure en Iran et guerre en Algérie » 1954 – 1967 (Ed ; L’Harmattan)

« l’espoir meurt en dernier » : guerre et captivité en Indochine avec la Légion étrangère 1949 – 1954 (Ed. Rocher)




Les faux postulats de la guerre d’Ukraine, selon Eric Dénécé

L’AASSDN relaie cet éditorial d’Eric Dénécé N°64 / FÉVRIER 2024 sur cf2r.org

Lorsqu’ils considèrent la guerre d’Ukraine, la plupart des analystes[1] partent, me semble-t-il, de postulats erronés – délibérément ou par méconnaissance – que je crois instillés par les États-Unis et l’Ukraine, et qu’il convient de signaler, car ils sont à l’origine d’une vision qui s’affirme de plus en plus fausse des origines et des réalités de ce conflit et donc de son issue probable.

Il ne s’agit pas, répétons-le une nouvelle fois, de défendre les positions de la Russie, mais de rappeler certains faits et de faire prendre conscience du narratif élaboré par les Américains pour justifier le bien-fondé de cette guerre aussi horrible qu’inutile, et de la désinformation majeure dont nous sommes victimes en Europe, et en particulier en France, depuis maintenant deux années.

QUATRE POSTULATS (DÉLIBÉRÉMENT) ERRONÉS

1. LA RUSSIE VOULAIT ENVAHIR L’UKRAINE

Nous savons aujourd’hui que le corps de bataille russe massé à la frontière ukrainienne début 2022 comptait entre 120 000 et 150 000 hommes selon les sources et que la première vague d’assaut ne comprenait que 60 000 hommes environ. Le simple bon sens voudrait que des analystes sérieux aient eu l’objectivité de reconnaitre qu’il s’agissait bien d’une opération miliaire « spéciale » – qu’ils étaient en droit de dénoncer – au lieu d’abonder dans le sens de la propagande diffusée par Kiev, Londres, Washington et Varsovie s’attachant à faire croire à une invasion menaçant toute l’Europe occidentale. Les effectifs russes engagés étaient clairement ceux d’une action limitée, donc notoirement insuffisants pour une opération d’ampleur contre un État de 603 000 km2 et de 43 millions d’habitants. Rappelons pour mémoire que lors de leur invasion de l’Irak – 438 000 km2, 27 millions d’habitants et des forces armées non soutenues par – en 2003[2], les Américains ont engagé une armée de 150 000 hommes assistée de 45 000 Britanniques et de 70 000 Kurdes[3]. Ce premier postulat ne résiste donc pas à l’analyse militaire élémentaire.

2. LA RUSSIE DISPOSAIT D’UNE ARMÉE PUISSANTE QUI AURAIT DÛ BALAYER LES UKRAINIENS EN QUELQUES SEMAINES. CELA N’A PAS EU LIEU, CE QUI RÉVÈLE SA MÉDIOCRITÉ ET CELLES DE SES CHEFS

Les forces russes qui ont attaqué l’Ukraine l’ont fait avec un rapport de forces très défavorable de 1 contre 3. Elles ne pouvaient donc submerger ni écraser l’armée ukrainienne, très supérieure en nombre. Leur objectif était de la paralyser et de contraindre Kiev à la négociation.

De plus, on oublie ce que de nombreux experts militaires observaient déjà pendant la Guerre froide et jusqu’au début des années 2000 : les forces soviétiques (malgré leur importance), étaient d’abord des forces préparées pour la défense et non pour les opérations extérieures, à la différence des forces occidentales. Nous savons donc depuis longtemps que la logistique, surtout pour la projection de forces, n’est pas leur point fort, ce qui a été confirmé par les observations de nombreux officiers s’étant rendus en Russie après la dissolution de l’URSS… et par les premières semaines de « l’Opération militaire spéciale ».

Ces défauts, ne se sont pas améliorés après la chute du mur de Berlin, tant l’armée russe a connu de coupes sombres, tant en matière de budget, de ressources humaines que d’unités. Il a fallu attendre le début des années 2000 pour observer le début d’un redressement. Néanmoins, l’armée russe d’aujourd’hui n’est pas l’Armée rouge d’hier, bien qu’elle en soit l’héritière.

Aussi, nous nous permettons de penser que cette surestimation de la force russe, largement relayée par les médias occidentaux, n’avait pour but que de glorifier la résistance ukrainienne et d’humilier Moscou, dans le but possible de provoquer une fronde contre Poutine et son état-major.

3. LES FORCES RUSSES VOULAIENT PRENDRE KIEV, MAIS ELLES ONT ÉCHOUÉ

Autre ineptie. Seule une fraction des forces de l’Opération militaire spéciale a été affectée à l’offensive visant la capitale ukrainienne, non dans le but de la conquérir, mais de fixer les forces de Kiev (manœuvre opérative). Il est totalement délirant de croire que les Russes envisageaient de conquérir une agglomération couvrant 12 300 km² – au cœur d’une aire urbaine de28 900 km² –, regroupant au total 4,6 millions d’âmes[4], et encore une fois face à des forces supérieures en nombre et installées sur un territoire qu’elles connaissaient parfaitement. Ceux qui savent les extrêmes difficultés de la guerre urbaine n’ont cessé de dénoncer cette affirmation des Ukrainiens et de leurs mentors occidentaux comme totalement fantaisiste.

À titre de comparaison, il convient de rappeler que pour son opération de nettoyage de la bande de Gaza (360 km2, 2,6 millions d’habitants), l’armée israélienne a engagé plus de 180 000 hommes, dispose d’un contrôle du ciel total et d’une assistance américaine et britannique en matière de collecte de renseignements et de fourniture de munitions. Néanmoins, quatre mois après le début de son offensive, Tsahal n’est toujours pas parvenu à en prendre le contrôle total alors même que les combattants du Hamas (20 000 hommes) ne sont pas des adversaires comparables à l’armée ukrainienne formée par l’OTAN.

4. LA RÉSISTANCE HÉROÏQUE DES FORCES UKRAINIENNES A SURPRIS LE MONDE COMME LA RUSSIE ET MONTRE LA SOLIDITÉ ET LA DÉTERMINATION DE CETTE NATION

Cette affirmation nous semble relever d’une sous-estimation délibérée de l’armée ukrainienne afin d’atteindre le but psychologique évoqué au point n°2 ci-dessus. Encore une fois, revenons-en aux chiffres. Début 2022, les forces armées ukrainiennes comptaient 250 000 hommes, soit les deuxièmes les plus importantes en volume en Europe orientale, après l’armée russe. Elles étaient de plus complétées par les gardes-frontières (53 000 hommes), la nouvelle Garde nationale d’Ukraine (60 000) et les divers services de sécurité intérieure. Surtout, ces forces avaient bénéficié, depuis 2014 d’une assistance majeure de plusieurs pays de l’OTAN (États-Unis, Royaume-Uni, Canada), en matière de formation et de livraisons d’armes, et recevaient aussi de très nombreux renseignements sur la Russie dont ces pays disposaient[5]. C’étaient donc des forces professionnelles, bien équipées et disposant, pour certaines d’entre elles, d’une expérience du combat pour avoir participé depuis 2014, aux opérations militaires contre les régions autonomistes du Donbass. Rien à voir donc avec « la petite armée » ukrainienne que nous ont vendue l’OTAN et les médias.

Ajoutons à cela que l’armée ukrainienne avait établi, principalement autour du Donbass, de très solides positions défensives, qu’elle combattait sur un terrain qu’elle connaissait, qu’elle était trois fois plus nombreuse que les forces d’attaque russes, et que si celles-ci avaient l’initiative, leur offensive était largement attendue.

Ces quatre postulats – dont l’analyse rapide permet de mesurer qu’ils ne résistent pas aux faits – relèvent donc de la mauvaise foi, si ce n’est d’une désinformation délibérée, afin de fausser la perception du conflit et de décrédibiliser l’adversaire russe, manœuvre en soi de bonne guerre.

À côté de ses fausses affirmations, il convient également de se pencher sur d’autres faits, qui s’ils n’ont pas été déformés par le narratif otano-ukrainien, ont été passés sous silence, car ils contribuent également à éclairer les réalités de ce conflit d’un jour nouveau.

LA NÉCESSAIRE RELECTURE DES PREMIERS MOIS DU CONFLIT

5. Depuis 2014, les Américains n’ont eu de cesse de soutenir l’Ukraine et de la pousser à reconquérir le Donbass et la Crimée – qui sont des terres russes – en encourageant son nationalisme et en l’armant, poussant de ce fait les Russes dans leurs retranchements. Washington comme Kiev connaissaient pourtant les multiples avertissements qu’avait lancés Vladimir Poutine à partir de 2007 et ses réactions face à l’avancée agressive de l’OTAN aux marges de la Russie (Géorgie 2008, Ukraine 2014). Américains et Ukrainiens se doutaient bien que les Russes ne resteraient pas sans réagir – tout en espérant peut être le contraire… – et qu’il fallait alors les faire tomber dans un piège : les placer en position d’agresseurs et de violation du droit international. Ils n’ont donc eu de cesse, depuis le milieu de l’année 2021, d’alerter l’opinion internationale sur la menace russe et le risque de guerre (qu’ils étaient en train de provoquer) dès qu’ils ont observé que Moscou massait ses troupes à la frontière ukrainienne et s’y livrait à des exercices militaires.
Il est finalement possible de considérer que les deux adversaires ont « bluffé » : les Américains et les Ukrainiens en pensant que les Russes ne réagiraient pas ; et Moscou estimant sans doute qu’en massant ses forces à la frontière, Washington et Kiev renonceraient. Mais aucune de ces deux manœuvres n’a fonctionné et elles ont irrémédiablement conduit à la guerre.

6. Ukrainiens et Américains savaient parfaitement qu’en lançant l’opération de reconquête du Donbass le 17 février 2022, Moscou interviendrait en soutien des populations russophones menacées. Leur objectif était alors d’amener l’armée russe à buter sur les nombreuses fortifications érigées depuis 7 ans à dans le sud-est du pays et à leurs nombreux moyens antichars, afin de lui infliger une défaite. Mais les Russes ne sont pas tombés dans ce piège.

7. Il n’est pas imaginable que Washington et Kiev aient décidé cette provocation contre la Russie sans que l’armée ukrainienne soit prête à résister et ait pris des dispositions défensives solides. Encore une fois, la – légitime – résistance ukrainienne n’est pas surprenante et s’est donc paradoxalement révélée moins performante que prévu, les Russes ayant pu fixer une partie des forces autour de Kiev et occuper très rapidement plus de 30% du territoire.

8. Le retrait des forces russes de la région de Kiev, fin mars 2022, n’est pas lié à un échec militaire – bien qu’elles y aient rencontré une farouche résistance ayant contrarié leur progression – mais à une concession de Moscou dans le cadre des négociations d’Istanbul[6], comme l’a confirmé Poutine lors de son interview accordée à Tucker Carlson. Certains continuent de nier ce fait, mais sans aucun argument, car les forces russes se sont retirées en bon ordre… avant que les Ukrainiens, sous l’influence de Boris Johnson, ne décident de mettre un terme à des négociations en passe d’aboutir !

9. Tout cela ne veut pas dire que les Russes n’aient pas commis d’erreurs. Il y a eu sans aucun doute de mauvaises estimations initiales de l’adversité, due à des rivalités entre services de renseignement. Dans un article récent[7], Andrei Kozovoï, professeur à l’université de Lille, évoque le fait que seules trois personnes, en dehors de Poutine lui-même, auraient été au courant du projet d’invasion décidé lors du Conseil de sécurité du 21 février : le ministre de la Défense, Sergueï Choïgou ; le secrétaire du Conseil, Nikolaï Patrouchev ; et le directeur du FSB, Alexandre Bortnikov. Les autres membres de cette instance – dont Sergeï Lavrov, ministre des Affaires étrangères, Mikhaïl Michoustine, Premier ministre et Sergueï Narychkine, le chef du SVR – auraient été, eux, favorables à la poursuite du processus diplomatique.
Par ailleurs Andrei Kozovoï rappelle justement que depuis l’arrivée de Poutine à la présidence en 2022, le FSB n’a cessé de prendre l’ascendant sur les autres services de renseignement, le SVR, mais aussi le GRU (Direction du renseignement militaire). Le premier s’étant déconsidéré aux yeux de Poutine à la suite de l’arrestation, en 2010 aux États-Unis, d’une dizaine d’illégaux par le FBI ; le second en raison du fiasco de l’empoisonnement de Skripal, à Londres, en 2018. Le FSB se serait de facto retrouvé en position de force dans l’élaboration du processus décisionnel, pesant de tout son poids en faveur d’une intervention militaire en Ukraine.
La décision de lancer l’opération militaire spéciale – certainement envisagée de longue date, mais non planifiée aussi en détail qu’elle aurait dû l’être – semble ainsi avoir été prise dans l’urgence. Une fois celle-ci engagée, comme tous les militaires le savent, un plan d’opération ne résiste jamais à plus de trois jours de guerre et les forces russes ont été confrontées à une plus forte adversité que ce qu’elles escomptaient, ce qui leur a coûté cher.

LE CINQUIÈME (NOUVEAU) FAUX POSTULAT

10. IL EXISTE UN RÉEL RISQUE DE GUERRE AVEC LA RUSSIE D’ICI 5 À 8 ANS ET LES OCCIDENTAUX DOIVENT S’Y PRÉPARER

Depuis la fin de l’année 2023, en raison de l’échec de la contre-offensive ukrainienne et des difficultés d’approvisionnement en armes, un nouveau narratif est produit par l’OTAN : celui d’un risque de guerre avec la Russie à l’horizon de 5 à 8 ans. Ainsi se succèdent les déclarations alarmistes des principaux responsables politiques et militaires des pays de l’OTAN, dans une campagne savamment orchestrée.

– En décembre 2023, les principaux collaborateurs du président Joe Biden déclarent au Congrès que si les parlementaires ne votent pas rapidement pas une aide militaire supplémentaire à l’Ukraine, la Russie pourrait gagner la guerre en quelques mois, voire quelques semaines. Mais les Républicains continuent à ce jour de s’opposer à une nouvelle aide de 61 milliards de dollars à Kiev.

– Puis, le 7 janvier, à l’occasion de leur séminaire annuel sur la défense, des membres du gouvernement suédois et des haut-gradés de l’armée déclarent que le pays doit se préparer à une guerre avec la Russie.

– Le 16 janvier, le journal allemand Bild publie un document « confidentiel » de l’état-major allemand montrant que celui-ci envisage sérieusement une attaque russe et décrivant comment il se prépare à y faire face.

– Le 21 janvier, l’amiral néerlandais, Rob Bauer, président du Comité militaire de l’OTAN déclare que l’Alliance n’exclut pas une guerre avec la Russie : « Nous nous préparons à un conflit » annonce-t-il.

– Le 21 janvier toujours, le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, met en garde contre le risque d’une guerre dans un entretien diffusé par la chaine télévisée ZDF, affirmant que « même si une attaque russe ne paraît pas probablepour l’instant, nos experts s’attendent dans cinq à huit ans à une période au cours de laquelle cela pourrait être possible ».

– Le 24 janvier, le général Sir Patrick Sanders, chef de la British Army estime, dans une interview au Guardian, que la société britannique doit se préparer à l’éventualité d’une guerre.

– Le 5 février, dans un entretien paru dans le tabloïd Super Express, le ministre de la Défense polonais, Wladyslaw Kosiniak-Kamysz, déclare ne pas exclure une guerre imminente avec la Russie.

– Enfin, le 9 février Le ministre danois de la Défense, Troels Lund Poulsen, affirme, dans une interview au quotidien Jyllands-Posten, que la Russie est capable de passer rapidement à l’offensive et que le Danemark doit être prêt à ce scénario.

Tous déclarent que face à la menace, les budgets de défense et les achats d’armement doivent être augmentés sans attendre[8]. Évidemment, on ne s’interroge guère quant à savoir à qui profite cette manœuvre politico-médiatique[9]

Or, indépendamment du fait que Vladimir Poutine ait été très clair sur ce point lors de son interview avec Tucker Carlson[10], les réalités démographiques et militaires montrent que cette hypothèse est totalement irréaliste et relève, une nouvelle fois, de la propagande, dans le but de maintenir à tout prix la cohésion de l’OTAN, qui commence à se fissurer, et surtout de faire peur aux opinions publiques qui voient bien quelle vont être l’issue de la guerre et les conséquences économiques déplorables qu’elle a engendrées pour elles.

REFERENCES

[1] Y compris l’excellent Emmanuel Todd – dont le dernier ouvrage (La Défaite de l’Occident, Gallimard, Paris, 2024) est en tout point remarquable – qui s’égare parfois lorsqu’il aborde les questions militaires.

[2] Opération lancée en dépit de l’opposition très claire de l’ONU et illégale au regard du droit international.

[3] https://fr.wikipedia.org/wiki/Invasion_de_l%27Irak_par_les_%C3%89tats-Unis_en_2003

[4] Cf. https://www.populationdata.net/pays/ukraine/aires-urbaines. La ville de Kiev stricto sensu couvre 827 km2 et compte 3 millions d’habitants, une superficie et une population toujours supérieures à Gaza.

[5] Eric Schmitt, Julian Barnes & Helen Cooper, “Commando Network Coordinates Flow of Weapons in Ukraine, Officials Say”, New York Times, June 25, 2022. Greg Miller and Isabelle Khushudyan, “Ukrainian spies with deep ties to CIA wage shadow war against Russia”, The Washington Post, October 23, 2023.

[6] Voir à ce sujet mon éditorial n°62, « Quand le brouillard de la guerre commence à se dissiper », février 2023 (https://cf2r.org/editorial/quand-le-brouillard-de-la-guerre-commence-a-se-dissiper/).

[7] Andrei Kozovoï, « Poutine ou l’intoxiqueur intoxiqué » Politique internationale, n°178, Hiver 2023. Cet article, qui apporte des éléments intéressants, se décrédibilise malheureusement par sa grossière orientation anti-Poutine. L’auteur va jusqu’à attribuer la responsabilité de l’assassinat de Daria Dougina au FSB… alors que le SBU ukrainien l’a clairement revendiqué !

[8] Seule voix discordante, le chef d’état-major des armées (CEMA) français, le général Thierry Burkhard a déclaré, le 22 janvier, lors d’une conférence à la Sorbonne, que « quelle que soit l’issue de la guerre en Ukraine, la Russie a déjà subi une défaite stratégique. (…) L’armée de terre russe est dans un état critique. Elle ne constitue plus une menace pour l’OTAN » (https://www.opex360.com/2024/01/24/pour-le-chef-de-la-british-army-la-societe-britannique-doit-se-preparer-a-leventualite-dune-guerre/).

[9] En 2023, les exportations d’armes américaines ont augmenté de 56% par rapport à 2022 selon le département d’État américain. C’est essentiellement la guerre en Ukraine qui explique cet accroissement record.

[10] Alors que Tucker Carlson, lui demandait s’il pouvait « imaginer un scénario dans lequel vous envoyez des troupes russes en Pologne », Vladimir Poutine a répondu : « Seulement dans un cas de figure, si la Pologne attaque la Russie. Nous n’avons pas d’intérêts en Pologne, en Lettonie ou ailleurs. Pourquoi ferions-nous cela ? Nous n’avons tout simplement aucun intérêt (…). Il n’en est pas question », a-t-il ajouté.




1941-1942 : Des copies des plans de la Wehrmacht détournées par Henri Brunet

Henri Brunet, un héros discret de la Résistance française, était un officier de réserve et chef d’entreprise. Mobilisé en 1939, il retourna à la vie civile à Caen après une maladie. Là, il fut contraint par les Allemands à reproduire des plans militaires. Brunet utilisa cette position pour fournir des renseignements aux Alliés, en copiant secrètement des documents importants. Malgré des soupçons allemands et une surveillance accrue, il continua son travail de renseignement. Finalement, il fut trahi, arrêté, et exécuté en 1943. Brunet est reconnu comme un martyr, honoré pour son courage et son engagement envers la France.




1944 : Paul Daum contribue à déjouer l’aviation de l’ennemi lors du débarquement de Provence

Paul Daum

Durant la Première Guerre mondiale, Paul Daum sert d’abord dans l’artillerie puis dans l’aviation, se distinguant par son courage, notamment en affrontant seul six avions ennemis en 1915. Il devient pilote, commande une escadrille, et est plusieurs fois cité pour bravoure. Durant la Seconde Guerre mondiale, il rejoint rapidement la Résistance, devenant sous-chef du Réseau Roy. Arrêté par la Gestapo en 1943, il est déporté et décède en captivité en 1944.

L’engagement de Paul Daum dans la Résistance et sa contribution à la collecte de renseignements ont eu un impact significatif sur le débarquement de Provence et les opérations militaires alliées en France durant la Seconde Guerre mondiale. Son travail et celui de ses camarades ont facilité les opérations militaires et ont contribué à la libération de la France. Le réseau Roy a fournit des renseignements cruciaux pour planifier cette opération majeure, en fournissant des détails sur les positions ennemies, les fortifications et les mouvements de troupes.




Nice, haut-lieu de la Résistance française

Allocution du général d’armée aérienne (CR) François Mermet, Président l’Amicale des Anciens des Services Spéciaux de la Défense Nationale, l’AASSDN, et ancien Directeur Général de la Sécurité extérieure, aux monuments aux morts de Nice, le 5 octobre 2022. Ce fut l’occasion de rappeler le rôle de Nice pendant toute la Deuxième Guerre Mondiale pour son soutien actif à la Résistance. Nice qui est une des rares villes de France à s’être libérée sans l’aide de troupes étrangères grâce au soulèvement de sa populationDans un discours prononcé le 9 avril 1945, place Masséna à Nice, le général de Gaulle, président du gouvernement provisoire de la République française, évoquera la libération de Nice en ces termes : « Nice, le 28 août 1944, par l’héroïque sacrifice de ses enfants, s’est libérée de l’occupant. (…) Nice libérée, Nice fière, Nice glorieuse ! ».[1] Nice, enfin, dont tant d’enfants se sont révélés des héros face à l’envahisseur. [NDLR]

https://www.youtube.com/embed/BmTzv2wJxgE

Monsieur le Préfet,

Monsieur le Maire, représenté par Madame Marie-Christine Fix.

Marins du SNA Casabianca, Aviateurs de l’escadron de transport Poitou et du CPA10, unités prestigieuses de nos forces spéciales avec qui nous avons l’honneur d’être en parrainage,

Monsieur le Délégué militaire départemental,

Monsieur le commandant du Groupement de gendarmerie départementale des Alpes-Maritimes,

Mesdames, Messieurs,

Chers amis.

Notre Amicale se retrouve, une nouvelle fois, dans cette superbe ville de Nice où nos grands anciens, conduits par le Colonel Paul Paillole, avaient tenu congrès en 1975.

Une même soif de vérité et de reconnaissance nous anime dès lors qu’il s’agit de célébrer la mémoire de nos Services de renseignement et de contre-espionnage. Bien avant la Seconde Guerre Mondiale, ils avaient fait leur travail en dénonçant avec précision les menaces allemandes et italiennes qui planaient.

Ils n’ont — hélas — pas été écoutés. Ni par le pouvoir politique, ni par le Haut commandement militaire de l’époque.  

Une semaine avant la foudroyante invasion allemande de l’été 1940, le colonel Rivet et le commandant Paillole, prévoyant la dissolution de leur service dans les clauses de l’armistice, ont préféré saborder leur service pour entrer en résistance en choisissant la clandestinité. Évacuant de Paris leurs personnels et leurs si précieuses archives, ils se sont regroupés à Bon-Encontre, près d’Agen, où ils feront le serment de continuer le combat jusqu’à la Libération du pays.

En 1954, dans le tome I de ses mémoires, le général de Gaulle écrit : « Les premiers actes de résistance venaient des militaires, les services de renseignement continuaient d’appliquer dans l’ombre des mesures de contre-espionnage et par intervalle transmettaient aux anglais des informations ».

Outre la fourniture de renseignements sur l’ordre de bataille et les infrastructures de l’armée allemande, ils permirent 1300 arrestations, 264 condamnations et 42 exécutions d’agents et de collaborateurs.

Après le débarquement des alliés au Maroc et en Algérie, les opérations de reconquête en Afrique du nord et en Méditerranée, furent réussies grâce aux actions des services du commandant Paillole : le Brigadier général Dudley Clarke, responsable britannique des opérations d’intoxication (deception) confiera : « Il nous eut été impossible de mener à bien notre tâche sans l’aide experte et si généreuse de vos services ».

Allocution du général d’armée aérienne (CR) François Mermet, Président de l’AASSDN à Nice

Les autorités au garde à vous pendant l’exécution de l’hymne national – Photo © Joël-François Dumont

Lors de notre Congrès à Bon-Encontre, en 2021, nous avons soulevé un coin du voile sur cet épisode fondateur de la Résistance. De nouveau, le 30 mai dernier, lors de la commémoration du 150ème anniversaire de la création de la Direction du Renseignement et de la Sécurité de la Défense, le nouveau ministre des Armées, M. Sébastien Lecornu, a évoqué ce Serment dans la cour d’honneur des Invalides en rendant un hommage solennel à l’action déterminante du général Rivet et des colonels Paillole, Sérot et Doudot.

Ce dernier, figure légendaire de notre contre-espionnage, infiltra et manipula, trois postes du service de renseignement de l’Abwehr sur le territoire allemand. Les Alliés lui attribuèrent, comme au commandant Paillole, leurs plus hautes distinctions : officier de la Legion of Merit américaine et chevalier de l’Ordre du British Empire.

C’est avec fierté que nous retrouvons à Nice cette flamme de la Résistance, dans cette ville où Jean Moulin organisa depuis sa galerie d’art la difficile mission dont l’avait chargée le général de Gaulle : rassembler et unir les différents mouvements de Résistance.

Qu’il me soit permis d’évoquer la mémoire de Niçois qui se sont rendus célèbres dans leur combat pour la libération de la France.

C’est un Niçois, le capitaine Gustave Bertrand, responsable de nos services à Berlin qui, en 1934, subtilisa aux Allemands les plans de la fameuse machine Enigma, dont le développement en coopération avec les services polonais, puis britanniques, permit dix ans plus tard, aux Britanniques de gagner la bataille d’Angleterre avant de donner aux Alliés une longueur d’avance pendant toute la guerre jusqu’à la victoire.

En 1940, c’est à Nice que Bertrand se réfugie avant d’exfiltrer son équipe vers Londres via l’Espagne. Nice était alors notre station de surveillance face à l’Italie. Nice devint, dès 1942, un poste important du réseau de contre-espionnage dit des « Travaux Ruraux », mis en place clandestinement dès la signature de l’armistice par le général Rivet et le commandant Paillole pour combattre les services secrets allemands et italiens.

Hommage au général Delfino pendant le passage de deux Rafale du Normandie-Niemen – Photo © JFD

C’est aussi à Nice que naquit le général d’armée aérienne Louis Delfino, pilote aux 16 victoires aériennes homologuées et dernier commandant du prestigieux régiment Normandie-Niemen engagé sur le front russe. La ville de Nice lui rend hommage tous les ans ainsi qu’aux 42 pilotes qui perdirent la vie au cours de cette épopée.

nice liberation affiche 27 mai 1945 1

En 1944, Nice est l’une des rares villes de France qui se libère par elle-même grâce à l’insurrection de sa population et aux mouvements de résistance peu de temps avant l’arrivée d’une division américaine.

Il y a quatre ans lors de notre Congrès à Annecy, nous avons célébré à la nécropole des Glières le sacrifice et le courage des Résistants et des maquisards, espagnols pour la plupart, encadrés par les chasseurs-alpins du 27e BCA commandés par le colonel Jean Valette d’Osia.

Leur soulèvement permettra la libération de la Haute-Savoie, le seul département à s’être libéré du joug nazi.

Connaissant les liens historiques qui unissent le duché de Savoie et le comté de Nice, comment pour le savoyard que je suis, ne pas associer dans un même éloge la Résistance du département de la Haute Savoie et de la ville de Nice ?

Nice, hélas, est devenue une ville martyre depuis l’attentat terroriste de masse du 14 juillet 2016 : 86 morts, un demi-millier de blessés ! Nos pensées se tournent vers les familles endeuillées, vers toutes celles et ceux qui restent meurtris dans leur chair et leur cœur. À travers notre association, la communauté du renseignement salue leur dignité ; elle fait ici le serment de ne jamais oublier les victimes innocentes du carnage de la Baie des Anges.

Gageons que « la victorieuse » comme le rappelle l’origine grecque de Nice, « Nikaïa », saura surmonter l’épreuve et donner l’exemple de son courage à la Nation au moment où la guerre surgit à nouveau en Europe.

Bernard Gonzalez, préfet des Alpes-Maritimes, dépose une gerbe aux monuments aux morts de Nice – Photo © JFD

Que soient enfin remerciés, toutes celles et tous ceux qui nous ont accueillis avec bienveillance pour réussir ce congrès, au premier rang desquels Monsieur Bernard Gonzalez, préfet des Alpes maritimes et Monsieur Christian Estrosi, maire de cette belle ville de Nice, sans oublier bien sûr cet hommage de notre armée de l’Air et de l’Espace avec le passage d’une patrouille de Rafale du Normandie-Niemen.

Général François Mermet, Président de l’AASSDN

[1] La libération de Nice a lieu le 28 août 1944 à la suite d’une insurrection armée décidée par la Résistance. Les insurgés ne sont qu’une centaine au début de la journée du 28 août, mais l’ampleur qu’a pris le soulèvement en fin de journée pousse l’occupant allemand à évacuer la ville. Les Alliés ne sont pas au courant de l’insurrection et n’aident donc pas les insurgés. Côté niçois, 31 résistants seront tués et 280 seront blessés (Source : La Bataille de Nice in Wikipedia).




Joséphine Baker au Panthéon

Par Alain Juillet et Marie Gatard

Avec l’entrée au Panthéon de Joséphine Baker, beaucoup retiennent le combat d’une femme qui a utilisé sa grande notoriété au service de la lutte contre le racisme et pour l’émancipation des Noirs en soutenant le mouvement américain des droits civiques, puis en s’impliquant comme franc-maçonne, à partir de 1960, dans la lutte pour l’égalité des droits pour toutes et tous.

Pourtant ce n’est pas seulement une femme exceptionnelle pour son action en faveur de la fraternité universelle, symbolisée par la fratrie de tous les enfants qu’elle a adoptés, venus de toutes les régions du monde, pour toutes et tous, c’est aussi la combattante pour la liberté de la France qui est aujourd’hui honorée.

Joséphine Baker – Photo Studio Harcourt (1948)

Les anciens des Services spéciaux sont particulièrement fiers de voir ainsi reconnue l’une des leurs mais beaucoup ignorent ce qu’elle a pu faire réellement. C’est pourquoi il a semblé utile aux auteurs de cet article d’en raconter l’histoire en utilisant les mémoires et livres qui évoquent le combat de la femme de l’ombre qui prenait si bien la lumière.

Elle ne reculera effectivement devant aucun risque pour la France.

Quand elle est contactée, dès septembre 1939, par le capitaine Jacques Abtey, de la section allemande du contre-espionnage français dirigé par le capitaine Paul Paillole, elle accepte immédiatement de se mettre à la disposition du service avec ces paroles : « C’est grâce à la France que je suis devenue ce que je suis. Je lui vouerai une reconnaissance éternelle. Les Parisiens m’ont tout donné, en particulier leur cœur, je leur ai donné le mien. Je suis prête, capitaine à leur donner aujourd’hui ma vie. Vous pouvez disposer de moi comme vous l’entendez. »

Voir la vidéo produite par le Ministère des Armées

De la misère à la danse

Danseuse aux Folies Bergères, l’artiste a alors 33 ans, elle est devenue une image mythique du music-hall.

L’ascension de la petite fille du Missouri a été prodigieuse. Sa mère, métisse noire et indienne, et son père, batteur de Saint Louis, d’origine espagnole, qui ont monté un numéro de chant et de danse, se produisent dans des bars et des music-halls.

De son vrai nom Freda Mac Donald, elle est l’aînée de la famille, mais, un an après sa naissance, son père quitte sa mère, et celle-ci, qui tient la petite fille pour responsable, se comporte avec une grande brutalité. Le froid, la puan- teur, la misère sont le terreau de son enfance. À huit ans, elle travaille comme bonne à tout faire dans la maison d’une blanche, où elle dort avec le chien près du tas de charbon. Elle est tirée de cet univers quand sa patronne l’ébouillante pour la punir, des voisins ayant entendu les cris de l’enfant. À onze ans, elle assiste à un événement qui la marquera à jamais, l’émeute raciale du ghetto de East Saint Louis. Des gens ont été brûlés dans l’incendie, elle voit s’enfuir les fugitifs traqués comme des bêtes. À treize ans, après une rupture violente avec sa mère, elle se marie, pour peu de temps, avec un garçon de wagon-lit, Willie Wells.

La danse est déjà son univers. Dans les rues de Saint Louis, elle a appris les mouvements typiques des danseurs de jazz des années 20 aux États-Unis. Élevée dans la tradition baptiste, elle aime les cérémonies religieuses où musique et rythme entraînent les fidèles qui tapent des pieds, battent des mains, se balancent dans une atmosphère hypnotique. Elle est imprégnée de l’idée que l’âme peut s’exprimer à travers le corps.

C’est ainsi qu’après avoir été serveuse, elle se joint à un groupe familial de musiciens de rue, où elle apprend à jouer du trombone. C’est là qu’elle épouse, à quinze ans, Willie Baker, dont elle gardera le nom, et qu’elle réalise son rêve, entrer dans le corps de ballet d’un groupe en tournée. Elle y joue d’abord les remplaçantes, mais finit par se faire connaître dans le rôle de girl comique : elle grimace, se démène avec un entrain irrésistible, capable de n’importe quelle posture sans jamais arrêter de loucher.

Scandale et enthousiasme : la Revue nègre

À la même époque à Paris, en 1925, sévit un véritable engouement des artistes pour l’exotisme, en particulier pour l’art africain. Le peintre Fernand Léger, qui vient de voir l’exposition d’art nègre au musée des Arts décoratifs, suggère à l’administrateur du théâtre des Champs-Élysées de présenter un spectacle entièrement réalisé par des Noirs. La troupe dont fait partie Joséphine est pressentie. Elle a alors dix-neuf ans, danse en solo et commence à faire parler d’elle. C’est son premier contact avec la France.

De ce pays, Joséphine attend tout et, surtout, d’y échapper à une discrimination raciale particulièrement lourde à l’époque dans son pays. Paris lui offrira plus qu’une terre d’accueil, il fera d’elle une star. Mais si ce corps se dresse comme une œuvre qui exalte le monde des arts, si le nom de Joséphine Baker est aussi synonyme de liberté et d’ouverture sur le monde, l’Éros, propice aux fantasmes, indigne certains. Les catholiques s’offusquent, au point que l’Église en vient à s’alarmer. Pourtant, la star décide de rester en France.

Elle devient la compagne de Giuseppe Abatino, dit Pepito, qui passe pour un gigolo et se révélera être, durant leur union de dix ans, un remarquable impresario. C’est lui qui organise pour elle une tournée mondiale. Celle-ci débute à Vienne où des étudiants de droite veulent empêcher les artistes de couleur de se produire. L’Église, offusquée par des exhibitions de sensualité aussi tumultueuse, s’en mêle. Joséphine est horrifiée. En Argentine aussi, dit-elle, « les partis catholiques m’ont traquée de gare en gare, de ville en ville, d’une scène à l’autre ». En 1929, la police de Munich interdit le spectacle.

Arrivent les années 30. Elle a retrouvé la France, seul pays pour elle « où l’on puisse vivre facilement ». Elle est danseuse au Casino de Paris, devenu music-hall respectable. Joséphine s’est  transformée :  elle est vêtue avec simplicité et s’est mise à chanter. La petite Tonkinoise et J’ai deux amours sont sur toutes les lèvres. En 1934, elle tentera l’opérette et remportera un vrai succès dans le rôle de La Créole d’Offenbach.

Pourtant son désir de retourner dans son pays pour s’y imposer à Broadway se soldera par un échec. Comprenant qu’elle n’y a définitivement pas sa place, elle rentre à Paris mener une nouvelle revue aux Folies Bergères. Pepito est mort brutalement au printemps 1936. En 1937, en épousant Jean Lion, un riche courtier en sucre, elle obtient la nationalité française. La même année elle passe le brevet de pilote.

La star et le contre-espionnage

Quand éclate la guerre, en 1939, la star noire est en quelque sorte rattrapée par le racisme. On entendait déjà les accents du nazisme et les cruautés de l’idéal aryen. Les nazis considèrent les Noirs comme une menace pour la « race blanche ».C’est un agent de théâtre qui la met en rapport avec le capitaine Jacques Abtey, un Alsacien de 33 ans, énergique et sportif, un blond au front haut et aux yeux bleu pâle.

Avant la guerre déjà, le chef de la section des services secrets travaillant contre l’Allemagne avait eu l’idée d’utiliser des comédiens français à l’occasion de leurs déplacements à l’étranger.

«  Quand  le jeune capitaine Abtey me parla pour  la première fois  de Joséphine Baker, dira le colonel Paillole, je fus réticent. Nous nous méfions au 2e Bureau des enthousiasmes à la Mata Hari. Je craignais qu’elle soit une de ces personnalités brillantes du monde du spectacle qui, à l’épreuve d’un vrai danger, bien différent de leurs affres habituelles, se cassent comme du verre ; il me dit que Joséphine, c’était de l’acier. » Sous la coupe de Jacques Abtey, Joséphine Baker devient honorable correspondant.

Elle « ignorait tout du service de renseignements et devint rapidement un H.C. de tout premier ordre, dit Abtey. Cette femme universellement connue n’avait rien d’une barbouze. On se doute qu’elle n’opérait pas davantage en manteau couleur passe-muraille. Ce fut précisément en tant que Joséphine Baker qu’elle n’attirait pas l’attention sur son activité secrète. (…) Mieux, je parvins moi-même en certaines circonstances à passer complètement inaperçu en voyageant auprès d’elle avec un faux passeport en qualité de secrétaire ou d’artiste. »

« Mission accomplie ! »

Une longue route d’aventures va commencer pour Joséphine et son « officier traitant ». Le monde du renseignement de la vedette devient vite celui des ministres, des ambassades, voire des rois.

En 1940, Jacques Abtey est chargé d’établir, pour les Services spéciaux français, une liaison avec l’Intelligence Service, en vue d’un échange permanent de renseignements et afin de recevoir des consignes pour l’action commune. Il est décidé qu’il va accompagner la star dans sa tournée au Portugal et en Amérique du Sud ; il se fondra dans la troupe avec un passeport au nom de Jacques-François Hébert. Joséphine commence son travail de couverture, qui implique d’énormes risques, d’autant qu’elle fait inscrire sur le passeport de son coéquipier « accompagne madame Joséphine Baker ».

Pour ce premier voyage, ils partent avec une synthèse des renseignements recueillis jusque-là par le service de Paul Paillole, reproduite en langage chiffré et à l’encre sympathique (emplacement des principales divisions allemandes, effectifs, matériel, terrains d’aviation et même une photo d’une péniche que les Allemands projettent d’utiliser pour une invasion de l’Angleterre).

Tout le monde se presse pour voir la vedette, Abtey passe inaperçu, il fait pour ainsi dire partie des bagages. À l’ambassade de Lisbonne, par l’attaché de l’Air anglais, il entre en contact avec un membre de l’Intelligence Service. Joséphine, revenue seule à Paris, pourra dire à Paillole : « Mission accomplie ! »

Comme elle a besoin de renflouer ses finances, entamées par l’expédition à Lisbonne qu’elle a tenu à assumer, elle reprend à Marseille La Créole. À partir de ce moment, elle n’acceptera jamais aucune aide pécuniaire pour tout ce qu’elle fera pour la Résistance ou les soldats de l’Alliance.

Abtey est resté à Lisbonne pour mettre sur pied les modalités de collaboration avec les Anglais. Le service français sera basé à Casablanca et les courriers transiteront par le Portugal. Rentré à Marseille pour la première d’un spectacle de Joséphine, il lui dit qu’il a besoin d’elle pour la suite de ses missions et qu’ils vont s’installer au Maroc. N’hésitant pas un instant, elle interrompt les représentations pour cause de maladie et fait prendre ses bagages dans son château de Dordogne. Mais elle tient à ses animaux et l’on voit arriver dans sa cabine du bateau en partance pour l’Afrique du Nord : son danois, sa guenon, son singe-lion, son ouistiti, et ses deux souris blanches.

Ils embarquent aussi avec la dernière synthèse de renseignements. Mais, arrivé à Casablanca, Abtey a de telles difficultés pour obtenir un visa pour Lisbonne que Joséphine décide d’y aller à sa place. « Dans une valise, dira- t-il, elle emmenait la synthèse de Paillole que je lui avais transcrite à l’encre sympathique sur une partition de musique. De me voir écrire avec de l’eau l’avait bien amusée. C’était la première mission qu’elle allait accomplir seule à l’étranger. » Pour justifier sa présence à Lisbonne, elle y donne quelques représentations et revient radieuse

Mosaïques, orangers et colonnes de marbre

Elle se replie alors à Marrakech où deux personnalités lui ont ouvert les bras : un cousin germain du sultan, S.A. Moulay Larbi el-Alaouï, et le pacha de Marrakech, S.E. Si Thami el-Glaoui. Séduite par cette ville, elle s’installe avec sa suite, dont Abtey, dans une demeure de rêve au fond d’une impasse de la Médina : vestibule couvert de mosaïques, jardin intérieur à colonnes de marbre, orangers, fontaine gazouillante. Elle est frappée par la spiritualité qui émane de cette féerie. Mais le travail continue.

Malgré les dangers qu’il y a pour elle à aller en Espagne, alors sous tutelle occulte des Allemands, elle décide de s’y produire, ce voyage étant favorable à leur mission. Elle en reviendra avec, fixées à ses sous-vêtements par une épingle de nourrice, les notes qu’elle a prises sur les ambassades et les milieux politiques espagnols.

Mais, soudain, sa santé arrête son élan : elle a une péritonite et son cas est des plus sérieux. Un lit de camp est dressé auprès d’elle pour Abtey qui la veille, mais doit souvent la quitter pour les besoins de sa mission. Elle l’aide encore à sa manière : sous prétexte de visites à la malade, il peut donner dans sa chambre la plupart de ses rendez-vous clandestins.

Cependant, de rechute en rechute, Joséphine mène une incessante lutte pour la vie, qui va durer dix-neuf mois.

Un jour, elle voit arriver à son chevet un grand gaillard au visage ouvert, le vice-consul américain Bartlett : « Miss Baker étant d’origine américaine, dit-il, personne ne trouvera surprenant que je lui fasse des visites. » Abtey a en effet établi de nouveaux contacts avec les Américains, entrés dans la guerre. C’est ce même Bartlett qui leur annoncera un jour : de graves événements se préparent.

À la mi-octobre 1942, on offre à Abtey de diriger le 2e  Bureau de l’état-major militaire d’un mouvement de France Combattante qui vient de se former à Casablanca. Et les agents de Paillole ont été pressentis pour neutraliser, sous la direction du général Béthouart, le commandement supérieur des troupes du Maroc qui sont sous la direction du gouvernement de Vichy.

Le 8 novembre 1942, la DCA se déchaîne contre les premiers avions alliés, c’est le début du débarquement en Afrique du Nord. Joséphine exulte, Abtey la voit « bondir de son lit métallique, se lancer sur la terrasse, son maigre corps vêtu d’un pantalon de pyjama et d’un méchant tricot, les pieds nus » et, levant un poing vers le ciel : « Je vous l’avais toujours dit ! C’est cela les Américains ! » Elle suit la bataille du toit de la clinique.

Le deuxième jour des combats, elle tient, malgré sa faiblesse, à accompagner les représentants de la France Combattante qui vont se mettre à la disposition de l’état-major américain : une civière leur permettra de se déplacer sous la protection d’une ambulance de la Croix-Rouge.

Des milliers de soldats l’écoutent chanter

Enfin, le 1er  décembre, Joséphine quitte la clinique. À Marrakech, Si Mohamed Menebhi met à sa disposition un pavillon de son palais. Mais une paratyphoïde la terrasse à nouveau et elle enrage de ne pouvoir s’engager aux côtés de son officier traitant. Pourtant, le 1er  février, à peine rétablie et les cicatrices des interventions chirurgicales qu’elle a subies lors de son long séjour à la clinique n’étant pas entièrement refermées, pour aider les gens de sa couleur, elle monte sur les planches dans un foyer de soldats américains noirs (les blancs ont leur propre club). Le général Clark, qui assiste au spectacle, viendra la féliciter à la réception où l’on verra les plus hauts gradés de l’armée interalliée. Elle renaît à sa vie de star et se met à la disposition du haut commandement des troupes engagées, pour donner gratuitement des spectacles pour soutenir le moral des soldats. Et, alors qu’elle n’a plus un sou et qu’elle doit, pour se renflouer, donner une série de représentations au Rialto à Casablanca, la première est un gala au profit de la Croix-Rouge française. Le succès est énorme. J’ai deux amours, mon pays et Paris déchaîne une émotion parfois déchirante.

Et, tandis qu’Abtey, qui a quitté le Corps franc coiffé par Giraud, attend l’occasion de s’envoler pour rejoindre de Gaulle, elle fait le tour des can- tonnements (près de 300.000 hommes sont sous la tente ou dans des bara- quements). Plusieurs fois par jour, elle monte sur les tréteaux ; sa loge est une tente. Près d’Oran, la scène est dressée au milieu d’un champ, plusieurs milliers de soldats l’entourent. À Mostaganem, on lui demande de chanter sur la place publique car les militaires sont en butte à l’hostilité de la population, majoritairement italienne et espagnole, et le chef d’état-major a décidé de les mêler à la foule, espérant susciter le pouvoir rassembleur de l’artiste.

Tout en chantant, elle descend parmi les spectateurs, prenant des bébés dans ses bras et les remettant aux soldats. C’est ainsi qu’elle réussit à créer cette atmosphère de fraternité à laquelle elle aspire tant.

Des milliers de kilomètres à travers le désert

Quand elle rentre, épuisée, Paillole et de nombreux membres du 2e Bureau sont arrivés à Alger, ainsi que le général Catroux, représentant de Gaulle. Abtey se met au service du BCRA, tandis que Joséphine accepte une tournée dans les camps britanniques de Libye et d’Égypte. On pourrait croire que son activité dans la Résistance va s’arrêter là, d’autant qu’il n’est pas question pour elle de rentrer en France où, depuis 1941, les nazis ont interdit l’entrée en zone occupée de toute personne de couleur.

baker josephine
Le SLT Josephine Baker avec Alla Dumesnil-Gillet CDT les formations féminines de l’air – Photo Archives AASSDN

Pourtant, les deux coéquipiers vont continuer à lutter ensemble, mais leur action prend une autre tournure. Il ne s’agit plus d’œuvrer contre les services allemands, mais d’observer le monde musulman où les rivalités ancestrales ressurgissent. Joséphine a une grande connaissance du milieu arabe et, si elle met les intérêts de la France au-dessus de tout, elle aime sincèrement ses amis musulmans. C’est dans cet esprit qu’elle va travailler.

Accompagnée d’Abtey, elle part donc pour le Moyen-Orient. Sous couvert d’une tournée de propagande, sous le haut patronage de De Gaulle et au profit de la Résistance en métropole, elle donnera des spectacles devant les troupes FFL.

Toujours bénévole, pour pouvoir financer l’entreprise, Joséphine donne une grande soirée au théâtre municipal d’Alger. De Gaulle est parmi les spectateurs, il la félicite et lui fait remettre une petite croix de Lorraine en or. Il faut dire que Joséphine a un drapeau français de dix mètres orné d’une immense croix de Lorraine, qu’elle a déployé sur la scène. Elle le déploiera tout au long de sa tournée.

Elle suggère d’emmener avec eux un de ces amis, Madani Glaoui, neveu du pacha de Marrakech, un jeune homme plein de grâce et d’allant, acquis à de Gaulle, et dont le nom est susceptible de leur ouvrir des portes. Et les voilà partis pour un extraordinaire périple, tous les trois en jeep, les bagages suivant dans un autre véhicule, Joséphine en tenue militaire de campagne. Elle va faire ainsi des milliers de kilomètres à travers le désert.

À Sfax, ville détruite, elle offre la recette aux sinistrés. À Alexandrie, le trio est invité par le prince Mohamed Ali qui s’intéresse à leur mission. Au Caire, grande soirée franco-égyptienne présidée par le roi Farouk et banquet en l’honneur de la star. À Beyrouth, président de la République sortant, ambassadeur et têtes couronnées de Grèce. Pour augmenter la recette au profit de la Résistance, Joséphine met aux enchères la croix de Lorraine en or offerte par de Gaulle : elle atteint 350.000 francs.

Damas, Jérusalem, Tel-Aviv, Jaffa, Haiffa, puis Le Caire à nouveau ; sur toutes les scènes, Joséphine fait flotter son grand drapeau, symbole de la résurrection de la France. Bilan de la mission : une action de propagande et plus de trois millions de francs pour la Résistance.

Cependant, à Beyrouth, à l’élection du nouveau président de la République libanaise, le candidat français est battu, l’union arabe marque le premier point. Les renseignements recueillis par Abtey sont tous transmis à Alger et, devant la révolte grondant au Liban et les manifestations du Caire, ce dernier décide de rentrer le plus rapidement possible dans la capitale algérienne pour rapporter de vive voix les suggestions faites par les personnalités libanaises rencontrées.

L’échec de la France au Moyen-Orient occupe les esprits et change déjà les mentalités. Impression des deux coéquipiers : « le torchon brûle ». Les mouvements nationalistes intéressent les services de renseignements français, autant qu’américains et britanniques.

Mais Joséphine paie son infernale randonnée dans le désert et doit être opérée d’urgence d’une occlusion intestinale. Le palais Menebhi, où elle est en convalescence, est un lieu privilégié d’observation pour juger de l’évolution des dispositions des notables marocains à l’égard de la France.

À la veille du Débarquement en France sur les côtes normandes, elle accepte une tournée de propagande au profit de la France libre, en Corse, qui vient d’être libérée ; le but est, là, une démonstration à l’intention des Américains, dont l’attitude à l’égard de De Gaulle est plus qu’équivoque ; au point qu’un jour, un membre du corps diplomatique conseille à la vedette de ne jamais monter dans l’avion du Général.

Son avion s’écrase en mer

Quand elle rejoint la Corse en avion avec Abtey, s’apprêtant à poser le pied en France pour la première fois depuis quatre ans, peu après la Sardaigne, un moteur tombe en panne. Le ciel est sillonné d’avions français, tandis que le leur perd de l’altitude et finit par descendre vers la mer. « Calez-vous ! » crie le pilote. Le grand drapeau roulé sert de coussin protecteur à Joséphine. L’avion s’écrase dans une gerbe d’eau, sa carlingue de bois éclate, ses occupants grimpent sur une aile au milieu des bagages flottants. Ils sont tombés dans une anse, un groupe de tirailleurs Noirs accourt sur la plage. La soirée de gala sera assurée, Joséphine chantera pour les hommes qui vont libérer la France occupée.

Engagée le 23 mai 1944 dans l’armée, le lieutenant Joséphine Baker débarquera elle-même en zone sud avec les Forces féminines de l’Air : tenue de campagne, barda et casque réglementaires, vie de soldat.

Abtey la retrouve à Paris, aux Halles, calot sur la tête, dans un grand manteau gris-bleu de la RAF, pourvu par ses soins des boutons de cuivre de l’armée de l’Air française, une grosse écharpe de laine autour du cou ; elle s’approvisionne en gros pour les vieux de la banlieue (sans tickets d’alimentation grâce à ses relations). Elle s’est engagée dans la lutte contre la misère.

Pour une série de spectacles au profit des sinistrés, on lui recommande l’orchestre de Jo Bouillon. Ils suivront ensemble la progression de la 1re Armée, parcourant la zone française en Allemagne occupée. À Berlin, elle représente la France au cours d’un spectacle grandiose où figurent les grandes nations alliées. À Buchenwald libéré, elle ira au chevet des typhiques intransportables.

Une nouvelle tranche de vie attend la star, mais, en retrouvant la paix, avec Jo Bouillon devenu son mari, elle ne renoncera jamais à lutter avec l’étonnante générosité dont elle a toujours fait preuve, notamment pour sa cause première : l’abolition des barrières raciales. Voulant prouver qu’on peut vivre ensemble sans discrimination, elle adoptera douze enfants d’origines différentes.

L’activité de Joséphine Baker dans le cadre des services spéciaux a été minimisée par certains, pour lesquels elle n’aurait pas été un véritable agent de renseignements. Sans elle, pourtant, le véritable agent de renseignements que fut Jacques Abtey n’aurait jamais pu mener à bien ses missions. Elle a tout le long de l’Occupation pris des risques considérables pour le « couvrir » et s’est dépensée parfois au-delà de ses forces pour la Résistance. Ses décorations en témoignent. Elle a reçu la médaille de la Résistance, en 1946, dans son lit de la clinique de Neuilly (nouveaux ennuis de santé) et, en 1961, dans son château des Milandes, en Dordogne, les insignes de la Légion d’honneur et la croix de guerre avec palme.

Ses funérailles nationales, en 1975, étaient sans précédent pour un artiste.

Alain Juillet et Marie Gatard

Cet article a été publié le 19 septembre 2021 dans le numéro 256 du Bulletin bimestriel de l’AASSDN, l’Amicale des Anciens des Services Spéciaux de la Défense Nationale. Nous le reproduisons ici avec l’aimable autorisation de leurs auteurs et de l’AASSDN.

Alain Juillet, vice-président de l’AASSDN – Photo © JFD

Marie Gatard, Historienne AASSDN – Photo ©

Quelques livres pour en savoir davantage

Joséphine Baker, une Américaine à Paris, Phyllis Rose. Ed.Fayard, 1990

Joséphine, Joséphine Baker et Jo Bouillon. Ed. Robert Laffont, 1976

Voyages et aventures de Joséphine Baker, Marcel Sauvage. Ed. Marcel Sheur, Paris, 1931

Joséphine Baker contre Hitler, Charles Onana. Ed. Duboiris, 20XX 

2e Bureau contre Abwehr , Jacques Abtey. Ed. de la Table Ronde, 1967

La guerre secrète de Joséphine Baker, Jacques Abtey. Ed. Siboney, 1948

Bulletin de liaison de l’AASSDN, n° 177 et 127

J.A., Rémy. Ed. Galic, 1961

Services spéciaux, Paul Paillole. Ed. Robert Laffont, 1975

Mes missions face à l’Abwehr, Gilbert Guillaume. Ed. Plon, 1973

Combats de femmes, Marie Gatard, L’esprit du Livre, 2009




Josephine Baker in the Pantheon

With Josephine Baker’s induction into the Pantheon, many will remember the struggle of a woman who made good use of her popularity to fight racism and promote the emancipation of blacks by supporting the American civil rights movement, and then by becoming involved as a Freemason from 1960 onwards, in the fight for equal rights for all.

She is today honoured not only for her action in favour of universal fraternity, as exemplified by the brotherhood resulting from the many children she adopted in the four corners of the world, but also for her true fight for the freedom of France.

Joséphine Baker – Photo Studio Harcourt (1948)

Joséphine Baker – Photo Studio Harcourt (1948)

Former Special Branch personnel are particularly proud to see one of their peers being paid tribute in this way, but many are unaware of what she actually did. That is why the authors of this article believed it useful to tell the story using memoirs and books that evoke the struggle of the woman in the shadows who took the light so well.

And she did not shy away from any risk for France.

When she was contacted in September 1939 by Captain Jacques Abtey of the German section of the French counter-espionage service headed by Captain Paul Paillole, she immediately agreed to make herself available to the service with these words: « It is thanks to France that I have become what I am. I will be eternally grateful to her. The Parisians have given me everything, especially their hearts, I give them mine. I am ready, Captain, to give them my life today. You may dispose of me as you wish

Video produced by the french Ministry of Defence

From misery to dance

A dancer at the Folies Bergères, the artist was 33 years old at the time and had become a mythical music hall figure.

The rise of the little girl from Missouri was prodigious. Her mother, of mixed black and Indian origin, and her father, a drummer of Hispanic origin from Saint Louis, had put together a song and dance act, performed in bars and music halls.

Her real name was Freda MacDonald and she was the eldest child in the family, but about a year after she was born her father left. Her mother, who held the little girl responsible, behaved with great brutality. Cold, stench and misery were the soil of her childhood. At the age of eight, she worked as a maid in a white woman’s house, sleeping with the dog by the coal pile. She eventually was taken out of this world after her boss scalded her to punish her, and the neighbours alarmed by the child’s screams. When she was eleven, she witnessed an event that would leave a lasting impression on her, the East Saint Louis ghetto race riot. People were burned in the fire, and she watched as fugitives were hunted down like animals. At the age of thirteen, after a violent break-up with her mother, she marries, for a short time, a sleeping car boy, Willie Wells.

Dancing was already her world. On the streets of St. Louis, she learned the typical moves of jazz dancers in the 1920s in the United States. Raised in the Baptist tradition, she loved religious ceremonies where music and rhythm drove the faithful to stomp their feet, clap their hands and sway in a hypnotic atmosphere. She is imbued with the idea that the soul can express itself through the body.

So, after working as a waitress, she joined a family band of street musicians, where she learned to play the trombone. There, at the age of fifteen, she married Willie Baker, whose name she kept, and realised her dream of joining a touring band’s corps de ballet. At first she was auxiliary, but eventually made a name for herself as a comic girl: she pulled faces and moved with irresistible gusto, capable of any posture without ever stopping to squint.

Scandal and enthusiasm: the Revue negre

At the same time in Paris, in 1925, a real craze erupted among artists for exoticism, particularly African. The painter Fernand Léger, who had just seen the Negro Art exhibition at the Musée des Arts Décoratifs, suggested the administrator of the Théâtre des Champs-Élysées to present a show entirely produced by black people.

The troupe to which Josephine belonged was approached. She was then nineteen years old, danced solo and had begun to make a name for herself. This was her first contact with France.

Josephine expected everything from this country, especially the opportunity to escape from the particularly heavy racial discrimination in her country. Paris will offer her more than a home, it will make her a star.

Paris will offer her more than a home, it will make her a star

But if this body stands as a work of art that exalts the world of the arts, if the name Josephine Baker is also synonymous with freedom and openness to the world, Eros, which is conducive to fantasy, is indignant to some. Catholics took offence, to the point that the Church became alarmed. Nevertheless, the star decided to stay in France.

She became the companion of Giuseppe Abatino, known as Pepito, who passed for a gigolo and turned out to be a remarkable impresario during their ten-year union. It was he who organised a world tour for her. The tour began in Vienna, where right-wing students wanted to prevent coloured artists from performing. The Church, offended by such tumultuous displays of sensuality, got involved. Josephine is horrified. In Argentina too, she says, « the Catholic parties hounded me from station to station, from town to town, from stage to stage. In 1929, the Munich police banned the show ».

The 1930s arrived. She returned to France, the only country for her « where one can live easily ». She was a dancer at the Casino de Paris, which had become a respectable music hall. Josephine was transformed: she dressed simply and started to sing. La petite Tonkinoise and J’ai deux amours are on everyone’s lips. In 1934, she tried her hand at operetta and had a real success in Offenbach’s La Créole.

However, her desire to return to her country to make a name for herself on Broadway ended in failure. Realising that she definitely did not belong there, she returned to Paris to lead a new revue at the Folies Bergères. Pepito died suddenly in the spring of 1936. In 1937, by marrying Jean Lion, a rich sugar broker, she obtained French nationality. The same year she passed her pilot’s licence.

The star and counter-espionage

When war broke out in 1939, the black star was caught up in racism. The overtones of Nazism and the cruelties of the Aryan ideal could already be heard. A theatre agent put her in touch with Captain Jacques Abtey, an energetic and athletic 33-year-old from Alsace, a blond with a high forehead and pale blue eyes.

Even before the war, the head of the secret service section working against Germany had had the idea of using French actors when travelling abroad.

« When the young Captain Abtey spoke to me for the first time about Josephine Baker, » Colonel Paillole said, « I was reluctant. We were wary in the 2nd Bureau of Mata Hari-like enthusiasm. I was afraid that she was one of those brilliant personalities of the entertainment world who, when put to the test of a real danger, quite different from their usual afflictions, break like glass; he told me that Josephine was steel.» Under Jacques Abtey, Josephine Baker became an honourable correspondent.

She « knew nothing of the intelligence service and soon became an H.C. of the first order,» says Abtey. « This universally known woman could not be a spook. Nor could anyone suspect her of covert operations. It was her figure as Josephine Baker that drew attention, masking her secret activity. (…) Better still, I myself managed on certain occasions to go completely unnoticed by travelling with her on a false passport as a secretary or artist

« Mission accomplished ! »

A long road of adventures began for Josephine and her ‘case officer’. The star’s world of intelligence quickly encompassed that of ministers, embassies and even kings.

In 1940, Jacques Abtey was asked to set up a liaison with the Intelligence Service for the French Special Services, in order to ensure a permanent exchange of information and to receive instructions for joint action. It was decided that he would accompany the star on his tour of Portugal and South America; he would blend in with the troupe with a passport in the name of Jacques-François Hébert. Joséphine began her job as a cover, which involved enormous risks, especially since she had had her partner’s passport marked « assistant to Madame Josephine Baker ».

For this first trip, they set off with a summary of the information gathered so far by Paul Paillole’s department, reproduced in cipher and sympathetic ink (location of the main German divisions, personnel, equipment, airfields and even a photo of a barge that the Germans were planning to use for an invasion of England).

As everyone rushed to see the star, Abtey went unnoticed, he was part of the baggage so to speak. At the Lisbon embassy, through the British air attaché, he came into contact with a member of the Intelligence Service. Josephine, who returned to Paris alone, could tell Paillole: « Mission accomplished

As she needed to replenish her finances, damaged by the expedition to Lisbon, which she was keen on taking on, she took over La Créole in Marseilles. From then on, she would never accept any financial help for anything she did for the Resistance or the soldiers of the Alliance.

Abtey remained in Lisbon to work out the arrangements for collaboration with the British. The French service would be based in Casablanca and mail would be routed through Portugal. When he returned to Marseilles for the premiere of a show by Josephine, he told her that he needed her for the rest of his missions and that they were going to settle in Morocco. Not hesitating for a moment, she interrupts the performances on the ground of flailing heath and had her luggage transferred to her Dordogne castle. But as fond as she was of her animals, her Great Dane, female chimp, lion monkey, marmoset, and two white were seen arriving in her cabin on the boat headed for North Africa.

They also embark with the latest intelligence summary. Upon arrival at Casablanca however, Abtey has such difficulty obtaining a visa for Lisbon that Joséphine decides to go in his place. « In a suitcase,» he said, « she carried Paillole’s synthesis that I had transcribed for her in sympathetic ink on a musical score. She was amused to see me writing with water. It was the first mission she was going to carry out alone abroad. To justify her presence in Lisbon, she gave a few performances there and returned radiant

Mosaics, orange trees and marble columns

She then retreated to Marrakech where two personalities opened their arms to her: a first cousin of the Sultan, H.H. Moulay Larbi el-Alaouï, and the pasha of Marrakech, H.E. Si Thami el-Glaoui. Seduced by this city, she settled with her retinue, including Abtey, in a dream residence at the end of a cul-de-sac in the Medina: a mosaic-covered vestibule, an interior garden with marble columns, orange trees and a babbling fountain. She is struck by the spirituality that emanates from this enchantment. But the work continues.

Despite the dangers of going to Spain, then under the occult control of the Germans, she decided to perform there, as this trip was favourable to their mission. She returned with the notes she had taken on embassies established in Spain and political circles, attached to her underwear by a safety pin.

But suddenly her health stopped her momentum: she had peritonitis and her case was very serious. A camp bed was set up next to her for Abtey to watch over her. But because he often had to meet people for the needs of his mission, she still helped him in her own way as under the pretext of assisting « his » patient, he could hold most of his clandestine meetings in her room.

However, from relapse to relapse, and for nineteen months Josephine led an unceasing struggle for life.

One day, a tall, open-faced man, the American vice-consul Bartlett, arrived at her bedside: « Miss Baker being of American origin,» he said, « no one will find it surprising that I should pay her visits.» Abtey had indeed made new contacts with the Americans, who had entered the war. It was the same Bartlett who would one day tell them that serious events were afoot.

In mid-October 1942, Abtey was offered to head the 2nd Bureau of the military staff of a France Combattante movement that had just been formed in Casablanca. And Paillole’s agents were approached to neutralise, under the direction of General Béthouart, the higher command of the troops in Morocco which were under the direction of the Vichy government.

On 8 November 1942, the flak was unleashed against the first allied planes. It was the beginning of the landing in North Africa. Josephine exults, Abtey saw her « leaping from her metal bed, launching herself onto the terrace, her skinny body clad in pyjama trousers and a nasty knitwear, her feet bare » and, raising a fist to the sky: « I always told you! That’s what the Americans are ! » She followed the battle from the clinic’s roof.

On the second day of the fighting, and despite her weakness, she insisted on accompanying the representatives of France Combattante that were going to make themselves available to the American staff: a stretcher would allow them to move under the protection of a Red Cross ambulance.

Thousands of soldiers listen to her sing

Finally, on 1 December, Joséphine left the clinic. In Marrakech, Si Mohamed Menebhi puts a pavilion in his palace at Finally, on 1 December, Josephine left the clinic. In Marrakech, Si Mohamed Menebhi puts a pavilion in his palace at her disposal. But paratyphoid struck her again and she was furious at not being able to join her treating officer. However, on 1 February, barely recovered and with the scars from her long stay in the clinic not fully healed, she took to the stage at a black American soldiers’ home (the whites had their own club) to help people of her colour. General Clark, who attended the show, came to congratulate her at a reception attended by the highest ranking officers of the Allied Forces. She was reborn as a star and made herself available to the high command of the troops involved, to give free shows to support the morale of the soldiers. And when she was penniless and had to give a series of performances at the Rialto in Casablanca to bail herself out, the first was a gala for the French Red Cross. It was a huge success. J’ai deux amours, mon pays et Paris (I have two loves, my country and Paris) unleashed a sometimes heartbreaking emotions.https://www.youtube.com/embed/gRfrUdsL4Pk

And while Abtey, who had left the Corps franc headed by Giraud, waited for the opportunity to fly out to join de Gaulle, she toured the camps (nearly 300,000 men were in tents or shacks). She hit the stage several times a day; her dressing room is a tent. Near Oran, the stage was set up in the middle of a field, with several thousand soldiers surrounding it. In Mostaganem, she was asked to sing in the public square because the soldiers were facing hostility from the population, which was mainly Italian and Spanish, and the chief of staff had decided to mix them with the crowd, hoping to arouse the rallying power of the artist.https://www.youtube.com/embed/iGr3c1dCm74

While singing, she descended among the spectators, taking babies in her arms and handing them to the soldiers. This is how she managed to create the atmosphere of brotherhood that she longed for.

Thousands of kilometres across the desert

When she returned, exhausted, Paillole and many members of the 2nd Bureau had arrived in Algiers, as well as General Catroux, representing de Gaulle. Abtey went to work for the BCRA, while Josephine accepted a tour of the British camps in Libya and Egypt. One might think that her activity in the Resistance would end there, especially as there was no question of her returning to France where, since 1941, the Nazis had forbidden the entry of any person of colour into the occupied zone.

baker josephine
SLT Josephine Baker with Alla Dumesnil-Gillet commanding the Women’s Air Forces – AASSDN Archives Photo

Yet the duo carried on with their fight, but their action took a different turn. Instead of focusing on German activities the job at stake consisted of observing the Muslim world where ancestral rivalries were resurfacing. Josephine had a great knowledge of the Arab world and, she put the interests of France above all else, she sincerely loves her Muslim friends. It is in this spirit that she worked.

Accompanied by Abtey, she leaves for the Middle East. Under the guise of a propaganda tour, under the high patronage of De Gaulle and for the benefit of the Resistance in metropolitan France, she held shows for the FFL troops.

Always benevolently and in order to finance the operation, Josephine threw a big party at the municipal theatre in Algiers. De Gaulle was among the spectators, he congratulated her and gave her a small gold cross of Lorraine. Worthy of notice, Josephine had a ten-metre long French flag decorated with a huge cross of Lorraine that she unfurled on the stage, something that she did throughout her tour.

She suggested taking with them one of her friends, Madani Glaoui, nephew of the pasha of Marrakech. A young man full of grace and energy and supporter of de Gaulle, his name was likely to open up doors for them. And here they are, off on an extraordinary journey, the three of them in a jeep, their luggage following in another vehicle, Josephine in military field dress. She will travel thousands of kilometres across the desert.

In Sfax, a destroyed city, she offers the proceeds to the victims. In Alexandria, the trio is invited by Prince Mohamed Ali, who is interested in their mission. In Cairo, a great Franco-Egyptian function and banquet presided by King Farouk is given in the star’s honour. In Beirut, she was host to the outgoing President of the Republic, the ambassador and the crowned heads of Greece. To raise money for the Resistance, Josephine auctioned the gold Cross of Lorraine given to her by de Gaulle, raising 350,000 francs.[1]

Damascus, Jerusalem, Tel-Aviv, Jaffa, Haiffa, then Cairo again; on every stage, Josephine flew her big flag, symbol of the resurrection of France. The outcome of the mission: a propaganda action and more than three million francs for the Resistance.

However, in Beirut, at the election of the new president of the Lebanese Republic, the French candidate was defeated and the Arab Union scored the first point. The information gathered by Abtey was all transmitted to Algiers and, with the revolt rumbling in Lebanon and the demonstrations in Cairo, he decided to return as soon as possible to the Algerian capital to report in person the suggestions made by the Lebanese personalities he had met.

France’s defeat in the Middle East is on everyone’s mind and is already changing opinions. For the duo things there clearly were turning sour. The nationalist movements were of high interest to French, American and British intelligence services.

But Josephine’s infernal treks through the desert came to a cost and she had to undergo emergency surgery for an intestinal obstruction. The Menebhi Palace, where she was convalescing, was a privileged place to observe the evolution of the Moroccan notables’ attitude towards France.

On the eve of the D-Day landings in France on the Normandy coast, she accepted a propaganda tour to the benefit of Free France in Corsica, which had just been liberated; the aim was a display of ability aimed at the Americans, whose attitude towards De Gaulle had been more than equivocal to the extent that one day, a member of the diplomatic corps advised the star never to board the General’s plane.

Her plane crashed at sea

Shortly after overflying Sardinia on their way to Corsica as a stepstone to set foot in France for the first time in four years, one of the plane’s engine broke down. The sky is criss-crossed by French planes, while theirs loses altitude and eventually descends towards the sea. The pilot shouted « brace yoursleves » and the large rolled-up flag serves as a protective cushion for Josephine. The plane crashed in a spray of water and with its wooden frame shattered, its occupants climbed onto the wing amidst the floating luggage. They had crashed in a cove where a group of black riflemen run to the beach. The gala evening is saved, Josephine will sing for the men who are going to liberate occupied France.

Lieutenant Josephine Baker enlisted on 23 May 1944 and landed in the southern zone with the Women’s Air Force complete with full field dress, besetting gear and helmet for a life as a soldier.

Abtey eventually met her in Paris, at Les Halles, cap on her head, wearing large grey-blue RAF coat sporting French Air Force buttons and large woollen scarf wrapped around her neck; without the required food ration stamps thanks to her connections she had just bought wholesale supplies for the old suburbs folks. She was fully committed to her fight against poverty.

For a series of shows for the benefit of the disaster victims, she was recommended Jo Bouillon’s orchestra. Together they followed the progress of the 1st Army, travelling through the French zone in occupied Germany. In Berlin, she represented France in a grandiose show featuring the great allied nations. In liberated Buchenwald, she went to the bedside of non-transportable typhoid victims.

A new slice of life awaited the star, but with the return of peace and Jo Bouillon now her husband, she will never give up fighting with the astonishing generosity she always displayed, especially for her primary cause: the abolition of racial barriers. To prove that people can live together without discrimination, she adopted twelve children of different origins.

Josephine Baker’s activity as part of the special services got downplayed by some individuals claiming that she was not a true intelligence agent. Without her, however, recognised intelligence agent Jacques Abtey would have never ben able to carry out his missions. Throughout the Occupation, she took considerable risks to « cover » him and sometimes worked beyond her strength for the Resistance. Her decorations bear witness to this. In 1946, she was made the recipient of the Resistance medal in her bed at the Neuilly clinic (due to new health problems) and, in 1961, in her château in Les Milandes, in the Dordogne region, of the insignia of the Legion of Honour and the Croix de Guerre with palm.

Her state funeral in 1975 was unprecedented for an artist.

Alain Juillet and Marie Gatard

Alain Juillet, AASSDN Vice-president – Photo © JFD

Marie Gatard, AASSDN Head of Historical studies – Photo ©


[1] Handwritten letter from General de Gaulle to Josephine Baker published in the book dedicated to her by Major Jacques Abtey: Josephine Baker’s Secret War published by Siboney Editions (1948) and La Lauze Editions (2013) 2nd edition.

Colombey-les Deux Églises, 14.10.1946 :

Chère Mademoiselle Joséphine Baker
In full awareness of the prevailing circumstances I wish to address you my wholehearted congratulations on your receipt of the High Distinction of the Resistance Française award.
I was in recent years able to see and fully appreciate the great services you rendered at some most critical moments. I was subsequently all the more moved to learn the enthusiasm and generosity you deployed to put your immense talent at the disposal of our cause and those who served it. My wife and I wish you a speedy and complete recovery.
In the hope of having the honour to soon see you again, please accept, Dear Madam, the expression of my most distinguished consideration, to which my wife wishes to add her very fondest memories.

Charles de Gaulle

This article was published on September 19, 2021 in issue 256 of the bimonthly Bulletin of the AASSDN, the Amicale des Anciens des Services Spéciaux de la Défense Nationale.

French version : Josephine Baker au Panthéon – Source : AASSDN

Translated by Eric Herbert Bias




Bon-Encontre : le chemin de l’honneur et de la Résistance

Par JoëlFrançois Dumont

L’Amicale des Anciens des Services spéciaux de la Défense nationale, l’AASSDN, vient de tenir son congrès à Bon-Encontre, dans la banlieue d’Agen. Une occasion pour la Voix du Béarn d’évoquer une très belle page de l’histoire de nos services spéciaux, à un moment crucial, en juin 1940, après le déferlement des troupes allemandes sur la France.

Voir ci-dessous la vidéo sur la commémoration du Sermet de Bon-Encontre avec le discours du Président de l’AASSDN, le Général françois Mermet.



En mai-juin 1940, en quelques semaines, 100.000 militaires et civils français sont morts en tentant de stopper l’offensive allemande, sans succès, écrasés qu’ils furent par la puissance de feu des blindés de la Wehrmacht et des Stuka de la Luftwaffe.

La débâcle qui s’en est suivie marquera à jamais la mémoire collective des Français après avoir été vécue comme un moment de déshonneur national. Heureusement, le courage et à la détermination d’une poignée d’hommes et de femmes refusant la défaite, mobilisés corps et âme pour bouter l’ennemi hors de France, permettront à la Libération de retrouver confiance en notre avenir collectif après plusieurs années d’occupation.

Les tous premiers à se ressaisir, imaginant des conditions d’armistice très dures, furent les hommes et les femmes du « 2 bis », notre service de renseignement en 1940. Comme le veut la tradition, en temps de guerre, celui-ci se transforme en 5e Bureau pour regrouper le service de Renseignement et celui du contre-espionnage.

Le général d’armée aérienne François Mermet, président de l’Amicale des Anciens des Services spéciaux de la Défense nationale, l’AASSDN, a retracé ce qui s’est passé le 14 juin 1940 dans la banlieue d’Agen au séminaire de Bon-Encontre, réquisitionné par l’équipe du colonel Rivet et du capitaine Paillole, chef du contre-espionnage français.

Ce 80e anniversaire du serment de Bon-Encontre, a été reporté du fait de la pandémie et après le décès de son ancien président, le colonel Henri Debrun, qui était venu faire apposer une plaque en l’honneur de ce fait d’arme exceptionnel sur le mur du séminaire. Il a enfin été commémoré comme prévu. Les hommes et les femmes de l’ombre chargés du Renseignement aiment et respectent les traditions. Même discrètement, ils n’oublient jamais d’honorer la mémoire et le sacrifice des « anciens » pour l’exemple qu’ils ont su montrer. Avec ceux qui ont survécu, ils s’attachent également lors de ces rencontres à avoir une pensée pour ceux qui sont morts pour la France au champ d’honneur sans oublier les camarades qui les ont quittés en cours d’année.

Nombreux sont parmi les membres de l’AASSDN ceux qui ont eu un père, une mère ou un proche à s’être jeté dans la bataille et avoir « payé le prix du sang ».

Lors de ces congrès, il n’y a pas que les anciens. Traditionnellement, des militaires d’active, représentant des unités d’élite qui sont le bras-armé de nos services sont présentes, autant de symboles de nos forces armées : 13e RDP, 1er RPIMA, 2e Hussards, le « 44 », les Forces spéciales et leurs célèbres commandos comme le CPA 10 de l’armée de l’Air et de l’Espace qui n’ont rien à envier au Navy Seals américains. Sans oublier, parmi les plus fidèles, les marins du sous-marin Casabianca qui, lors de la 2e Guerre Mondiale, s’est illustré entre Alger et la métropole en assurant des liaisons à risque et en transportant des responsables de la Résistance.

Chaque année, l’amicale rend également hommage à des hommes et à des femmes qui, par leurs actions, sont devenus des symboles de la Résistance.

Cette année une gerbe a été déposée sur la tombe de l’adjudant-chef André Fontès – en présence de son fils Christian – pour célébrer le réseau Morhange dirigé par Marcel Tallandier, en présence de sa fille Monique.

De même, la mémoire de nos « Merlinettes » a été honorée, après avoir été tirées d’un oubli qui a duré près de 70 ans… Ces Merlinettes dont le colonel Paillolle était si fier ont désormais trouvé leur place dans le jardin Eugénie-Malika Djendi dans le parc Citroën (Paris XVe) où a été édifié le monument à la mémoire de ceux qui sont morts pour la France en OPEX.

Sans l’opiniâtreté de Jean-Georges Jallot-Combelas, neveu d’une de ces Merlinettes, elles seraient restées méconnues.

Comment expliquer que de si belles pages de notre histoire commune soient inconnues de nos compatriotes ? Certains vont tenter à Bon-Encontre de trouver des éléments de réponse à cette question. Un pays qui ne sait pas d’où il vient ne saura jamais où il va.

Le combat mémoriel que livre l’AASSDN se poursuit depuis mai 1954. Si elle reste une association patriotique des plus emblématiques, l’AASSDN reste toujours discrète mais bien présente pour défendre la mémoire des hommes et des femmes de l’ombre qui ont combattu pour la France.

Comme l’a rappelé le général Mermet dans l’entretien qu’il a accordé à Christophe Cornevin du Figaro, rappelant le sens du combat mémoriel que livre l’amicale : « Notre mission est de faire œuvre de vérité et de tirer de l’oubli des personnages de l’ombre au parcours extraordinaire » avant de faire sienne cette maxime de Bossuet : « Le plus grand outrage que l’on puisse faire à la Vérité est de la connaître et en même temps de l’abandonner ou de l’oublier » Une citation reprise par un officier de gendarmerie, le colonel Paillole chef du contre-espionnage français en juin 1940 qu’il mettra en exergue de son livre « Services Spéciaux ».

Après cette évocation avec Jean-Michel Poulot, nous entendrons la voix d’une grande dame, Joséphine Baker, qui nous chantera « j’ai deux amours, la France et Paris ». Notre pays lui rendra le 30 novembre prochain l’hommage de la Nation pour son engagement au service de la France en transférant ses cendres au Panthéon. Joséphine Baker a été recrutée avant-guerre par le service de contre-espionnage du capitaine Paillole et a effectué de nombreuses missions pendant la guerre.

Comme quoi, dans la vie, on peut avoir deux amours en n’ayant qu’une seule fidélité !

Joël-François Dumont

Ecouter le podcast audio du Discours du Général Mermet :




Article du Figaro : 80 ans après, le serment des anciens espions à Agen

Publié le 07/10/2021 Par Christophe Cornevin

Photo : Le 6 Octobre 2021, à Agen, les anciens des services spéciaux de la Défense nationale s’étaient réunis devant le monument aux morts pour honorer la mémoire des héros de la Résistance.

L’Amicale des anciens des services spéciaux de la Défense nationale (ASSDN) s’est réunit pour célébrer une page glorieuse et méconnue de leur histoire et de l’histoire: le 80e anniversaire du serment de Bon-Encontre. Un pacte pour lutter clandestinement contre l’Allemagne nazie jusqu’à la libération de la France.

Au moment même où les adeptes de la culture woke essaient de déconstruire la mémoire en déboulonnant les statues, au mépris de l’histoire, les espions se souviennent et célèbrent une page majeure d’une histoire à la fois glorieuse et méconnue. Ce vendredi, l’Amicale des anciens des services spéciaux de la Défense nationale (ASSDN) va se réunir à Bon-Encontre, près d’Agen, pour commémorer le 80e anniversaire d’un serment, prononcé le 25 juin 1940 (jour de l’entrée en vigueur de l’armistice) par les agents des services de renseignement et de contre-espionnage français: poursuivre clandestinement la lutte contre l’Allemagne nazie jusqu’à la libération de la patrie. Là, une soixantaine de «grognards», issus des services spéciaux de la guerre, de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), de la Direction du renseignement militaire (DRM), mais aussi de l’ex-Direction de la surveillance du territoire (DST), dépendant du ministère de l’Intérieur, ou encore de la Direction nationale…