Article du Figaro : 80 ans après, le serment des anciens espions à Agen

Publié le 07/10/2021 Par Christophe Cornevin

Photo : Le 6 Octobre 2021, à Agen, les anciens des services spéciaux de la Défense nationale s’étaient réunis devant le monument aux morts pour honorer la mémoire des héros de la Résistance.

L’Amicale des anciens des services spéciaux de la Défense nationale (ASSDN) s’est réunit pour célébrer une page glorieuse et méconnue de leur histoire et de l’histoire: le 80e anniversaire du serment de Bon-Encontre. Un pacte pour lutter clandestinement contre l’Allemagne nazie jusqu’à la libération de la France.

Au moment même où les adeptes de la culture woke essaient de déconstruire la mémoire en déboulonnant les statues, au mépris de l’histoire, les espions se souviennent et célèbrent une page majeure d’une histoire à la fois glorieuse et méconnue. Ce vendredi, l’Amicale des anciens des services spéciaux de la Défense nationale (ASSDN) va se réunir à Bon-Encontre, près d’Agen, pour commémorer le 80e anniversaire d’un serment, prononcé le 25 juin 1940 (jour de l’entrée en vigueur de l’armistice) par les agents des services de renseignement et de contre-espionnage français: poursuivre clandestinement la lutte contre l’Allemagne nazie jusqu’à la libération de la patrie. Là, une soixantaine de «grognards», issus des services spéciaux de la guerre, de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), de la Direction du renseignement militaire (DRM), mais aussi de l’ex-Direction de la surveillance du territoire (DST), dépendant du ministère de l’Intérieur, ou encore de la Direction nationale…




Témoignage d’un déporté à Buchenwald – Septembre 1944

Voici un témoignage exceptionnel d’Auguste Favier, déporté, communiqué à notre délégué de la Manche, Jean-Claude Hamel, par Philippe Lerebourg. Nous leur exprimons notre profonde gratitude. Ce témoignage bien émouvant ravive, deux ans après, le souvenir qu’ont gardé celles et ceux qui ont accompli avec moi cet inoubliable pèlerinage de mémoire du 15 octobre 2010 vécu la main dans la main avec nos amis du SFC britannique au camp de Buchenwald. Ces officiers anglais et français étaient tous du SOE. Il y avait aussi parmi eux des Canadiens, des Néerlandais et des Belges dont Robert Benoît, grand pilote de courses automobiles. Ils étaient non seulement dans le même convoi mais dans le même wagon que nos propres officiers de TR et de deux autres réseaux du BCRA. Tous ont été internés dans le Block 17 en attendant une mort, pour eux, inéluctable.
Henri DEBRUN

En septembre 1944, mon ami Paul Guignard, du Block 17, vint m’avertir qu’un groupe de 37 officiers anglais et français, connus sous le nom de “ parachutistes”, parce que parachutés sur le sol français, étaient réunis dans son Block et attendaient la mort.
Condamnés à être prochainement fusillés, ils désiraient avoir leurs portraits, dans l’espoir que des camarades pourraient un jour transmettre ce souvenir à leurs familles. Comment faire pour leur rendre cet ultime service ?

Comme je l’ai dit, je travaillais alors au “ Bau trois ”, Kommando “ Terrasse ”, maniant la pelle et la pioche du petit jour au coucher du soleil. Par une chance exceptionnelle, mon vorarbeiter (contremaître) était un Français, le sympathique Hangelli, qui s’arrangea, malgré de gros risques pour lui, pour me laisser au camp. Moins heureux, mon camarade Mania ne peut exécuter que deux portraits.
Quel souvenir !

J’avais déjà pu exécuter quelques croquis : Wilkinson, Meyer, Barett, Huble… J’achevais celui du grand champion de courses automobiles Robert parleur proche, appelant à la tour, c’est-à-dire à la mort, une douzaine de ces héros. Entendant son nom, Robert Benoît me dit tranquillement : “ Il était temps, car tu as fixé là, pour la dernière fois, ma sympathique gueule ”.
En effet, aucun de ces héros ne revint.
Les jours suivants, je mettais les bouchées doubles, car ceux qui restaient vivaient dans l’attente du même sort.
Quelle émotion de dessiner en conversant avec ces surhommes qui, malgré tout, conservaient leur bonne humeur et leur gouaille.
Je revois le Capitaine Mulsant, qui lançait continuellement des boutades, et le benjamin, le petit Chaigneau, me disant, l’esquisse achevée : “ Tu m’as fait la lèvre dédaigneuse.
Pour la postérité, j’aimerais mieux avoir le sourire !”.
Je n’aurais pas eu le temps de rectifier : le lendemain, c’était son tour.
Et Bernard Guillot, appelé plusieurs fois à la tour pour d’autres motifs ; il disait adieu à ses camarades et revenait avec le sourire.
Je pourrais les citer tous, égaux en bravoure. Grâce à des complicités dans l’organisation clandestine du camp, six purent échapper à l’assassinat, trois Anglais, le Wing Commander Yeo Thomas, alias Major Dodkins, le Major Penlevé, alias Major Pool, le Major Southgate et trois Français : le commandant Culioli, Stéphane Hessel et Bernard Guillot.
Sur nos 37 camarades, nous ne pûmes en dessiner que 22 : dans cette course devant la mort, les SS avaient été plus rapides que nous.

Source : Bulletin N°225




Parachutages, Atterissages Clandestins (1940-1944)

Ce deuxième volume de la collection Résistance est consacré aux parachutages et aux pick-up d’agents de 1940 à 1944. C est une fresque saisissante de ces opérations et un vigoureux hommage aux héros de la Résistance que l’auteur brosse ici, s’appuyant à la fois sur son importante documentation personnelle, l’amitié des vétérans et la proximité avec de nombreux conservateurs de musées à travers toute l’Europe. La rigueur de la reconstitution, la précision des informations, tant sur les méthodes que sur les matériels, et la richesse de l’iconographie répondront aux attentes des amateurs les plus éclairés. Mais c’est avant tout des parcours de vie que chaque lecteur peut ainsi découvrir plus intimement, depuis les exercices de formation en Angleterre et l’attente du départ jusqu’aux sacrifices librement consentis dans l’accomplissement de la mission.

Commentaire :
Livre remarquable par cette fresque saisissante que l’auteur dépeint de ces opérations clandestines qui se sont multipliées au fil des années de guerre. Tout y est décrit en homme de l’art, avec fidélité et réalisme ainsi qu’une abondante et passionnante iconographie. L’auteur est membre de l’ASSDN.




Entretien avec Paul Paillole, l’homme des services secrets

Invité chez Bernard Pivot en 1995, Paul Paillole apportait un éclairage peu connu sur le rôle des services spéciaux français durant la deuxième guerre mondiale.






Affaire Farewell : l’espion de la DST au coeur de la guerre froide

Le propre des histoires d’espionnage est souvent d’être racontée par ceux qui en savent le moins. Les archives des services qui traitent ces affaires en professionnels, ne s’ouvrent jamais tout à fait et ne laissent entrevoir que ce qui est possible ou utile. Ainsi, jusqu’à maintenant, l’Histoire de la Deuxième Guerre Mondiale, pour sa partie française, a été étudiée sans tenir compte des archives (qui viennent de s’ouvrir) des services secrets français qui ont pourtant joué un grand rôle en particulier dans les opérations de déception préparant aux différents débarquements, ou dans la Libération du Pays.

La guerre de l’ombre que ce sont livrés les officiers de renseignement des deux blocs durant la guerre froide fait partie plus ou moins importante , certes, mais partie intégrale de l’histoire de cette période. Dans cette guerre, l’histoire des “taupes” recrutées par les deux camps au cœur des dispositifs adverses tient une place essentielle qui ne sera sans doute jamais connue dans tous ses détails.

Il convient d’ailleurs maintenant de rétablir un certain équilibre. La force de la propagande soviétique relayée par les “idiots utiles” et les partisans idéologiques faisaient de tous les “occidentaux” recrutés par le KGB, le GRU ou par les réseaux émanant du Komintern des héros positifs, puisque ayant choisi de servir le “camp de la Paix”; ainsi en a-t-il été des 5 de Cambridge (à vérifier ?), de l’Orchestre Rouge ou du Réseau Sorge .

Les membres des Services Soviétiques et assimilés qui choisissaient de travailler avec des Services Occidentaux étaient qualifiés, eux, de traîtres, souvent alcooliques, corrompus par l’argent capitaliste, etc. Qu’on se souvienne de l’affaire Kravtchenko ( J’ai choisi la liberté) , du sort réservé au général du GRU Krivitsky, etc.

Et pourtant, ces officiers de renseignement de l’Est qui ont choisi l’Occident, ont joué un grand rôle dans l’histoire du rapport des forces entre les deux blocs, en faveur de la Liberté, de notre Liberté… Les conditions de manipulation de ces “héros” par les services occidentaux qui les avaient abordés , recrutés, parfois formés, méritent certes de l’intérêt. C’est souvent la partie de l’histoire la plus spectaculaire, celle que l’on présente au public , toujours avide de films d’espionnage et de suspens.

Cette partie est importante du point de vue du contre espionnage, de la fiabilité de la source et donc des renseignements fournis; l’intoxication des adversaires est une arme à part entière. Mais le plus important semble être l’aspect global de l’affaire: quelle est la situation internationale au moment où l’affaire se déroule? Comment vont être utilisés les renseignements obtenus ? Quelle est la situation après, ou quels sont les effets obtenus?

Ainsi de Penkovsky, au moment de la crise de Cuba, et de bien d’autres que l’Occident ne saura jamais assez remercier. Ainsi en particulier de Farewell, dont on a d’autant plus tendance à négliger l’importance qu’il a coopéré avec un service français, la DST; de plus, ceux qui ont écrit sur lui étaient ou mal informés (normal dans ce genre d’investigation) ou mal intentionnés ( normal dans ce genre de guerre de l’information).

On connaît Farewell. De son vrai nom Vladimir Ippolitovitch Vetrov, ingénieur en chef de l’armement (un grade équivalent à celui de colonel); il a été en poste à Paris, où il se montre actif, recrutant des sources et les manipulant le soir ou le week-end en forêt de Fontainebleau; il lui est arrivé une mésaventure qui ne semble pas avoir été connue de sa hiérarchie: il a un accident de voiture, alors qu’il a un peu trop bu; c’est son ami/objectif, cadre de Thomson qui, appelé à l’aide, va faire réparer la voiture et lui permettre de rentrer sans problème; d’où une amitié réelle .

Le service français va tenter une première approche; sans succès. Puis c’est un poste au Canada, d’où il est rappelé avant la fin de son séjour: une indélicatesse connue de ses chefs lui aurait valu ce rappel, et sans doute la jalousie de quelque pistonné de son service qui pense que le meilleur moyen de prendre ce poste convoité est d’en faire chasser l’occupant; c’est une manœuvre habituelle , sans doute dans tous les services du monde.

Rentré à Moscou, il est affecté à la direction T (renseignement scientifique et technique) de la Première direction générale (PDG) du KGB. Il prépare les dossiers les plus pointus pour les présenter devant les plus hautes autorités afin d’obtenir leur aval pour le déclenchement des opérations de recherche par les postes KGB ou GRU à l’étranger.

A priori , il s’agit d’un poste de confiance, et, dans le système soviétique, le détenteur d’un tel poste n’a plus aucune chance de repartir à l’étranger, ou même de côtoyer des étrangers.

Parce que c’est un bon professionnel, il a constaté les lacunes et les vices du système soviétique; il souhaite améliorer la qualité de son travail et écrit un rapport sur les modifications qui, selon lui, doivent être apportées au système. Ces chefs n’y prêteront pas attention , d’où une certaine frustration.

 

C’est un bon vivant, qui aime rencontrer ses amis et faire la fête avec eux. Il adore son fils, sa fierté; il aime son pays, comme sans doute seul les Russes peuvent le faire, et cet amour est devenu charnel depuis qu’il a acheté une isba et un lopin de terre. Il admire sa femme, mais là c’est son problème; démon de la cinquantaine ou lassitude, chacun donne des coups de canif au contrat initial; et lui a “dans la peau” une de ses collègues, voisine de bureau.

Il pourrait vivre heureux … Mais rien n’est simple. A-t-il une tendance à boire, comme le laisse penser les commentaires inspirés après coup par les autorités soviétiques; sans doute comme tous les Russes de cette époque, pas plus.

Mais surtout, comme beaucoup de soviétiques ayant vécu à l’étranger, il a une tendance à la schizophrénie, phénomène étudié par exemple dans le livre “Les hommes doubles” de Dymov ; en Occident, il a vu le niveau de vie, il a apprécié la liberté des conversations grappillées de ci de-là avec des Français; et ici, chez lui à Moscou, avec ses collègues, il est obligé de jouer celui qui n’a rien vu, de dire le contraire de ce qu’il pense profondément. Et la situation internationale en ces années 80 lui donne à penser.

 

C’est la fin de la crise des SS 20, ces missiles dont la précision et la mobilité (qualités dues à l’apport de l’espionnage technologique) allait donner la supériorité stratégique au Camp de la Paix; “Échec et mat” pensait-on au Kremlin.

Mais cela ne s’est pas passé comme prévu: les Occidentaux, États-unis en tête ont répliqué par le déploiement des Pershings et par celui des missiles de croisière.

Il y a eu des cas de mutinerie sur des navires de la Flotte; il y a l’Afghanistan , la Pologne et ce diable de Pape Polonais qui dit: “N’ayez pas peur”.

Là où il est, il ressent parfaitement l’ambiance de guerre qui envahit la population mais surtout la classe dirigeante; il sait que la doctrine soviétique envisage l’emploi normal de l’arme atomique. Il connaît la capacité de riposte occidentale. Il comprend, par les papiers qu’il traite, que la nomenklatura essaye de reprendre l’avantage; des joueurs d’échec… Bien sûr, ses doutes et ses angoisses , il ne peut les partager avec personne;

Bien sûr, pour le journaliste russe Sergueï Kostine, ” rien dans le comportement de Vetrov ne permet de le considérer comme un combattant de l’ombre contre le système communiste ou un précurseur de la perestroïka. Cette supposition, qui se présente comme une certitude dans les publications françaises, a fait rire tous ceux qui ont connu Vetrov ” (1).

 

En 1981, il offre ses services à la DST, franchit l’étape la plus difficile rencontrée par tous les candidats à la défection: éviter de se faire repérer par le contre espionnage soviétique qui peut posséder des agents au sein des services occidentaux, et trouver rapidement le bon canal pour trouver la liaison et l’oreille du service auquel il va proposer sa collaboration.

Alors il va continuer à faire rire tous ceux qui l’ont connu; il va augmenter son côté pochard, et beaucoup viendront “boire avec lui” les innombrables bouteilles que lui procurera son traitant.

Pour lui, il est impératif d’apporter aux pays occidentaux la preuve que leur insouciance sécuritaire permet à l’URSS de piller leurs laboratoires en lui donnant ainsi de forger les armes qui doivent lui donner l’avantage.

Sa haine du système, ses diverses frustrations, son passé lui donnent la possibilité de passer à l’action, de trouver des amis avec qui il peut parler “po doucham” (à cœur ouvert) comme disent les Russes.

C’est un professionnel, il sait comment travaillent ceux qui sont chargés de protéger la sécurité et les secrets soviétiques; il convaincra ses traitants de lui faire confiance; mais il reste lucide: le pire peut arriver: pour lui, la balle dans la nuque; pour ses traitants successifs, ce devrait être l’accident de circulation, l’écrasement par un poids lourd, par un métro. Message qui serait compris par le service intéressé.

Tout cela , approche, semble-t-il, de la vérité.

Dans de telles affaires , bien malin qui peut sonder les reins et les cœurs. Les spécialistes de la DST se posent plus de questions qu’il n’y a de réponses; le doute envahira souvent la réflexion de ses responsables. Mais les documents arrivent, en masse. S’il y a machination, où en est l’intérêt, l’objectif ?

Au cours de l’année suivante, il fournira près de 4.000 documents de toute première importance sur la collecte et l’analyse scientifique et technique par le KGB. 70 % des informations de Farewell concernent les États-unis, parce que c’est ce pays qui a le meilleur potentiel technologique, mais tous les pays occidentaux sont concernés.

Grâce aux milliers de documents fournis par Farewell, ce n’est pas tant l’ampleur du pillage scientifique et technologique soviétique que les gouvernements occidentaux découvrent, que sa planification et son organisation systématiques par la VPK, la Commission de l’industrie militaire. Une collecte faite à la demande : les divers secteurs militaires et industriels faisaient connaître chaque année leurs insuffisances et leurs retards.

À charge pour les agents des services secrets soviétiques infiltrés (2) dans le monde entier de leur fournir les informations technologiques qui leur manquaient. Les économies ainsi réalisées sont méthodiquement chiffrées: 6,5 milliards de francs entre 1976 et 1980. Les bilans de la VPK montrent qu’entre 1979 et 1981, de nombreux systèmes d’armes soviétiques ont bénéficié chaque année de la technologie occidentale.

Vetrov ignore par contre l’identité des agents occidentaux au service des Soviétiques et ne peut qu’aider à en définir les caractéristiques. …

Il fournira par contre l’identité de 222 officiers du KGB de la ligne X sous couverture diplomatique dans l’ensemble des pays du bloc de l’Ouest et 70 agents clandestins de la Direction T.

Ce chiffre a d’ailleurs étonné certains professionnels qui n’ignorent pas le cloisonnement efficace existant entre les différents départements du KGB, mais qui n’ont pas compris qu’au poste où il se trouvait, il n’y avait plus ce cloisonnement, que les documents “Soverchenno sekret” quittaient les coffres forts où ils étaient conservés, pour transiter pendant quelques jours par le bureau de Vetrov qui en faisait profiter son traitant, avant de retourner dans l’espace cloisonné sécurisant.

 

Mais son apport à la cause du monde libre, et cela on le sait moins, n’a pas consisté qu’en informations d’ordre purement technologique.

En professionnel, il n’aimait pas être orienté sur des sujets qu’il ne dominait pas parfaitement; mais les réponses qu’il apportait dans divers domaines avaient une certaine valeur: l’évolution de la situation en Pologne, des évaluations sur l’implication soviétique dans l’attentat contre le Pape (Gromyko affirmant aux représentants des pays du Pacte que ce problème allait être réglé), etc.

C’est en témoin qu’il a pu raconter la réunion qui a eu lieu à Kaliningrad, en présence de Brejnev, qui tirait les conclusions du lancement de la première navette américaine, avec la participation du fin du fin du complexe militaro- industriel.; le directeur de la séance avait demandé à chacun de répondre en disant la vérité, pour une fois…

A la première question sur le danger représenté par la navette pour la sécurité du pays, la réponse avait été que cette nouvelle menace pouvait être mortelle. A la seconde question sur la capacité du complexe à y faire face, la réponse avait été positive, “mais en arrêtant tous les autres programmes…”.

La conclusion avait été qu’il fallait tout faire pour freiner au maximum l’effort technologique et militaire américain. Comment ? par des offensives de Paix, de désarmement… Cela annonçait la suite.

 

Mais brusquement, après février 1982, Farewell ne se présente plus aux rendez-vous fixés.

Non que son double jeu ait été découvert par le KGB, mais, comme le découvrira la DST à l’automne seulement (et cela grâce aux Américains), il a été arrêté pour crime de droit commun !

Selon la version officielle, il a tenté de tuer sa maîtresse, qui exerçait sur lui un chantage depuis qu’elle avait trouvé dans son veston des documents dérobés au sein de la centrale soviétique.

Surpris par un milicien, il l’aurait abattu à l’aide d’un couteau de chasse… Sur ce point, courent bien d’autres variantes, invérifiables (la vérité est sans doute dans le dossier de l’enquête du KGB- mais d’après les informations qui en ont filtré (Livre de Kostine d’après un résumé de l’enquête), on comprend que Vetrov, comme tous les prévenus du monde, va balader les enquêteurs, essayer de gagner du temps, de protéger ses traitants auxquels le lie une véritable amitié, peut-être de sauver sa peau).

Jugé et condamné à 12 ans d’emprisonnement, il quitte la prison de Lefortovo pour Irkoutsk, en Sibérie. Sa trahison n’aurait été découverte par le KGB qu’un an plus tard, en avril 1983, après l’expulsion par la France de 47 ” diplomates ” russes choisis parmi les agents de Moscou dénoncés par Vetrov. Selon la coutume, il aurait reçu une balle dans la nuque, dans les couloirs de la prison. Ici aussi, il y a plusieurs variantes.

 

Comment cette affaire a-t-elle été vécue par les différentes parties?

En France :

Il est indéniable que cette affaire a permis au Président Mitterand, informé depuis sa nomination à l’Élysée du travail de cette taupe au profit de son pays, de marquer un point vis à vis du Président Reagan, lors du sommet d’Ottawa (17-20 juillet). Était ainsi annulé le froid engendré dans les relations entre les deux pays créé par l’entrée de ministres communistes au gouvernement.

Plus tard, on ne sait trop sous quelle influence, certains conseillers du Président auraient commencés à voir dans cette affaire (ou au moins dans l’insistance du patron de la DST à obtenir de nouvelles expulsions sans doute justifiées , mais peu politiques) une machination américaine visant à l’intoxiquer…

On a reproché à la DST d’avoir exagéré l’importance de la manipulation, pour justifier son existence, sérieusement remise en question après mai 1981. La DGSE ne fut mise au courant de l’affaire qu’en 1983 ou 1984; dans ce service certains, sans en rien savoir, n’ont voulu y voir qu’une opération de pénétration des soviétiques.

En tous cas, la DST a dévoilé une partie des agents soviétiques impliqués et a neutralisé le dispositif de recherche de l’URSS. Il en a été ainsi dans les autres pays d’Europe.

Quelle manœuvre d’intoxication, quel grand objectif supérieur auraient pu pousser l’URSS à sacrifier ainsi ses réseaux ?

 

Les Etats-Unis :

Mais c’est indéniablement le Président Reagan qui va utiliser au mieux cette affaire. Il ne va plus jouer aux échecs, mais impose une partie de poker.

Bien sûr des agents seront arrêtés. Mais il va comprendre que tout cela lui fournit l’information permettant d’asphyxier l’URSS, de la mettre KO debout en la lançant dans une course technologique à l’armement , qu’elle ne pourra pas suivre – ce sera la première version de la Guerre des étoiles, le grand bluff qui a réussi, allant jusqu’à fausser les essais d’interception de missiles pour affoler l’adversaire.

Ce sera toute une grande manip, réussie, tendant à lancer la recherche technologique soviétique sur de fausses pistes…Mais cela dépasse le cadre de notre étude.

Il y a eu des doutes aussi: le dossier Farewell contraignait les Américains à changer les codes de guidage de leurs missiles de croisière que les Soviétiques avaient percés à jour . Ce qui , bien sûr a pu être interprété comme l’un des objectifs de la “manipulation d’intoxication ” qu’auraient pu mener les Soviétiques.

Que penser des nombreuses critiques de l’affaire, mettant en cause la main mise américaine, etc.
Que penser des pages de Gilles Ménage consacrée à cette affaire? Des personnalités proches du pouvoir ont-elles pu réellement se couper ainsi des réalités et du bon sens.

Non, les Américains n’ont pas été impliqués dans la manipulation à Moscou; cela aurait été à l’encontre de la simplicité voulue dans celle-ci.
Oui, ils ont fourni la technologie de l’appareil photo; oui, au début, ils étaient seuls à pouvoir développer; mais le problème a été vite réglé.
Oui encore, une majorité de renseignements concernait les États-unis; on a vu comment la majorité des objectifs soviétiques étaient américains.

A priori, non, ils n’ont pas manigancé cette intoxication en fournissant par un (faux?) colonel du KGB , à Moscou, de fausses informations, de faux documents portant la vraie signature de Brejnev à un amateur français.

Faut-il ajouter que c’est dès cette époque que les Soviétiques recrutaient au sein de la CIA et du FBI des agents efficaces qui ont entre autres permis l’arrestation et l’exécution d’une dizaine d’agents recrutés par les Américains à Moscou.

 

En URSS :

Il est normal que les responsables du KGB aient voulu expliquer le succès de l’entreprise ou de la traîtrise de Vetrov par l’aide considérable apportée par les Américains à Moscou même; ils ne pouvaient comparer cela qu’aux gros dispositifs qu’ils mettaient en place par exemple à Paris pour couvrir des contacts importants et balader toutes les forces de la DST.

Il est normal qu’ils aient voulu salir sa mémoire. Il est quasi réglementaire qu’il ait été abattu d’une balle dans la tête; c’était la tradition et cela devait servir d’exemple aux éventuels candidats.

Mais on peut affirmer que Vetrov a amené la direction soviétique sur la voie de la perestroïka, à la chute du Mur de Berlin , à la fin de la guerre froide…

Il y a eu un effet Farewell, au sein même des services soviétiques et post soviétiques.

Cette affaire aurait eu un retentissement psychologique considérable sur les membres du KGB. Cela n’a bien sûr pas été un élément fondamental de la Perestroïka, mais elle a révélé le malaise profond et les contradictions qui ont provoqué l’implosion du système.

Cette affaire, et la façon dont Vetrov a fait face aux interrogatoires, a eu un effet corrosif sur la façade du KGB.

Des officiers ont admiré en secret son courage et sa détermination à lutter contre le népotisme.

En 1988, le mécontentement a commencé à se manifester ouvertement, avec un premier incident lors de l’ouverture de la réunion qui devait élire le Bureau du 1er Directorat.

Trois brillants officiers traitants ont contesté la présence sur l’estrade, à côté du général Bobkov, alors vice-président du service, d’un ” pistonné “, ancien du directorat, où il n’avait jamais brillé ni par sa compétence, ni par son efficacité.

Prise au dépourvu, la direction n’avait pu que battre en retraite.

La brèche ainsi ouverte n’a cessé de s’élargir tandis que le régime se délitait, pour aboutir l’année suivante à la signature, par plus de 200 officiers du KGB de Sverdlovsk, d’une lettre ouverte à leur direction.

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Alors, l’affaire Farewell a-t-elle été l’une des plus grandes affaires d’espionnage du XXe siècle, comme l’aurait affirmé le Président Reagan; a-t-elle été une grange manipulation, menée par les Soviétiques, les Américains ?

Un jour, on saura, et on s’étonnera de la simplicité de toute cette affaire très humaine: bon sens, patriotisme, amitié. Et il faudra rendre hommage à Vladimir Ippolitovitch Vetrov du rôle qu’il a accepté de jouer, quelques soient ses véritables motivations, et qui a contribué à l’évolution du monde.

 

(1) Sergeï Kostine: ” Bonjour Farewell. La vérité sur la taupe française du KGB, Paris, Laffont, 1997 “, p. 104.

(2) Le GKNT (Comité d’État pour la science et la technique), l’Académie des sciences et le ministère du Commerce extérieur participent au recueil du renseignement et fournissent les couvertures




Le sacrifice de Paul Summinger : un héro du réseau Kleber-Uranus

Cologne, 30 juillet 1943. Le bourreau est absent.

C’est donc le premier contremaître mécanicien Hacker, aidé par l’aspirant au poste de bourreau Hans Mühl qui décapite les trois condamnés: le docteur Bricka de Toul, Paul Simminger de Montigny-les-Metz, Roger Noél de Nancy et ce en 23 secondes pour le premier et 20 secondes pour chacun des deux autres. Cela après que l’interprète Engeslhardt de la Gestapo leur ait lu le jugement du tribunal du peuple venu de Berlin à Trèves pour les condamner à mort le 27 janvier 1943.

Extrait du jugement de Trèves: ” Les accusés ont agi dans l’intention de communiquer les renseignements â l’ennemi. “

Paul Simminger l’a admis dans ce sens, puisqu’il a déclaré qu’il savait que son donneur d’ordres Granthil, donc aussi le successeur de celui-ci Chetelat, travaillait pour le 2e bureau. Le Sénat ne doute pas que cet accusé ait su que le 2e bureau français était connu comme une section d’espionnage. D’après la certitude du Sénat, qui repose sur l’impression claire de la personnalité normale de cet accusé et sur la façon habile de sa défense lors des assises et d’après l’avis du médecin appelé comme expert qui le certifie, ” il est complètement responsable et justiciable de ses actes “.

C’est à la fin de 1940 que Paul Simminger, expulsé de Montigny-les-Metz, entre en contact avec le groupe de résistance “ L’Espoir Français ” à Nancy qui travaille pour le compte du réseau de renseignements clandestin Kléber Uranus.

Chargé des liaisons avec les antennes du réseau en zone interdite, Metz notamment, il est arrêté le 8 juillet 1941 à la suite d’une dénonciation.

Il est déporté au camp de Hinzert.

Inculpé de haute trahison avec 18 autres membres du groupe “ L’Espoir Français “, il est transféré à la prison de Trèves où il est jugé et condamné à mort par le Volksgerichthof (tribunal du peuple).

Il subit l’odieuse sentence sans faiblir et sans avoir parlé.

Son corps mutilé repose dans le cimetière de Montigny-les-Metz où, pour le Cinquantième Anniversaire de sa fin héroïque, ses amis lui ont rendu hommage le 30 juillet 1993 et honoré sa mémoire le 30 juillet 1995, cinquante ans après la victoire alliée qu’il avait tant espérée.




Hommage au Colonel René Tramier (1894-1945)

A la mémoire du Colonel d’Artillerie René TRAMIER…

Mon destin a croisé celui du Colonel Tramier. Commandant la Subdivision Militaire d’Annecy, rue de l’Intendance, en janvier 1944, où après diverses péripéties, sous couvert d’un emploi de planton, j’attendais avec son accord le moment opportun de rejoindre le maquis des Glières, alors en cours de structuration.

Ce projet devait être irrémédiablement compromis le 28 janvier 1944.

A cette date, le bâtiment de la Subdivision Militaire était inopinément investi, à l’aube, part la Wehrmacht, occupante de la caserne du 27e BCA voisine du bâtiment de l’Intendance.

Je fus moi-même arrêté ce jour-là sous l’inculpation d’attentat contre les troupes d’occupation. Le Colonel Tramier fut arrêté le 7 février 1944 par la Gestapo.

C’est grâce à son intervention que je dois d’avoir eu la vie sauve. Lui­même est mort en déportation.

C’est à sa mémoire que je souhaite rendre hommage en retraçant sa car­rière militaire que j’ai pu reconstituer grâce au Service Historique de l’Armée de terre.

R.G. GRIVEL-DELILLAZ
Membre de l’ASSDN

Biographie

Né le 22 janvier 1894 à Briançon, René, Emile, Victor Tramier s’engage le 12 avril 1912 pour trois ans, au titre du 48e Régiment d’Artillerie de Campagne.

C’est avec son Régiment qu’il prend part à la guerre contre l’Allemagne, qui est déclarée le 4 août 1914.

Il était alors Maréchal des Logis.

Engagé sur tous les fronts, il y fait la preuve des plus belles qualités ” de cou­rage et d’énergie “, qualités qui lui valurent sa nomination au grade de Sous­Lieutenant le 3 février 1917, ainsi que trois citations, en 1915, 1916 et 1918

Voici le texte de la dernière de ces citations, datée du 15 juillet 1918

” Excellent officier, modèle de bravoure et de calme. Dans la nuit du 14 au 15 juillet 1918, sa batterie étant violemment bombardée, a su, par son attitude et son courage, maintenir tout son personnel aux postes de combat, assurant ainsi la continuité parfaite du tir “.

Nommé Lieutenant le 3 février 1919, il est affecté à cette date au 32e RA, puis, détaché comme instructeur à l’École d’Application de l’Artillerie, du le7 octobre 1923 au 2 octobre 1926, date à laquelle il est muté au 19e RAD.

Nommé Capitaine le 25 septembre 1927, il est promu Chef d’Escadron le 24 mars 1936 et affecté au 93e RA.

Le 2 septembre 1939 (à la veille de la déclaration de guerre), il prend le com­mandement du Se groupe du 293e RAM.

Le 9 octobre 1939, il est mis à la disposition du Général, commandant l’Inspection Générale de l’Artillerie, pour assurer les cours d’artillerie au camp de Mailly.

Le 14 février 1940, il rejoint le 10 le RAL. Affecté dans un premier temps au les groupe, il prend le commandement du Régiment le 14 mars 1940.

Le texte de la citation à l’ordre de l’Armée en date du 9 juin 1941, signée par le Général Huntziger, Commandant en Chef des Forces Terrestres, Secrétaire d’État à la Guerre, rend témoignage du comportement exemplaire du Chef d’Escadron René Tramier, à la tête de son Régiment jusqu’au 25 juin 1940, date de la signature de l’Armistice

” Officier supérieur, courageux et énergique. A obtenu de son régiment un rendement remarquable dans la région des boucles de l’Escaut en mai 1940, puis sur la Somme et sur la Nonette en juin. S’est dépensé en particulier sans comp­ter, au cours de la bataille de la Somme, contribuant largement, grâce à l’esprit de sacrifice de son 2e groupe, à arrêter pendant 48 heures la progression de l’en­nemi, lui détruisant de nombreux engins blindés. Pris sous le feu de l’aviation de bombardement et encerclé par des chars ennemis, dans son poste de commande­ment de Fresnay-les-Roye, pendant toute la journée du 5 juin, a continué à diri­ger par radio, avec maîtrise, l’action de ses groupes, ne se repliant que sur ordre, au cours de la nuit du 5 au 6 juin. Engagé à nouveau à plusieurs reprises, pendant la retraite, dans des circonstances périlleuses, a parfaitement rempli les missions qui lui étaient confiées. A réussi à ramener au complet le matériel de deux de ses groupes “.

Il était titulaire de la Croix de Guerre depuis le 29 juin 1940.

Le 10 juin 1940, il est affecté à l’État-major du département de la Corrèze, à Brive.

Le 15 novembre 1940, l’Armée d’Armistice est créée, ” forte en métropole de 350 000 hommes dont 12 640 artilleurs servant presque uniquement le canon de 75, modèle 1897 ” (source Henri Amouroux, dans son ouvrage La grande his­toire des Français sous l’Occupation).

Promu au grade de Lieutenant-Colonel le 2 avril 1941, René Tramier est affecté au 24e RA à Tarbes.

Rayé des contrôles du Régiment le 2 juin 1941, il bénéficie d’une permission renouvelable du ler décembre 1942 au 28 février 1943.

 

Placé en congé d’armistice à la date du ler mars 1943, il est promu au grade de Colonel le 28 septembre 1943.

Rappelé à l’activité le ler octobre 1943, il est nommé au commandement de la Subdivision Militaire d’Annecy.

C’est dans ce poste qu’il est arrêté, ainsi que son Chef d’État-major, le Commandant Pierre Rolandey, le 28 janvier 1944, lors de leur prise de service, dans les locaux de la Subdivision Militaire, rue de l’Intendance.

Tous deux sont relâchés, sous la condition d’avoir à se présenter au siège de la Gestapo annécienne le 7 février 1944. C’est à cette date qu’ils furent mis en état d’arrestation.

Dès lors, leur destin était définitivement scellé.

Ce fut en effet, pour eux, le Fort Montluc à Lyon, la prison de Fresnes, les camps de Buchenwald, Dora et. Ellrich (le bagne des bagnes), où mourut le Colonel Tramier le 7 janvier 1945.

Quant au Commandant Rolandey, il fait partie d’un convoi qui, devant l’avance des armées alliées, évacue les malades du camp d’Ellrich, à destination du camp de Nordhausen.

On apprendra, lors du procès de Nuremberg, que les ” SS ” avaient achevé, avant d’arriver au camp de Nordhausen, les déportés du convoi les plus faibles.

On pense que c’est ainsi qu’est mort Pierre Rolandey, dysentérique, parvenu au bout de ses forces, le 5 mars 1945.

J’ai su par la suite, par son fils, que le Commandant Rolandey était membre d’un réseau de renseignements de l’AS (le réseau Bruno-Kléber) et qu’il avait été victime d’une dénonciation, ce qui avait motivé l’intervention des troupes alle­mandes, le 28 janvier 1944.

Je suppose que le Colonel Tramier, qui était son supérieur hiérarchique, n’était pas sans connaître les activités de son subordonné, activités auxquelles sans doute lui-même était mêlé, comme d’ailleurs l’ensemble du personnel de la Subdivision, ce qui, aux yeux des Allemands, étant amplement justifié pour moti­ver également son arrestation.

Tel fut le destin du Colonel d’Artillerie René Tramier, engagé pour trois ans, en 1912, à l’âge de 18 ans au 48e RAC, héros des deux derniers conflits mon­diaux, qui ont ensanglanté le XXe siècle. Colonel en 1943, il meurt en déporta­tion le 7 janvier 1945, à l’âge de 51 ans.

Titulaire des Croix de Guerre 14/18 et 39/45, il avait été fait Chevalier de la Légion d’honneur le 29 décembre 1932 et promu au grade d’Officier, le 15 mai 1944.




L’aide de la marine nationale aux services speciaus temoignage du Captaine Paumier Actions du commandant LHerminier

A la gloire du Sous-Marin ” PERLE ” disparu corps et biens le 8 Juillet 1944

Avec l’autorisation de l’Amirauté, nous publions le récit du Capitaine de Frégate PAUMIER, qui commandait le Sous-Marin “PERLE” lors de sa mission sur les côtes de Provence en Octobre 1943. Cette mission sous-marine fut la dernière au Cap Camarat. Elle fut aussi l’une des plus risquées, car l’ennemi venait précisément d’y renforcer ses défenses côtières et ses moyens de guet. L’expédition ratée le mois suivant – Novembre 1943 – devait, hélas, démontrer la difficulté de l’entreprise. Pourtant le récit en est simple, discret, bien dans les traditions de la MARINE. A chaque ligne apparaît l’ex­traordinaire maîtrise, l’exceptionnel courage, la foi patriotique de l’équipage et de son Chef.

“LA PERLE” n’a pas connu la Victoire : disparue en mer le 8 Juillet 1944, elle symbolise l’héroïque abnégation de notre Marine Nationale.

C’est à cet héroïsme et à cette abnégation que nous rendons aujourd’hui hommage. Nous les perpétuerons demain en édifiant à Ramatuelle le MEMORIAL des SERVICES SPECIAUX.

UN DÉBARQUEMENT des SSM/TR

Sur les côtes de Provence (Octobre 1943)

Si la grande presse a beaucoup parlé des opérations de parachutage destinées à organiser les forces de la Résistance, un voile discret, par contre, semble avoir été jeté sur les opérations de débarquement, peut-être plus modestes, exécutées au cours des années 1943 et 1944 sur les côtes méditerranéennes, par le Groupe des Sous-marins d’Algérie.

A cette époque, la création de liaisons directes et françaises avec la Métropole et le maintien de ces liaisons étaient un problème vital. Très rapidement le sous-marin s’avèrera l’engin idéal pour ce travail, ayant sur l’avion l’énorme avantage d’une discrétion à peu près totale. Le Capitaine de Corvette L’HERMINIER, Commandant du “CASABIANCA”, fut le premier à tenter et à réussir, en Février 1943, un débarquement d’agents du SSM/TR sur les côtes de Provence (les BULLETINS 7 et 8 ont relaté cet exploit). Devenu notre chef de file, il ne cessera de nous recommander de toujours opérer avec la plus grande discrétion.

Le point de débarquement devant être impérativement isolé des grandes voies de communication, facilement identifiable de nuit, d’accès possible pour un sous-marin navigant en immersion profonde. Le choix du Commandant L’HERMINIER s’était porté sur la Baie de Bon-Porte, entre les Caps Taillat et Camarat, non loin de la Baie de Saint-Tropez, et pratiquement le seul endroit acceptable entre Toulon et la frontière italienne.

Le nombre d’agents que nous transportions variait généralement entre cinq et dix et se composait des éléments les plus divers, les uns Officiers de Marine en service aussi bien en Afrique du Nord qu’en France, se pliaient aisément aux pénibles conditions de vie des sous-marins, les autres ignoraient tout de la vie maritime et se trouvaient quelque peu perdus sur nos bateaux où les mètres carrés leur étaient distribués avec parcimonie.

Ainsi, chaque mois, à la nouvelle lune, un sous-marin d’Alger vint en Baie de Bon-Porte. Mais, tout a une fin; l’activité des Résistants ne pouvait à la longue rester inaperçue et, en Novembre 1943, l’ennemi interrompait brutalement les opérations poursuivies.(1)

Et c’est “LA PERLE” qui, en Octobre 1943, se trouve avoir réalisé le dernier débarquement sur ces côtes.

LE RAPPORT DE MER

Le départ d’Alger se fait au petit matin du Samedi 23 Octobre.

“LA PERLE” plonge dès la sortie du chenal dragué et se dirige vers la zone que l’Amirauté alliée réserve aux sous-marins en transit vers les côtes de Provence ou le Golfe de Gênes. Tenir l’horaire est absolument vital, au surplus l’un de nos passagers – Officier de Marine en service à Toulon, venu à Alger au voyage précédent – doit être impérativement rentré à l’issue d’une permission d’un mois qu’il est censé avoir passé.. quelque part dans le Sud-Ouest de la France. Heureusement les Dieux de la Mer et de la Guerre seront avec nous, aucun incident ne retardera notre marche. Dans la matinée du 26 Octobre, après avoir reconnu la terre, nous prenons l’immersion de 40 mètres pour rester invisible des bateaux de surveillance et des postes de guet, puis, délicatement, nous nous posons sur le fond en Baie de Bon-Porte.

Pendant la journée le silence le plus complet règne à bord, l’équipage, les passagers, tous se reposent dans l’attente du débarquement que nous tenterons au cours de la prochaine nuit. Seuls sont armés les appareils d’écoute. Le passage dans notre voisinage de quelques vedettes ou torpilleurs nous fait craindre la fuite d’air ou de gas-oil qui indiquerait d’une manière très précise notre position.

Le repas du soir nous réunit au “carré”, gais en apparence, mais cependant anxieux. Les derniers détails de l’opération sont mis au point, tout se passera par nuit noire, il est donc impératif que chacun connaisse ses consignes et les exécute en suivant un plan parfaitement minuté.

Vingt-trois heures : La nuit est entièrement tombée, lentement nous décollons du fond et faisons surface laissant le pont au ras de l’eau pour n’offrir qu’une très faible silhouette. Le plus silencieusement possible nous nous approchons de la côte essayant de découvrir la ROCHE ESCUDELIER, très remarquable et bien connue des sous-marins d’Alger.

Après quelques longues minutes d’attente, grâce aux petits appareils radios de transmission (2) dont les Services Spéciaux sont dotés, le contact s’établit avec le Comité d’accueil du SSM/TR chargé d’assurer la réception et la protection des camarades débarqués. Mais alors que la terre est à peine à trois cents mètres, quelle n’est pas notre stupéfaction d’apprendre l’installation toute récente d’un poste de garde allemand près de la roche Escudelier, à quelques mètres de nous. Il nous est demandé de remettre l’opération au lendemain et de tenter le débarquement huit cents mètres plus au nord dans la baie. Sans hésitation, mais avec regrets, nous acceptons ces conseils. Celui de nos hôtes – le marin – toujours préoccupé de rallier son poste, marque une certaine déception et se promet de partir seul à la nage le lendemain si un obstacle se manifeste à nouveau.

Lentement, sans bruit, nous “battons arrière” pour nous sortir de cette souricière.

Après avoir réussi à nous “éviter” cap au large, nous repartons vers la haute mer. Il est grand temps de recharger nos batteries d’accumulateurs si nous voulons revenir la nuit prochaine.

______________

La chance nous sourit encore et, lorsque le jour parait, les batteries sont bien chargées. Nouvelle marche d’approche comme la journée précédente.

Vers neuf heures du matin le 27 Octobre, nous reposons de nouveau sur le fond en Baie de Bon-Porte. Quelques bâtiments ennemis se manifestent dans l’après-midi. Avons-nous été repérés la nuit précédente ? Question bien angoissante pour la suite de l’opération.

Le même scénario continue à se dérouler. Nuit noire; surface vers vingt-trois heures, puis nous nous dirigeons vers le Nord de la Baie … avec la prudence du serpent. Les liaisons radios avec le Comité d’accueil SSM/TR s’établissent facilement et, lorsque la quille est prête à toucher le fond, nous nous immobilisons tout près de terre.

Le spectacle des montagnes environnantes est impressionnant, quelques lueurs sur la falaise montrent que les alentours du phare de Camarat ne sont pas inhabités, les faisceaux d’énormes projecteurs installés aux Caps Nègre et Lardier tournent sans arrêt découpant le Cap Taillat en ombre chinoise.

Les équipes du bord, en hâte, mais sans bruit, mettent à l’eau le youyou, les embarcations en caoutchouc sont hissées par le “sas” du scaphandrier. Nos hôtes montent sur la passerelle avec leurs précieuses valises et nous font leurs adieux. Minute particulièrement émouvante. Nous les envions de pouvoir fouler dans quelques minutes le sol de notre Patrie où tous, sans aucune exception, avons laissé nos familles.

En silence, le petit convoi pousse du bord, le youyou remorquant les radeaux pneumatiques.

La progression se fait lentement tant que les signaux discrets du Comité d’accueil n’ont pas été aperçus. L’opération se fera ce soir comme à l’entraînement, néanmoins, il s’écoulera près d’une heure avant que les embarcations ne rallient le bord. Les minutes d’attente paraissent interminables. Nous scrutons la côte sans interruption pendant que les projecteurs continuent à se manifester régulièrement. Le petit clapotis qui frappe la coque est d’une indiscrétion rare. L’angoisse nous étreint. L’arrivée d’une vedette ou d’une patrouille nous mettrait en fâcheuse position ainsi que nos camarades de combat.

Enfin, le youyou sort de l’ombre, l’accostage se fait doucement. Aucun nouveau passager ne nous est confié, mais nous rapportons un volumineux courrier où se trouvent les renseignements nécessaires à l’établissement des plans d’opération du débarquement en Normandie et du fonctionnement des Services de Contre-Espionnage.

En quelques minutes les sacs sont embarqués, le youyou est saisi, les radeaux sont descendus par le “sas” et, comme à regret, à petite vitesse, sans aucun bruit, nous gagnons le large. Une plongée trop rapide serait bruyante et donnerait l’alerte dans le secteur. Il faut être discret, d’autant plus que nos camarades débarqués ne sont sans doute pas encore à l’abri. Peut-être même n’ont-ils pas encore réussi à atteindre la ferme hospitalière d’ACHILLE (3) , première halte pour eux avant les rudes tâches de demain.

_________________ Pour nous, la patrouille continue. Un renseignement particulièrement intéressant reçu du Commandant de la Huitième Flottille de Sous Marins Britanniques à laquelle nous sommes attachés, nous avertit de la traversée probable de notre secteur par un sous-marin allemand ralliant Toulon.

L’atmosphère du bord restera lourde cette nuit. Nos familles trop proches … les équipages qui ont assuré le débarquement ont touché le sol de France. Peut-être quelques-uns ont-ils le pressentiment qu’ils ne reviendront jamais ? Peu d’entre nous connaîtrons les joies du débarquement de la Victoire, la plupart disparaîtront le 8 Juillet 1944 en plein Atlantique.

Le sacrifice de mes camarades de la “PERLE” rejoint celui de nos camarades de la Résistance.

Puissions-nous ne jamais l’oublier !

Capitaine de Frégate PAUMIER Groupe Bertin – Suffren TOULON

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Le souvenir du Commandant L’HERMINIER

Il y a quinze ans, le sous-marin “Casabianca”, sous le commandement du capitaine de corvette L’HERMINIER, s’évadait de Toulon envahi par les troupes allemandes.Fidèles au souvenir de leur ancien chef, les anciens du Casabianca ont déposé le 23 novembre à 11h30, au cimetière de Clichy, une gerbe de fleurs sur la tombe du Commandant L’HERMINIER.

Ils ont donné le même soir au profit des “Invalides de la Flotte” une soirée placée sous la présidence d’honneur de Mme L’HERMINIER et du vice-amiral d’escadre ORTOLI.




Generaux GEORGES et DUVAL ont rejoint ALGER par les ” moyens ” du SSM/TR

Nous pensons que tous nos camarades liront avec plaisir ces lignes consacrées à deux grands chefs de l’Armée et à la collaboration de nos camarades Michel THORAVAL et HERMANN, les héroîques “exécutants” de cette opération clandestine. Le TR. avait reçu la charge de ramener à ALGER le Général GEORGES qui était demandé par le Général GIRAUD et par CHURCHILL.Le Commandant PAILLOLE, Chef du Service, nous avait confié cette mission qui devait s’effectuer par un “pick-up” à réaliser par les Britanniques. Pour plus de sécurité, nous choisîmes un terrain déjà utilisé et situé sur le Causse-Méjean, entre Floirac et Ste – Enimie. Les contacts furent pris par “von KLÜCK”, JOHANNES et HERRMANN avec le Général GEORGES qui emmenait avec lui le Colonel DUVAL, son collaborateur. Malgré toutes nos précautions, ce fut une opération que nous eûmes beaucoup de mal à réaliser, par suite de difficultés techniques, les Anglais nous firent attendre sur le terrain près d’une semaine tandis que le Général GEORGES et le Colonel DUVAL étalent hébergés à Roquefort à l’Hôtel Casino après avoir été expulsés comme “suspects” d’un hôtel de Balsiège (près de Mende). Nous attendions, comme d’habitude, le message de la B.B.C. et, pour plus de facilités, nous descendîmes tous dans les environs du lieu d’opération. Le Général GEORGES et le Colonel DUVAL étaient le plus souvent escortés par “von KLÜCK” et JOHANNES; quant au “groupe d’action” composé de HERRMANN, SIMONIN et MICHEL il couchait dans les voitures; deux gendarmes observaient et gardaient le terrain. A la première tentative l’avion devait se perdre (c’était le 16 Mai 1943). A la deuxième, un moteur flancha et nous désespérions d’arriver à nos buts pendant cette période de lune. Le Général GEORGES, impatient, rédigea un message à CHURCHILL exposant “vigoureusement” la situation critique de l’équipe. HERRMANN chiffra (après en avoir arrondi les angles) et SIMONIN transmit. 24 heures après, l’heure du départ sonna enfin. Nous avions tous pris position dans les environs du terrain qui fut balisé avec soin, comme d’habitude.

Nous étions une dizaine de passagers mais le temps passait et le bruit sympathique des moteurs ne se percevait toujours pas. Pourtant peu de temps avant le lever du jour, l`avion, un bi-moteur, se présenta. le Général GEORGES nous donna à ce moment-là l’exemple du calme et de l’obéissance. Il prit en main les passagers et dégagea ainsi les opérateurs de tout souci.L’atterrissage se passa parfaitement. Une équipe TR-Jeune débarqua, avec 16 valises : l’explication du retard nous fut donnée par le pilote, le group captain FIELDEN, pilote du Roi. Il ne connaissait pas le terrain et quoi qu’ayant pris avec lui le navigateur de PIKARD, qui avait fait la précédente opération pour le TR., il n’était arrivé à faire le point qu’en descendant jusqu’à la Méditerranée.

Le décollage se passa très bien; LAPRUNE et MICHEL ayant terminé leur mission, regagnaient aussi ALGER avec un volumineux courrier du TR. C’était le 18 Mai 1943. Quelques instants après avoir quitté le sol, le pilote fit appeler MICHEL dans la cabine et lui expliqua que la nuit étant très avancée, il fallait envisager de se diriger soit vers GIBRALTAR, soit sur ALGER. Malheureusement il restait peu d’essence et le risque était gros. Nous savions qu’aussitôt au-dessus de la Méditerranée, nous pourrions appeler par radio GIBRALTAR et ALGER et les alerter. Que faire ?

Nous décidions de ne pas mettre les passagers au courant. Mais c’était sans compter avec la vieille expérience du Général GEORGES qui fit appeler MICHEL et lui demanda pourquoi le cap était au Sud.

Heureusement, si nous n’avions pas le confort des avions de ligne, on nous avait préparé quelques boissons chaudes et un peu de whisky ! des appels radio furent entendu d’ALGER, mais GIBRALTAR ne répondit pas.

Le voyage fut sans histoire, mais non sans inquiétude : l’atterrissage eut lieu à BLIDA. Là, nous aperçûmes qu’il ne restait plus qu’environ une dizaine de litres d’essence !

Un Officier supérieur anglais attendait le Général GEORGES et le Colonel DUVAL. Quelques secondes après, une voiture de la Direction de la Sécurité Militaire nous amenait à ALGER où le Commandant PAILLOLE, notre Patron, nous accueillait. L’avion ayant refait son plein d’essence repartit pour l’Angleterre via Gibraltar. Pendant ce temps, demeurés sur la terre de France, JANSEN, “von KLÜCK”, HERRMANN et SIMONIN avaient entassé dans trois voitures l’équipe TR. débarquée et les innombrables valises. Au décollage, l’avion ayant gardé par mégarde ses phares allumés jusqu’à une hauteur de 500 mètres environ, on pouvait redouter le pire.




Le S.M. et le T.R. dans les premieres operations de debarquement

Nous publions cet extrait des souvenirs du Colonel Parisot spécialement à la mémoire et en hommage au Sous-Lieutenant Renaud qui fut le premier officier S.M. de débarquement tué au cours de la première opération de libération du continent européen. Outre ce dramatique épisode qui coûta le 14 juin 1943 la vie à notre héroïque camarade dans l’îlot de Pantelleria, le récit de Serge Parisot chef de notre première équipe S.M./T.R. de débarquement en Italie comporte des révélations fort révélatrices sur la nature des rapports avec nos alliés… ainsi qu’avec la gente féminine italienne.

DÉBARQUEMENT EN SICILE EN JUILLET 1943

Le lecteur alléché par ce titre risque fort d’être déçu : il ne sera question ici ni d’un héroïque assaut sous un feu d’enfer ni d’un abordage en tapinois par une nuit sans lune… Mon arrivée comme celle des fameux carabiniers fut si tardive que toutes les côtes méridionales de la grande île étaient déjà truffées de troupes anglo-américaines lorsque je fus admis (en même temps qu’un tabor de goums marocains prévu pour d’éventuels et obscurs combats en montagne) à l’honneur de représenter la participation française à l’opération.

L’EMBARQUEMENT DE L’ÉQUIPE S.S.M./T.R.

Car notre armée d’Afrique en dépit de sa contribution importante sinon décisive à la libération de la Tunisie, a tout de suite été traitée de façon indigne et évincée par nos alliés ; sous prétexte de haute politique. Il ne fallait pas que les Français risquent de se venger du coup de poignard dans le dos reçu des Italiens en juin 1940 ; en effet, les Anglo-Saxons espéraient bien la défection pure et simple des forces armées fascistes, et notre encombrante présence n’était pas souhaitable en raison des incidents à craindre.

Les goumiers engagés en petit nombre dans l’intérieur de l’île, ne seraient pas gênants et pourraient être précieux en terrain difficile ; les Services Spéciaux d’Alger qui venaient de rendre au débarquement en Sicile un service signalé en menant à bien l’Affaire Gilbert (opération d’intoxication menée par nos Services dans le cadre de la Force A) pourraient aussi être d’autant plus utiles à la coalition.

J’avais naguère voyagé en Sicile et j’offrais à démarrer dans l’île, sinon en Europe, une extension de la fameuse affaire (dont j’avais été l’officier traitant).

Le seul ennui était qu’un uniforme français serait plus voyant à Syracuse qu’au fin fond des djebels siciliens.

J’avais décliné l’offre flatteuse de revêtir l’uniforme britannique et décidé de remplir notre mission en civil.

Voilà comment au port de la Goulette je pris place avec Guillaume pour adjoint et deux sous-officiers français également ” en bourgeois ” dont un pianiste, c’est-à-dire un opérateur radio sur un honnête et pacifique chalutier battant pavillon neutre (portugais).

A bord une autre équipe de passagers, cette fois en tenue, appartenait aux Services Spéciaux britanniques : un captain irlandais arborant sur le côté de son béret un joli petit plumet vert, un Français d’origine maltaise frais émoulu des torrides geôles – pontons tunisiennes (pour avoir été pris quelques mois trop tôt en train de poser des mines ventouses sous le ventre de bateaux italiens), un juif tunisien et un aventurier italien ; le tout avec la bénédiction du sympathique major Trevor Wilson représentant de l’I.S. sur les territoires français libérés en Afrique du Nord.

Le bâtiment en cause ” Le Prodigal ” avait bel et bien droit aux initiales ” H.M.S. ” (on His Majesty Service). Son pittoresque commandant (un lieutenant de vaisseau anglais de Tanger parlant espagnol, français et arabe) et l’équipage de ” pêcheurs ” étaient intégralement fournis par la royal navy.