Hommage à Marco, alias Guy JOUSSELIN de SAINT-HILAIRE

Deux semaines après son épouse, décédée le 11 décembre dernier, notre ami Guy de Saint-Hilaire nous a quittés, discrètement, le jour de Noël.

Administrateur en chef de la France d’Outre-Mer, il avait créé en 1943 et dirigé le réseau Marco du S.R. Kléber. Il était Membre d’Honneur de l’A.A.S.S.D.N. après en avoir été le Commissaire aux Comptes et l’un de ses administrateurs.

A la messe concélébrée en la Chapelle de l’École Militaire par l’Abbé Lapouge, assistaient parmi ses nombreux amis, des représentants : – De l’O.R.A., dont le Général Roidot, Vice-Président délégué. – De la F.A.R.R.E.F.C., avec son Président M. Duval et Mme Letty-Mouroux, Secrétaire générale. – Des médaillés de la Résistance et leur Vice-Président, le Colonel de Lalande. – De l’A.A.S.S.D.N. dont la délégation était conduite par Michel Thoraval – Et les porte-drapeaux de l’O.R.A., des médaillés de la Résistance et de l’A.A.S.S.D.N.

A la fin de l’office religieux, son glorieux passé dans la clandestinité a été retracé par M. Jean Huteau du réseau Marco, au nom du Colonel Lochard, dit ” Lucien “, dernier chef du S.R. Kléber, et des compagnons de celui qu’ils appelaient alors Joyeux : Marco.

Éloge de ” Marco “

” Le jour de Noël, quelques jours après son épouse, Guy de Saint-Hilaire est décédé. A leurs familles, si cruellement éprouvées, je renouvelle mes condoléances et toute ma sympathie.

…Guy de Saint-Hilaire avait dès l’Armistice de 1940, milité contre la puissance occupante. Sous le couvert de Secrétaire général pour la lutte contre le chômage dans la zone dite libre, il avait participé au service de camouflage du matériel du Commandant Mollard. Finalement brûlé à Vichy, il était, fin septembre 1943, parti via l’Espagne pour Alger où il s’était mis immédiatement à la disposition du S.R.

Il accepta de revenir en mission en France occupée où un sous-marin le déposa sur la Côte de Provence le 24 octobre 1943.

Après avoir pris contact avec la direction du S.R. Kléber (Commandant Bertrand et Capitaine Lochard), il gagna Paris où il devait prendre contact avec deux officiers survivants du poste de Paris. Malheureusement, entre temps, ceux-ci avaient été à leur tour arrêtés et Guy de Saint-Hilaire se retrouva seul à Paris à la fin de décembre 1943.

Avec un courage et une ténacité qui étaient des composantes de son caractère, grâce à son intelligence et à son charisme, grâce aussi à l’aide de ses relations et en particulier du Général Revers, chef de l’O.R.A., il créa de toutes pièces le réseau Marco. Il était composé d’éléments de valeur, d’hommes et de femmes sûrs, qui étaient entièrement dévoués et profondément attachés à leur chef.

Le réseau Marco rendit dans la période cruciale de 1944 qui précéda le débarquement des services éminents à la cause de la Libération.

Ceux qui ont connu Guy de Saint-Hilaire garderont le souvenir d’un homme de qualité supérieure, d’un homme hors du commun. Adieu Marco “.

Puis notre Président national délégué lut L’hommage du Colonel Paillole

Des deux phases de l’action patriotique de Guy de Saint-Hilaire de 1940 à 1944, je ne sais la plus méritoire.

La première, la plus longue, la moins brillante mais non la moins exemplaire, est celle de juillet 1940 à août 1943 où le fonctionnaire rebelle met à profit les institutions d’État pour multiplier les actes de résistance à l’occupant et aux lois scélérates.

Recherché, il s’évade par l’Espagne et rejoint Alger fin septembre 1943. Le besoin d’action le dévore. La lutte clandestine l’appelle. Négligeant les dangers d’un retour en France, il accepte d’aller au secours de notre réseau de renseignement Kléber, décimé dans la région parisienne.

C’est la 2e phase de son action en métropole. Elle sera brève, de novembre 1943 à la Libération, mais stupéfiante d’efficacité. Sous le pseudonyme de Marco, Guy de Saint-Hilaire, à peine initié au métier de la recherche, va pleinement assumer sa mission et l’étendre ensuite à la zone Nord-Ouest pour pallier les défaillances du réseau Kléber.

Je n’ai pas la prétention de détailler une telle oeuvre. Il l’a fait lui-même dans un rapport qui enrichit l’Histoire de la Deuxième Guerre Mondiale. Pourtant, j’ai à coeur d’évoquer deux souvenirs: A Alger, le 23 octobre 1943 vers 16 heures, j’assure l’embarquement de Guy de Saint-Hilaire sur le sous-marin ” La Perle “. Il doit le déposer sur la côte varoise et y trouver mes camarades pour l’acheminer vers une destinée dont je sais tous les risques. Calme, souriant, il me serre longuement la main comme pour me rassurer sur la force de sa détermination. A Londres, le 4 juin 1944 au petit matin, j’accueille le Chef du réseau Kléber, le Commandant Gustave Bertrand arraché de France par un avion britannique. Il me remet un énorme courrier préparé par son adjoint le Capitaine Lochard. Une heure plus tard, le Colonel Scheen, Chef du 2e Bureau du Général Eisenhower dépouille avec moi la masse des documents. Il en émerge un ordre de bataille, détaillé et précis, de la Wehrmacht de l’embouchure de la Seine à la Normandie. A 48 heures du débarquement, nos alliés peuvent miraculeusement vérifier et compléter leurs connaissances sur le dispositif défensif ennemi.

Ce travail, digne de professionnels était l’oeuvre de ” Marco “. Il honore ceux qui, avec lui, se sont lancés à corps perdu dans la bataille de France. Scrupuleux, soucieux de voir reconnus les mérites de ses compagnons, Guy de Saint-Hilaire n’a cessé depuis la Libération de les mettre en valeur. Homme de coeur, il a maintenu avec eux ces liens affectifs puissants noués dans l’épreuve de la Libération. Ce n’est pas la moindre de ses qualités.

Très attaché à notre association, passionné par notre combat pour la Vérité historique, il lui a apporté le concours permanent de sa pensée rigoureuse et sage.

Rendre hommage à un tel compagnon, dont la distinction séduisait, est le triste privilège de mon âge. Hélas, il a ses rudes contraintes et mon éloignement de ce cercueil en est la plus pénible “. Ne pouvant assister à ses obsèques, le Général de Boissieu a tenu à rappeler, dans une lettre adressée à son fils, le rôle éminent du Capitaine Guy de SaintHilaire dans la Résistance et les opérations de la Libération. L’A.A.S.S.D.N. conserve le souvenir de son grand Ancien et exprime à sa famille ses plus sincères condoléances.




LES SERVICES SPECIAUX A ALGER par le Général Louis RIVET

Quelques mémorialistes d’après-guerre ont évoqué une querelle qui a aggravé le désaccord fondamental entre le Général GIRAUD et le Général de GAULLE: c’est celle des SERVICES SPECIAUX. Ils se sont hâtés d’en donner une explication qui a provoqué en son temps une brève polémique, prolongement regrettable des acides colloques d’Alger.

Sollicité par une actualité autrement passionnante, le grand public l’a ignorée, tout au plus lui a-t-il accordé une attention “lasse et lointaine. Cela valait sans doute mieux.Mais voici que l’Histoire, celle qui nous survit, nous y ramène sous la plume prestigieuse du Général de GAULLE. La postérité est, cette fois, appelée à juger du débat.




Parcours de A Achiary -Main dans la main avec le service-bulletin n4 -1955

Chef de la Brigade de la Police de Surveillance du Territoire d’ALGER, André ACHIARY fut l’un des piliers de notre Contre – Espionnage de 1939 à 1944. Patriote avisé et ardent, il donna à la BST d’Alger, dès Juillet 1940, une impulsion résistante qui se révéla décisive dans la lutte contre l’occupant. En marge de ses occupations techniques, il accorda au TR, une aide constante et sans réserve, il fut aussi l’un des promoteurs de la Libération de l’AFN. Avec tous ses collaborateurs il prit une part glorieuse dans la réussite du 8 Novembre.




Le TR africain participe a la victoire en Tunisie Un exemple d’intoxication

Tous les anciens du poste TR 119 qui le connaissaient l’appelaient “le Chinois” ; on a souvent parlé de lui à la D.S.M. à ALGER. Il avait été baptisé ainsi dans l’Abwehr à BERLIN-RANGSDORF.Les camarades de service britannique à ALGER appréciaient beaucoup le travail du “Chineese”.Grâce au « Chinois » le Poste TR d’ALGER peut revendiquer sa part dans la victoire de la guerre de Tunisie.

Installé dans une maison à DRACIA pendant des heure il chiffrait et déchiffrait des télégrammes. Pendant ses loisirs, il était jardinier, chauffeur ou coiffeur. Sa principale occupation consistait à renseigner de nuit à heures fixes le Q.G. allemand sur les opérations militaires des Alliés en AFN.




Le SSM precursseur : Temoignage du General Navarre

Avant et pendant la guerre 39-40 j’étais chef de la Section allemande du S.R.

A ce titre, fin juin et juillet 40, je réorganise le S.R. contre l’Allemagne et le mets en mesure de continuer sa mission.

A partir d’octobre 40, à Alger, je deviens chef du 2 ème Bureau du Général WEYGAND. Je suis chargé par lui de la partie secrète » (animation des Services Spéciaux, de la propagande, des écoutes téléphoniques, de la lutte contre les empiètements des commissions d’armistice).

Au départ du Général WEYGAND (novembre 1941), je reste à Alger avec le Général JUIN (même mission et mêmes activités).

Février 1942. – Je suis renvoyé en France sur ordre personnel de l’Amiral DARLAN en raison de mes ” activités néfastes ” auprès du Général WEYGAND.

Je suis affecté d’office au 12 ème Cuirassiers (Orange) et placé sous la surveillance de la police (qui, d’ailleurs, m’en prévient).

Fin 1942. – A la démobilisation de l’Armée de l’Armistice du fait que les Allemands me connaissaient et possédaient sur moi les renseignements possibles (mon appartement de Paris avait été perquisitionné en juin 1940), je plonge dans la clandestinité et prends contact avec la Direction à Alger de l’ex-S.R. On me demande d’attendre des instructions en vue d’une mission qui me serait confiée en France.

Début 1943. – Je suis convoqué à Vichy par le Général DELMOTTE ( je lui avais été signalé par son Chef de Cabinet le Commandant BAILLOUD que je connaissais depuis longtemps ).

Il me demande de prendre auprès de lui la direction d’un S.R. clandestin sur l’Allemagne. Je prends conseil auprès du Général FRERE qui me demande d’accepter afin de faire bénéficier l’O.R.A. (qu’il est en train de constituer) des renseignements que j’obtiendrais.

Au début, quelques jours avant d’avoir commencé la moindre activité, je suis convoqué à nouveau par le Général DELMOTTE qui me fait part de l’opposition formelle de LAVAL à la création du S.R. en question et de l’interdiction absolue de m’employer à un poste quelconque en raison de mes activités « gaullistes » auprès du Général WEYGAND.

Je quitte Vichy, mais reste en contact avec le S.R. (Colonel DELOR).

Mars 1943. – Je suis contacté par les Services Spéciaux d’Alger (Colonel RIVET, Commandant PAILLOLE) qui me demandent de prendre la direction d’un service clandestin de Sécurité Militaire précurseur à créer, et, en même temps de « coordonner » l’action du C.E. clandestin, T.R. et du S.R. en France occupée.

Je viens alors m’installer à Clermont-Ferrand pour être à proximité du S. R. (Colonel DELOR, résidant quelque part près de Vichy) du T.R. (Commandant LAFONT, alias VERNEUIL, camouflé dans la région de Brioude) et de l’E.M. de l’O.R.A. qui fonctionne dans la région (Général FRERE, puis Général OLLERIS).

Avril 43. — Après une série d’entretiens avec DELOR et VERNEUIL, il est décidé que je prendrai à mon compte la création du S.S.M. sur l’ensemble du territoire et que j’aurais l’autorité, en zone nord, sur les éléments du T.R. et du S. R.

Cette organisation jouera en ce qui concerne S.S.M. et T.R. mais, en ce qui concerne le S.R. elle se réduira à quelques contacts avec le Commandant LOCHARD, successeur du Colonel DELOR.

Il est également entendu que j’aurai la responsabilité des contacts avec l’O.R.A., surtout enn zone nord.

CRÉATION ET FONCTIONNEMENT DU S.S.M. PRECURSEUR

Le P.C. principal fut installé à Paris, rue Boissy-d’Anglas, dans un appartement loué au nom d’une Secrétaire Madame GILLOT-MAITRE, qui y fut installée.

L’État-Major comprenait le Capitaine BRUTE de REMUR (1er adjoint) et le Capitaine GOBERT (2e adjoint). Seuls, ces deux officiers avaient, avec moi, accès au P.C. dont personne ne connaissait l’existence et où n’était reçue aucune visite.

Un P.C. secondaire existait à Clermont-Ferrand, où j’avais une chambre et une boîte aux lettres assurée par Mademoiselle VERGNE, Secrétaire de l’Aéro-Club.

La mission était de créer un B.S.M. par région militaire avec une antenne dans chaque département.

A partir d’avril 1943, je me suis donc mis à rayonner dans toute la France, à partir de Paris pour la zone nord, à partir de Clermont-Ferrand pour la zone sud.

Ces voyages m’amenèrent à passer plus de 40 fois la ligne de démarcation, toujours par le train (les franchissements clandestins auraient demandé trop de temps). Je n’eus jamais aucun incident.

J’utilisais pour mes déplacements quatre identités différentes qui n’étaient connues de personne, ni de ma famille, ni de mes adjoints. Je prenais mes contacts sous d’autres identités (soit la véritable, soit d’autres pour lesquelles je ne possédais pas de papiers). Je vivais ainsi que ma famille, sous une identité différente de toutes les autres.

J’ai contacté personnellement tous ceux à qui je destinais le commandement d’un B.S.M. Je leur demandais, en principe, de recruter eux-mêmes un adjoint et de me le présenter au voyage suivant. En dehors du chef du B.S.M. et de son adjoint, je ne voulais connaître personne.

En fait, il fallut souvent que je recrute moi-même non seulement le chef du B.S.M., mais égaiement l’adjoint. Il arriva aussi que, ne trouvant personne de qualifié au futur chef-lieu de la région militaire, je mette en place d’abord moi-même les futures antennes départementales avant de pouvoir les coiffer par un chef de B.S.M. qualifié.

En priorité, je cherchai à recruter des officiers d’active.

De nombreuses adresses furent données par la Section Cavalerie du Bureau du personnel de l’Armée (Lieutenant Van AERSTELAER), d’autres par la Direction de la Cavalerie (Commandant HENIN), d’autres enfin par le Colonel LE CORGUILLIER (détachement parisien de l’E.M.A.).

Dans les contacts avec les officiers d’active, il y eut quelques rares refus ;certains justifiés par des craintes pour la famille, d’autres par le « Serment au Maréchal ». En tous cas jamais aucune dénonciation ni même indiscrétion nuisible.

Beaucoup d’officiers et sous-officiers acceptèrent alors qu’ils s’étaient jusque là tenus à l’écart de la « résistance » locale en raison de son hostilité fréquente vis-à-vis de l’armée et surtout du spectacle affligeant qu’elle donnait souvent (politicaille de clocher, malhonnêteté, marché noir, bagarres pour les futures « places » agitation inefficace, etc.).

Chaque chef désigné de B.S.M. reçut un schéma général d’organisation de son futur poste en fonction duquel il assurait lui-même son recrutement (en fait, il fallut souvent les aider).

La mission du S.S.M. précurseur avait été fixée par une note du Commandant PAILLOLE, Directeur de la Sécurité Mil;taire et Chef des Services de C.E. à Alger, datée de février 1943 à Alger, et approuvée du Commandant en Chef Civil et Militaire, le Général GIRAUD.

En résumé, elle donnait mission à chaque B.S.M. : d’étudier sa région d’implantation et de se préparer à « émerger » à la Libération en vue d’assurer la sécurité des troupes françaises et alliées et le maintien de l’ordre.

De recruter et d’instruire le personnel et de préparer les moyens matériels (locaux, matériel de bureau, voitures, etc ..) nécessaires à cet « émergement ».

De repérer d’une part les éléments favorables, d’autre part les douteux et les hostiles, dans les diverses administrations et dans le public.

De préparer les futures opérations de répression et d’épuration.

De préparer la mise en place des Tribunaux chargés de réprimer les crimes contre la Sûreté de l’Etat.

La recherche du renseignement était en principe interdite, mais j’avais prescrit de transmettre les renseignements obtenus occasionnellement ainsi que toutes possibilités de renseignement (que je me réservais d’exploiter moi-même ou de faire exploiter par d’autres voies).

En fait, au fur et à mesure que le réseau se développa, de nombreux renseignements furent obtenus.

TRANSMISSIONS.

A. – Avec ALGER.
Le S.S.M. précurseur n’avait pas de liaisons propres avec Alger. Il utilisait celles du T.R. jeune avec lequel une liaison régulière était organisée.

Pour les liaisons en zone sud, chaque chef de B.S.M. avait un correspondant T.R. auquel il remettait ses messages radio et son courrier.

En zone nord, !e courrier était centralisé à Paris et remis au Commandant MERCIER ou à MAYEUR (Maréchal) tandis que les messages radio étaient confiés à une « boîte aux lettres ».

Cependant, quelques mois avant la Libération de Paris, une opération radio était mise à ma disposition. Madame CLAIR, Veuve d’un Chef d’Escadron d’Artillerie, habitant l’A.F.N., s’était mise à la disposition du Comandant PAILLOLE, Chef des Services de S.M. et avait reçu à Alger une formation radio. Entrée en France, par l’Espagne, elle dût revenir à deux reprises à Barcelone pour y chercher du courrier, puis un nouveau poste radio (le sien ayant grillé) ce qui retarda sa mise en service comme opération radio.

Installée enfin dans la région de Paris, elle y fit, dans les semaines précédant la Libération, de nombreuses émissions. Le 18 août, je l’envoyai à Nancy afin d’avoir, après la Libération imminente de Paris, une radio derrière les lignes allemandes. Elle fit le voyage avec l’un des convois de la Gestapo dans lequel nous avions un agent. Elle fit, à Nancy de nombreuses émissions pour le compte des Services Spéciaux et aussi pour celui de M. GRANDVAL qui, du fait d’arrestations, n’avait plus personne pour passer ses messages.

B. – Avec les B.S.M.

Les liaisons étaient assurées surtout par contacts directs pris par moi ou par mes adjoints généralement sur place et quelquefois à Paris.

Elles l’étaient aussi par lettres adressées soit à des « boîtes aux lettres » soit Poste Restante, soit dans les P.O.P.

Le courrier était relevé par mes adjoints qui disposaient pour cela d’identités strictement réservées à ce rôle.

LIAISON AVEC LE T.R.
T.R. « ANCIENS ».

Une liaison personnelle avait lieu entre VERNEUIL et moi à peu près une fois par mois.

Le contact était généralement pris à Brioude par l’intermédiaire d’un ancien employé civil du Service (M. DEVAUX, alias DANIEL) installé chez un de ses parents, marchand d’articles de pêche. Nous allions ensuite déjeuner dans un restaurant de la ville.

Le Capitaine MERCIER, chef du T.R. zone nord assistait généralement à la rencontre. Lui et moi nous nous retrouvions d’habitude dans le premier train du matin Clermont-Brioude.

A Pau la liaison avec le T.R. « Anciens » était assurée par contacts fréquents entre moi (ou mon adjoint, le Capitaine de REMUR) et le Commandant MERCIER.

T.R. « JEUNES ».

Il avait été entendu entre VERNEUIL et moi que j’assumerais, en zone nord, un rôle de « mentor » vis-à-vis du T.R. « jeunes » dont la fougue, jointe souvent au manque d’expérience de la clandestinité nous causait, à tous deux beaucoup d’inquiétude.

Je ne pus malheureusement empêcher des imprudences de certaines missions de ce Réseau, dont le rôle essentiel et particulièrement périlleux était de mettre des moyens de liaison à la disposition des Services de C.E. (1).

(1) Liaisons radio, aériennes, sous marines, terrestres (par les Pyrénées au travers de l’Espagne), etc.

LIAISON AVEC L’O.R.A.

A été prise dès le début avec le Général FRERE et surtout avec son adjoint le Général OLLERIS qui lui succéda après son arrestation.

Je le rencontrais (généralement avec VERNEUIL) soit à Clermont-Ferrand, soit à Riom.

A Clermont, on se retrouvait aux environs de la gare, toujours pour les réunions beaucoup trop nombreuses et la plupart des participants dans les tenues caractéristiques d’officiers en civil (culottes de cheval, leggins ou bandes molletières, sacoches, etc…).

Après quoi, on allait déjeuner en bande dans un restaurant. Là encore, comme pour le T.R. jeune, VERNEUIL et moi tentions, sans grand succès, de donner des conseils de prudence.

A Riom, le Général OLLERIS nous recevait chez sa soeur (ou belle-soeur). C’était plus discret.

C’est cependant là que le Général OLLERIS fut arrêté.

Nous avions rendez-vous ce jour-là, VERNEUIL et moi, pour une réunion importante.

Arrivés les premiers, nous trouvons la soeur (ou belle-soeur) du Général affolée, qui nous fait comprendre qu’il venait d’être arrêté. Les Allemands n’avaient heureusement pas laissé de souricière mais pouvaient revenir.

Nous allons aussitôt nous installer dans un café ayant vue sur la gare et guettons l’arrivée des autres participants pour les prévenir et tenir dans le café un bref conciliabule.

Le Général GILLIOT, adjoint du Général OLLERIS, décide de prendre le commandement de l’O.R.A.

Je lui dis :« Ne retournez pas chez vous; il habitait la région) car le Général OLLERIS a certainement votre adresse sur son carnet (il notait tout, malgré nos protestations à VERNEUIL et à moi).

Le Général GILLIOT me répond : « Certainement pas car il est souvent venu chez moi et n’a donc aucune raison d’avoir noté mon adresse ». J’insiste. Il ne veut rien savoir. Il est arrêté dans les 24 heures.

Le « flambeau » passe aux mains du Général VERNEAU. Il s’installe à Paris.

Je n’ai eu avec lui que quelques rares contacts dans un appartement de la rue Cognacq-Jay.

Là aussi, grosses imprudences. Beaucoup trop de gens réunis et connaissant l’adresse.

Après l’arrestation du Général VERNEAU, le Général REVERS prend la tête de l’O.R.A.

Il s’est tout de suite remarquablement adapté à la vie clandestine. A la fois prudent et très actif. A été un remarquable Chef de l’O.R.A.

J’avais avec lui des contacts réguliers dans de petits restaurants discrets.

Mon adjoint, le Capitaine de REMUR était en contacts suivis avec son Etat-Major (notamment du GARREAU et CANO, camarades de promotion de PAILLOLE et SIMONEAU.




Les services speciaux a Alger- General Rivet-bulletin n 5-1954

Le 10 Novembre 1942, vers 9h 30, une douzaine de passagers tirés de leur torpeur sentent l’avion qui les porte frôler le sol d’une piste de sable.: Biskra L’appareil se pose. La carlingue se vide. Quelques camarades arrivésla veille sont là, qu’un soleil éclatant transfigure: ils sont déjà autres. Les yeux des arrivants brusquement se dessillent, leurs coeurs subitement se gonflent d’un air tout neuf, traversé d’effluves étranges dont ils avaient perdu la saveur : quelques heures auparavant, au départ de Marignane, le carcan d’une occupation invisible pesait encore sur leurs épaules. Maintenant le doute est levé. Un noyau de la Direction du SR français venait de prendre pied en France libre. Chez nous.




Souvenirs sur le General Weygand : Temoignage General Navarre

Mon premier contact personnel avec le Général WEYGAND remonte aux premiers jours de la guerre de 1939. J’étais alors Chef de la Section allemande du S.R. , et j’avais comme adjoint le Capitaine GASSER.Or celui-ci m’avait prévenu la veille de ce que le Général WEYGAND, nommé Commandant en Chef au Moyen Orient lui avait demandé de l’accompagner à Beyrouth comme chef de cabinet.




1940 – 1941 : WEYGAND et le 2ème Bureau d’ALGER: temoignage du General Navarre

Dès son arrivée à Alger comme Délégué Général du Gouvernement en AFRIQUE FRANCAISE, le Général WEYGAND m’avait désigné comme Chef de son 2ème Bureau. A ce titre, il me confia un rôle beaucoup plus large que celui normalement dévolu à cette fonction. Il s’agissait non seulement de renseigner le Général sur toutes les activités extérieures et intérieures de ceux que nous appelions toujours “l’ennemi” mais de servir de Chef d’orchestre à la lutte contre ces activités.




L’Afrique du nord dans nos combats

JUIN 1940-NOV 1942- Les Services de Contre – Espionnage du 5ème Bureau de l’Etat-Major l’Armée (ex 2ème bureau SR-SCR) officiellement dissous, avaient fait place au lendemain de l’armistice à une double organisation :- l’une officielle (Bureaux des Menées Anti-Nationales BMA) qui se substituait en quelque sorte aux BCR sur le plan régional.- l’autre clandestine (TR) dirigée par PAILLOLE (alias PERRIER).De même que dans la Métropole, l’ensemble des services spéciaux était centralisé à ROYAT sous l’autorité des Colonels RIVET et d’ALES, la totalité des services de C.E. de l’Afrique du Nord devait être sous les ordres du Colonel CHRETIEN à ALGER. Il dépendait lui-même des Services centraux métropolitains BMA et TR.




Le service secret action en Indochine

Par le colonel Jean Deuve
ancien chef de groupement franco-lao « Yseult »

Qui mieux que nombre des membres de notre Association pourrait apporter le témoignage d’événements vécus ou le fruit de leurs recherches: cette rubrique leur est ouverte sans exclure évidemment les signatures qui voudront bien nous confier leurs travaux.

LE RÉTABLISSEMENT DE L’AUTORITÉ FRANÇAISE AU LAOS

La situation au 1er août 1945

Au 1er août 1945, vivent dans les profondes forêts du Laos 200 Européens et 300 autochtones, ressortissant de la « Force 136 » britannique des Indes (Service Secret d’Action) et de la représentation locale de la Direction Générale des Etudes et Recherches (Colonel Roos), basée à Calcutta.

Ces groupes sont formés des membres du Service d’Action Secrète (S.A.S.) intégrés dans la ” Force 136 ” britannique, de membres de la D.G.E.R. venant de France récemment, de personnel, européen et autochtone, civil et militaire, d’anciens de l’armée ou de l’administration d’Indochine, échappés aux Japonais, enfin, de volontaires lao.

En dehors du Laos, et à l’exception d’un petit groupe de marins et de coloniaux qui, basés en Chine, se livrent à un harcèlement naval du trafic côtier nippon, il n’y a aucune résistance dans les autres pays d’Indochine.

Ces groupes du Laos ont survécu aux campagnes d’anéantissement japonaises et, malgré les difficultés de la vie en jungle en saison des pluies, d’un ravitaillement souvent aléatoire, de l’incessante pression des troupes nipponnes, grâce aussi à la complicité générale des populations lao, remplissent les missions qui leur ont été confiées: – maintenir une présence française – renseigner le gouvernement français et le South East Asia Command – préparer la reprise de l’action pour octobre, à la fin de la saison des pluies.

Les pays qui constituaient la Fédération Indochinoise (Empire d’Annam et du Tonkin, colonie de Cochinchine, Royaumes du Laos et du Cambodge) ont été déclarés indépendants par les Japonais, mais cette indépendance ne s’est pas concrétisée. Les gouvernements se sont contentés de survivre, de gérer leurs besoins essentiels et de faire, plus ou moins, fonctionner leurs services publics.

Il n’existe aucun mouvement d’indépendance populaire, sauf au nord-Tonkin, où le Parti Communiste indochinois, de ses bases de Chine, a lancé une ” Ligue pour l’Indépendance du Vietnam ” (Vietnam Doc Lap Dong Minh, dit Vietminh). Cette ligue a profité de la naïveté américaine pour obtenir des armes sous le fallacieux prétexte de combattre les Japonais.

L’articulation générale de la résistance au Laos comprend des groupements, des sous-groupements et des groupes:

– Au nord, le groupement Imfeld (S.A.S.), implanté entre Louang-Prabang et la frontière de Chine, comprend trois sous-groupements Mollo (S.A.S.), Rottier (Indochine) et Baudouard (Indochine). En tout, il compte 52 Français et cinq postes radios E.R.

– Plus à l’est, Guilliod, avec ses groupes Petit et Heymonet, tient le massif du Phou Loï, à 100 kilomètres au nord de Xieng-Khouang. Le groupe Mutin (D.G.E.R.) séjourne à côté. En tout: 34 Français et 3 postes radios E.R. Zone d’action: Samneua.

– Au sud-est, Bichelot (D.G.E.R.), tout près de Xieng-Khouang, dispose de deux postes. Il tient la région Méo. Le groupement Fabre (S.A.S.) avec deux sous groupements, le sien et le sous-groupement Deuve (S.A.S.) qui va devenir groupement et qui comporte les groupes Picot (S.A.S.), Lemal (Indochine) et Etchart (D.G.E.R.).

– Fabre est au nord-est de Paksane, en instance de mouvement vers Vientiane, la capitale du Laos. Il commande 26 Français et dispose d’un seul poste. Deuve, avec un poste, tient le nord de la province de Paksane. Il n’a que 5 Français avec lui pour un territoire égal à la moitié de la Normandie. A l’est de Paksane, le groupement de Wavrant (D.G.E.R.) tient la région Khamkeut-Napé, en tout 12 Français et 2 postes. Le groupement Legrand (L’Helgouach, D.G.E.R.), avec une soixantaine de Français et 2 postes, tient le sud et le moyen Laos.

La confusion et le désordre

L’usure due à la vie en jungle, aux conditions atmosphériques, aux incessantes pérégrinations en montagne, les combats, les difficultés des parachutages ont réduit considérablement la dotation de matériel en bon état et les groupes ont besoin de recevoir armes, munitions, médicaments, explosifs, vêtements.

Le 13 août, les groupes tapis dans la jungle apprennent que des négociations sont en cours entre les Japonais et les Alliés. Le soir, un message de la « Force 136 » invite les groupes à se préparer à recevoir la reddition des troupes japonaises et à réoccuper tous les centres administratifs.

Les 15 et 16, nouvelles instructions : libérer les prisonniers et maintenir l’ordre. Le 16 au soir, arrive l’ordre formel d’occuper les centres administratifs au nom de la France…

Puis le ton des messages change. Le 19, on informe les groupes que les autorités nipponnes restent responsables du maintien de l’ordre et qu’il n’est plus question de recevoir leur reddition. En conséquence, on ne doit occuper les centres qu’au départ des Japonais! Le 19 au soir, arrive l’ordre d’arrêter toute opération contre les Nippons, sauf pour se défendre.

Les jours suivants, on apprend que les Américains s’opposent aux parachutages de la « Force 136 », car l’Indochine du nord est dans leur zone. On invite les groupes à engager des négociations locales avec les Japonais pour qu’ils passent aux guérillas les pouvoirs de police et d’administration… « en sachant qu’il y a de fortes chances que les Japonais ne reconnaissent pas le caractère sacré des parlementaires ». On apprend que le Vietminh, profitant du vide administratif existant au Vietnam et de l’aide active des Japonais, est en train de prendre le pouvoir avec des méthodes énergiques.

Le 30 août, on est informé que la Conférence de Postdam (où la France a été absente) a désigné les Chinois pour désarmer les Japonais du nord de l’Indochine.

L’instruction reçue des autorités françaises en Extrême-Orient est claire : il faut que les groupes évitent tout incident avec les Chinois…mais il faut protéger les intérêts essentiels de la France! Les directives reçues en ce qui concerne le Vietminh ne sont pas moins nettes : ne pas chercher à s’imposer face à un comité révolutionnaire vietnamien…mais assurer le maintien de l’ordre si ce comité causes des incidents.

A 3.000 kilomètres de distance des bases, devant des ordres aussi contradictoires, chacun va agir selon son tempérament, ses moyens, son armement et l’adversaire, et fera de son mieux.

Le Vietminh envoie des meneurs pour organiser dans les nombreuses communautés vietnamiennes du Laos des comités révolutionnaires, dont la mission est de s’opposer au retour des Français et de transformer le Laos en satellite du Vietminh.

La réoccupation des centres et les combats meurtriers (15 août – 15 septembre 1945)

Le 16e parallèle coupe l’Indochine en deux. Seul le sud du Laos est dans la zone de désarmement britannique.

Le groupement L’Helgouach réoccupe Paksé, Saravane et Attopeu sans la moindre difficulté, les troupes japonaises se mettant à ses ordres.

Le 14 septembre, le drapeau français flotte sur tout le sud Laos et les services sont remis en place.

Au nord du 16e parallèle, la situation est toute différente, car les comités Vietminh sont organisés dans les communautés vietnamiennes, c’est-à-dire, dans tous les centres du Laos… et les Chinois commencent à déferler.

A Louang Prabang, la ville royale, les Japonais arment le comité Vietminh que des meneurs venus du Tonkin excitent contre la France.

Imfeld, nommé Commissaire de la République, arrive dans la capitale royale le 29 août avec les groupes Tual (S.A.S.) et Berthier (S.A.S.). Le roi confirme le maintien du Protectorat Français et proclame la nullité de l’indépendance accordée par les Nippons.

Le 1er septembre, Brasart (S.A.S.), se dirigeant vers Muong Sing, se heurte aux premiers éléments chinois qui viennent de franchir la frontière (93e division indépendante).

Les Chinois décrètent le rattachement de l’extrême nord-lao à la Chine, donnent l’ordre aux fonctionnaires locaux de ne pas obéir aux Français, à qui ils refusent, non seulement le droit d’être en Indochine, mais même la qualité d’alliés. Ils occupent tous les centres des provinces du nord et en chassent, manu militari, les faibles groupes franco-lao qui viennent de les réoccuper.

Rottier après être entré à Muong Saï le 26 août va renforcer Imfeld à Louang Prabang. Le 15 septembre, ces deux officiers sont désarmés de force par les Chinois. Baudouard, qui avait reçu mission de réoccuper Phongsaly, y est devancé par l’armée chinoise.

La capitale administrative du Laos, Vientiane, la ville du santal, a une forte communauté vietnamienne qui, dès la capitulation nipponne, est organisée par des meneurs venus du Siam, où existe une forte implantation du Parti Communiste Indochinois.

Les Japonais quittent la ville le 4 septembre. Fabre, accompagné de quatre groupes, entre sur leurs talons. Il n’y a pas une heure qu’il est là que les premières manifestations sont organisées par les Vietminh. Le 8, des officiers américains de l’Office of Strategic Services (O.S.S.) promettent aux autorités locales lao qu’ils s’opposeront au retour des Français.

Cette intervention accélère l’agitation vietnamienne. Des agents siamois ajoutent le trouble dans les populations et les administrations lao. Les révolutionnaires font le blocus de Fabre et de ses hommes, les empêchant de recevoir le moindre ravitaillement. Fabre réussit cependant, avec l’aide des officiers de la « Force 136 » du Siam à évacuer la population civile française retenue en otage par les Vietminh, 55 femmes, 46 hommes et 58 enfants, puis il renvoie à l’extérieur ses guérillas et reste, seul, avec quelques hommes.

Les Vietminh promènent sous ses fenêtres les têtes coupées de quelques Français ou métis capturés par les révolutionnaires… Deuve occupe Paksane le 14 en débarquant par pirogue en arrière du comité révolutionnaire avec les groupes Picot et Etchart (24 hommes). De Wavrant s’installe à Napé le 6 septembre (8 Français et 15 Indochinois). Ils sont violemment attaqués les 7 et 8 par des Vietminh et des Japonais venus du Vietnam proche. De Wavrant, un de ses officiers et 7 de ses hommes sont tués. On ne peut tenir Napé. Le 9 septembre, Gasset, un sous-officier et 6 chasseurs lao arrivent aux mines d’étain de Boneng, où les Japonais viennent de massacrer des femmes et des enfants français et où plusieurs familles françaises sont détenues en otage par les Vietminh. Le 10, Gasset est attaqué par 150 Vietminh et Japonais. Il tient jusqu’à l’arrivée d’un officier de la « Force 136 » du Siam qui intime aux Nippons de décrocher et de libérer les otages.

Dans le Moyen-Laos, les deux villes de Thakhek et de Savaninakhet sont bourrées de Japonais qui aident les Vietminh à organiser d’importantes unités avec des renforts venus du, Vietnam et des volontaires recrutés au Siam. Tavernier occupe les centres de la province de Thakhek, mais ne peut prétendre s’imposer dans la ville. Quinquenel a le même problème devant Savannakhet où les Japonais sont encore plus de 1.000 le 10 septembre et où des unités Vietminh venues du Vietnam ont pris le pouvoir. Ses groupes occupent les centres de la province, sauf Sepone, à l’est, trop près de la frontière vietnamienne, d’où viennent des troupes bien armées.

Ainsi, en un mois, sauf l’extrême nord, Thakhek, Savannakhet et Sepone, 500 guérilléros franco-lao ont repris le contrôle d’un pays de 230. 000 kilomètres carrés (presque la moitié de la France) en dépit des Japonais, des Chinois et des Vietminh, malgré l’hostilité de fait des Américains qui font tout ce qu’ils peuvent pour empêcher les Français de revenir en Indochine.

Les Chinois – Le retour en jungle (15 septembre 1945 à mai 1946)

Les Chinois entrés par le nord Laos et par le Tonkin en fin août 1945 déferlent maintenant partout. Si les campagnes continuent d’être tenues par les franco-lao, les villes vont être, presque toutes, occupées par des troupes chinoises, Vietminh, siamoises.

L’élite lao s’engage aux côtés du Roi et de la France, mais les Chinois poussent à la création le 12 octobre d’un mouvement s’opposant au retour des Français, le Laos Libre (Lao Issala), assuré également d’un appui par des officiers de l’O.S.S. américain.

Ce mouvement, immédiatement infiltré par les Vietminh, n’existe que là où il y a des soldats chinois pour le défendre. Au 15 septembre, tout l’extrême nord du pays est occupé et annexé par les Chinois, sauf deux môles qui tiennent malgré la pression ennemie.

Le 23 septembre, Imfeld et ses cadres sont encerclés par les troupes de la 93e division chinoise et menacés de mort, s’ils ne désarment par leurs propres groupes. Le Roi lui-même est sommé de proclamer l’indépendance du Laos et de rejeter le Protectorat français. Ce qu’il refuse de faire. Il est alors tenu prisonnier et empêché de tout contact extérieur, notamment avec les Français.

Imfeld fait discrètement partir ses groupes, de nuit, et reste seul avec une poignée de ses hommes. Le 4 novembre, des troupes Lao Issala et Vietminh, renforcées de Chinois, renversent le Roi.

Le 22 décembre, les révolutionnaires envahissent le casernement français et cassent tout. Le 31, à l’issue d’une manifestation encore plus violente, Imfeld décide d’évacuer. C’est fait le 4 janvier 1946. Le Roi et sa famille sont prisonniers des révolutionnaires.

A Vientiane, la situation évolue pareillement. Fabre, bien qu’ayant un bras cassé, tient au maximum, mais privé de ravitaillement, menacé journellement dans sa vie, il reçoit, le 20 novembre, l’ordre d’évacuer. A Paksane, Deuve est attaqué par le comité Vietminh dès le 15 septembre, mais il tient.

Le 5 octobre, les Chinois débarquent. Devant leurs menaces et ne voulant pas risquer de se faire désarmer, Deuve évacue la ville, fait croire qu’il quitte la région, rassemble secrètement ses groupes et, le 12 octobre, au soir, rentre par surprise, tue 26 membres du comité Vietminh, met en fuite les survivants et fait savoir aux Chinois, qu’il coulera leurs chalands s’ils viennent.

Ils arrivent le 25. Deuve fait venir tout son groupement renforcé des groupes revenus de Napé. Les Chinois n’osent pas débarquer. A Xieng-Khouang, Bichelot, durement attaqué et blessé, doit évacuer la ville, qu’il reprendra en janvier 1946.

Le Laos libéré

Tout le nord-Laos, sauf Paksane, est sous la domination des Chinois, des Vietminh et des Lao Issala. Toute la campagne est aux mains des franco-lao qui reçoivent des renforts et des volontaires lao en grand nombre. Les groupes de guérillas deviennent des compagnies et des bataillons.

C’est le retour en jungle, fort différent du séjour durant l’occupation japonaise, ponctué de coups de main, d’attaques, d’embuscades, de menaces. On se bat contre les Chinois et contre les Vietminh.

Mais les franco-lao sont comme « des poissons dans l’eau ». Tenant la brousse, ils tiennent le ravitaillement des villes qui sont, en fait assiégées.

La D.G.E.R. a passé la main : c’est un commandement militaire qui dirige les opérations, les « Forces du Laos ».

Avec l’aide de deux commandos du Corps Léger N° 2, d’un escadron d’autos-mitrailleuses, les unités des « Forces du Laos », directement issues des guérillas et encore, pour la plupart, commandées par ceux qui menaient cette résistance, à partir du début 1946, reprennent les villes, chassent les Chinois et les Vietminh.

Savannakhet et Thakhek sont réoccupées en mars, Vientiane le 25 avril, Louang-Prabang le 13 mai. Le Roi est rétabli sur son trône. Le Laos est libre de tout adversaire.

Les débris de ce qui reste du Lao Issala, pris en main par le Parti Communiste Indochinois, formeront les futurs cadres du Parti Communiste Lao. Ce qui reste des comités Vietminh, repliés au Siam et au Vietnam, continueront à fomenter la subversion au Laos dans le cadre de la guerre d’Indochine.

Le rôle des services spéciaux reprend son aspect classique, mais ce sont eux, avec l’aide de leurs camarades de l’ancienne armée d’Indochine, qui ont mené cette folle épopée au Laos et ont conservé, à l’époque, le Laos à la France.