25 Août 1944 : Maillé… Du crime à la mémoire

Le 25 août 1944, alors que Paris se libère, un déferlement de violence balaye le paisible village de Maillé, au sud de la Touraine. Après quelques heures de terreur, on dénombre 124 victimes âgées de 3 mois à 89 ans… sans compter les nombreux animaux, eux aussi massacrés sans raison apparente par une horde d’assassins.
Aussitôt se posent de terribles questions : qui sont les coupables de cet acte de barbarie ? Quelles en sont les raisons ? Hélas, l’enquête ne permettra d’apporter aucune réponse satisfaisante.

Cet ouvrage fait un point complet sur ce que l’on sait aujourd’hui. À l’aide de témoignages et d archives inédits, il nous présente l’existence paisible du village avant la guerre et pendant l’occupation, puis relate en détails la funeste journée du 25 août 1944. Précisant l’enchaînement des faits, il désigne aussi les responsables. Il n’oublie pas, enfin, d’étudier les conséquences du crime : le deuil, la reconstruction puis le temps des commémorations.
Une étude indispensable à la connaissance de l’occupation et des pratiques répressives allemandes en France.

Commentaire :
Livre poignant sur l’atroce tragédie perpétrée ce jour-là par une troupe nazie à Maillé, petite commune, à présent liée à l’ASSDN. Récit de ce drame, massacre
de 124 personnes, destructions multiples mais aussi souvenir et histoire judiciaire destinée à découvrir les responsables et à esquisser d’impossibles réponses.
Un document.




Les triades : la menace occultée

Afin d’accompagner son développement économique exceptionnel, le régime chinois bénéficie de nombreux atouts. L’un est ignoré du grand public : les triades. Assimilables à des mafias en raison de leurs traditions, de leurs rites initiatiques et de leur code d’honneur, elles sont en pleine expansion. Totalement intégrées à la société chinoise, elles représentent un danger vital pour les économies occidentales car elles apportent à Pékin une arme secrète qui agit dans la totale illégalité. La compétition économique internationale en est faussée à la base. Les forces de sécurité et la justice ont bien du mal à les cerner, ce qui les rend encore plus redoutables. Le crime chinois organisé est désormais en cheville avec une partie des autorités : la corruption est devenue un système endémique.

Commentaire :
Un regard pénétrant et pertinent par un ancien officier de renseignement particulièrement averti sur ces sortes de mafias chinoises redoutables en plein développement et qui représentent un danger vital pour les économies occidentales. L’auteur est membre de l’ASSDN.




Jean Deuve (biographie)

Grand nom du renseignement militaire, le colonel Jean Deuve est l’un des « as » des services secrets français. Jeune aspirant, il combat vaillamment dans les Ardennes à la tête de ses tirailleurs sénégalais et voit son nom inscrit au « Mémorial de l’Empire ». Affecté en Afrique de l’ouest après l’armistice, il est repéré par les Britanniques qui l’envoient suivre un an d’entraînement aux Indes au sein de la fameuse Force 136, celle-là même qui fit sauter le pont de la rivière Kwaï. Parachuté au Laos en janvier 1945, Jean Deuve organise la lutte contre les Japonais et devient gouverneur de province à 27 ans. Il fonde la Police royale laotienne et a la haute main sur les services de renseignement du royaume pendant deux décennies. Responsable important du Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE) dans les années 1970-1980, il est un témoin incontournable des relations internationales de la guerre froide.

Commentaire :
Le Colonel Deuve, l’un de nos grands anciens, témoin incontournable de la guerre froide puis auteur de nombreux livres sur sa période de combats si particuliers au Laos, sur la désinformation et les stratagèmes, sur le renseignement normand au temps de Guillaume le Conquérant et bien d’autres encore.
Un livre également passionnant.




Les services secrets en Indochine

L’affaire de l’opium, le trafic des piastres, les drames de Diên Biên Phu ou de la RC4, le “Roi Jean” : dans tous ces épisodes, les services de renseignement français ont joué un rôle majeur. Lorsque le corps expéditionnaire français débarque sur les quais de Saigon, le commandement ignore qu’il s’engage dans un conflit de huit années. La guerre que les Français vont mener dans les villes, les rizières ou les montagnes calcaires de la Haute-Région n’a rien à voir avec les guerres européennes qu’ils connaissent.

Les services français vont devoir réinventer leurs techniques et méthodes pour réduire l’influence de leur adversaire, aussi bien les divisions de choc du corps de bataille de la République démocratique du Viêt Nam, que les agents, membres des comités d’assassinats, qui sèment la terreur dans les villes et campagnes d’Indochine. Le 2e bureau, le SDECE, la Sûreté doivent faire preuve d’une grande ingéniosité : ils écoutent et décryptent les communications, ils intoxiquent les services adverses, épient les mouvements de l’adversaire. Ils dirigent des centaines d’agents et d’informateurs qui doivent s’infiltrer en territoire contrôlé par le Viêt-minh. Parfois, ils se compromettent gravement pour pallier leur manque de ressources ou pour trouver des informations auprès de “rebelles” qui ne souhaitent pas les leur livrer : guerre de l’opium, emploi de la torture, etc. Les officiers de renseignement croisent sur leur route les “alliés” des autres services occidentaux et en premier lieu les “Américains pas toujours tranquilles” de la jeune CIA qui font leur apprentissage de la guerre au Viêt Nam. Entre les services, la coopération s’accompagne de suspicion. Les services en Indochine constituent un vaste archipel du renseignement décrit pour la première fois avec précision par un historien ayant eu accès à de nombreuses archives inédites.

Commentaire :
Livre très intéressant sur le renseignement et ceux qui l’ont servi en Indochine alors que l’organisation n’était pas encore ce qu’elle est devenue par la suite. Il est dommage que le traitement des sources humaines par l’officier de renseignement soit vu au travers du prisme déformant de la torture. Méconnaissance du métier certainement. Son auteur fut l’un de nos conférenciers lors de notre Congrès national de Dijon.




Parachutages, Atterissages Clandestins (1940-1944)

Ce deuxième volume de la collection Résistance est consacré aux parachutages et aux pick-up d’agents de 1940 à 1944. C est une fresque saisissante de ces opérations et un vigoureux hommage aux héros de la Résistance que l’auteur brosse ici, s’appuyant à la fois sur son importante documentation personnelle, l’amitié des vétérans et la proximité avec de nombreux conservateurs de musées à travers toute l’Europe. La rigueur de la reconstitution, la précision des informations, tant sur les méthodes que sur les matériels, et la richesse de l’iconographie répondront aux attentes des amateurs les plus éclairés. Mais c’est avant tout des parcours de vie que chaque lecteur peut ainsi découvrir plus intimement, depuis les exercices de formation en Angleterre et l’attente du départ jusqu’aux sacrifices librement consentis dans l’accomplissement de la mission.

Commentaire :
Livre remarquable par cette fresque saisissante que l’auteur dépeint de ces opérations clandestines qui se sont multipliées au fil des années de guerre. Tout y est décrit en homme de l’art, avec fidélité et réalisme ainsi qu’une abondante et passionnante iconographie. L’auteur est membre de l’ASSDN.




Les Services Spéciaux de la Défense Nationale pendant la guerre 1939-1945 (SR Terre)

Le S.R. TERRE

Au moment où un peu partout sont célébrées les grandes dates de là récente Histoire de France, il nous a paru nécessaire de rappeler à nos adhérents l’oeuvre accomplie par les Services Spéciaux de la Défense Nationale et, particulièrement, par les S.R. « Terre », « Air », « Marine »,
De nombreux Bulletins précédents ont consacré au C.E. et à la S.M. de longues pages et nous ne reviendrons pas, du moins pour l’instant, sur l’action (les Services de Sécurité Militaire et des T.R. au cours de la dernière Guerre Mondiale.

Nous commençons donc aujourd’hui par la publication d’un travail effectué par le Colonel SIMONEAU et qui porte sur le Service de Renseignements de l’Armée de Terre et son Réseau clandestin « Kléber ».

LE S.R. DE L’ARMEE DE TERRE

Le souci du renseignement a toujours hanté les Chefs d’Etat. Sous l’Ancien Régime, les Rois de France ou leurs Premiers Ministres ont toujours eu un cabinet noir, et ont employé à des missions spéciales précises, des personnages dont la petite histoire surtout a conté les aventures plus ou moins romancées.
Ce n’est que sous le Premier Empire et pour des fins aussi bien opérationnelles que politiques, que le besoin d’une organisation se fit sentir.
Le Baron VIGNON reçut en effet mission de créer et de mettre en oeuvre un Service secret chargé de la recherche et de la centralisation du renseignement, l’Empereur se réservant personnellement l’interprétation et l’exploitation.
De 1814 à 1870 on reprit les errements antérieurs, mais en présence, du danger que constituait le Reich allemand, et dans un but préventif on créa en 1873 au 2ème Bureau de l’E.M.A., une section de recherche qui, avec des fortunes diverses répondit à ce que le haut commandement de l’Armée française en espérait, et qui par la suite fut appelée couramment le « S.R. ».

Lors de l’entrée en guerre de 1914 le S.R. comptait, face à l’Allemagne trois postes installés respectivement à Mézières, Nancy et Belfort, mais ce dernier mieux placé à l’aile du dispositif des Armées, absorba les moyens des deux autres, et renseigna constamment le commandement sur le potentiel de guerre du Reich, et sur les activités de ses grandes unités au-delà des fronts de contact.
La victoire de 1918, la création de la S.D.N., les conférences de désarmement, la limitation des forces allemandes à une Reichwher de cent mille hommes, l’activité des commissions de contrôle, tout cela diminua considérablement l’audience que le S.R. avait su acquérir pendant les hostilités.
Il fallut l’avènement d’HITLER à la tête du Troisième Reich, et la création de l’Axe pour qu’en face du nouveau danger, on se décidât à donner au S.R. des moyens mieux adaptés à la situation.

1939- 1940

L’Anschluss de l’Autriche, l’affaire des Sudètes, l’occupation totale de la Tchécoslovaquie, les préparatifs face à la Pologne, la construction de la ligne Siefried, qui s’inscrivaient dans le temps avec le triplement du nombre des grandes unités, la création d’une force offensive de Trois Corps d’Armée (XlVe, XVe, XVIe) groupant les divisions motorisées, mécanisées et blindées, accrue par la mise sur pied de deux C.A. en Autriche et un en Tchécoslovaquie furent suivis de près et signalés, dès les premiers indices, dans les délais les plus courts par le S.R. qui au 1er septembre 1939 comprenait :

– Une Direction Centrale, articulée :
– Section de Commandement,
– 3 Sections géographiques (1),
– 1 Section scientifique et économique,
– 1 Section moyens techniques et recherches,
– 1 Section radio, photo, correspondances spéciales,
– 1 Section Marine,
– 1 Section Air.
– Six postes principaux :
– BENE à Lille, – BREM à Metz,
– SCM à Belfort, – SER à Marseille,
– SDRC à Toulouse, – SEA à Alger,
ayant une composition à peu près semblable à celle de la Direction centrale mais avec une seule section géographique, la mission étant à la fois définie et localisée (2).

Chaque poste actionnait un nombre variable d’annexes légères à proximité des passages de frontière.
– Des postes extérieurs installés dans la plupart des capitales.
Ce dispositif toutefois devait être remanié dès l’entrée en guerre, en raison de la création d’un « front » en principe imperméable. Le BREM de Metz se dessaisit d’une partie de ses moyens, au profit de deux postes d’aile BENE et SCM et de certains postes extérieurs, et devint BREP, poste accolé à l’échelon central.

Le BREP, enrichi d’une importante section économique et scientifique, fut chargé de la recherche à longue portée, en utilisant les plateformes constituées par les pays non belligérants.
Cette organisation permettait de répondre aux besoins de la conduite des opérations, et compte tenu du tempérament du Führer, un accent particulier fut mis sur tous les indices de préparatifs offensifs.

Le regroupement de troupes de toutes armes autour des formations blindées des W.K. (régions territoriales du Reich), l’accélération de l’instruction dans les camps, le remplacement dans les unités statiques d’hommes jeunes par des recrues âgées (3), signalés opportunément, montrèrent au Commandement que les Nazis n’avaient nullement l’intention de se limiter aux succès remportés sur la Pologne, et à des joutes oratoires par le truchement de Radio – Stuttgart.

Le rassemblement de forces importantes au Sud du Jutland, signe avant-coureur de l’invasion du Danemark, puis de la Norvège, bien que signalé au fur et à mesure de son exécution parut invraisemblable.

Il en fut de même plus tard, lorsque de plusieurs sources, on connut le déploiement de nombreuses formations blindées dénombrées et identifiées devant les frontières hollandaise, belge et luxembourgeoise.

Pendant la retraite de mai – juin 1940, le BREP absorba la plupart des éléments S. R. repliés du Nord, et tout comme ses voisins BENE et SCM mena le difficile combat du renseignement en manoeuvre rétrograde.

La bataille était perdue, mais le contact de l’adversaire par le renseignement était étroitement maintenu.

JUIN 1940 – NOVEMBRE 1942

La situation de fait créée par l’armistice de juin 1940 ne modifia en rien l’activité du S. R. dont le principal objectif resta la Wehrmacht.

La ligne de démarcation qui coupait la France en deux ne fut pas longtemps une gêne. Elle favorisa la réorganisation du Service et le resserrement des liaisons avec les alliés.

Le jour même où l’armistice devenait effectif, des postes légers fonctionnaient déjà à Saint-Justin (Landes), Langon (Gironde), Périgueux (Dordogne), Châteauroux (Indre), Mâcon (Saône-et-Loire).

Le 15 juillet, l’ensemble du S. R. avait repris dans la clandestinité une activité normale.

Direction P 1 Vichy-Chamalières (Puy-de-Dôme )
P 2 (ex. BREP) Vichy
P 3 (ex. BENE) Limoges
P 4 (ex. SCM) Lyon
P 5 (ex. SER) Marseille
P 6 (ex. SDRC) Toulouse
P 8 Rabat
P 9 Tunis
P 10 (ex-SEA) Alger
P 12 Liban-Syrie

Le 1er août 1940 des antennes étaient déjà en place à Paris, Marmande, Montmorillon, Châteauroux, La Madeleine (Moulins), Chalon-sur-Saône, Mâcon.

Le nombre de ces antennes se multiplia progressivement tant en zone occupée que sur la ligne de démarcation, et en juin 1941, grâce à un jeu de « boîtes aux lettres » et de filières d’acheminement dues à des concours bénévoles, les bulletins de renseignements parvenaient à destination souvent plus rapidement que par les voies régulières.

Malgré un camouflage très poussé l’ordre de bataille de la Wehrmacht était entièrement connu.
Quant aux mouvements de troupe et de matériel par voie ferrée, ils étaient signalés par les ingénieurs et cadres de la S.N.C.F. avant leur exécution avec toutes les précisions de dates et lieux d’embarquement, de débarquement ou de dernier transit vers des destinations lointaines (4).

Les ingénieurs des P.T.T. affectés aux lignes souterraines à grandes distances permirent malgré de gros risques, d’intercepter les communications téléphoniques protégées du commandement allemand. Cette opération (5), réalisée à Noisy-le-Grand puis à Livry-Gargan, sous la dénomination de « source K » donna des résultats exceptionnels en quantité et en qualité.

Pendant toute l’année 1942 (6) . un simple accident causa sa fin, car sa réalisation ne fut jamais détectée par les services secrets allemands. Création, identification, localisation, mouvements de grandes unités, mise au point de matériels nouveaux, activités de la Gestapo, inquiétudes et récriminations du Haut Commandement, étaient devenus une pâture quotidienne dont nos alliés étaient les grands bénéficiaires, grâce à des liaisons sûres et rapides.

Outre les liaisons régulières clandestines (radio, courriers spéciaux)
sur lesquelles nous ne nous étendrons pas par discrétion, l’essentiel des renseignements recueillis par le S. R. (comme par le C.E. d’ailleurs), était instantanément acheminé chez les alliés par les voies ci-après :

– Délégation des U.S.A. à Vichy Major Bob SCHOW, Capitaine de Vaisseau SALABOT.
– Délégation des U.S.A. à Berne Attaché Militaire LEGGE.
– Ministre du Canada à Vichy : M. DUPUIS, Capitaine Aviateur CASSIDI .
Enfin, les valises diplomatiques étaient largement utilisées. Nous citerons pour mémoire simplement celle qui s’est rendue au Portugal, acheminée de temps en temps par l’actuelle Mme BIDAULT.

NOVEMBRE 1942 – AOUT 1944

L’occupation totale du territoire donna lieu à des remaniements importants dans le S.R. de l’Armée de Terre.

Les postes et leurs antennes passèrent dans la clandestinité totale ; les personnels qui faisaient l’objet de recherches précises de la Gestapo furent dirigés sur l’A.F.N. ; la Direction centrale se transporta à Alger avec son Chef le Colonel Louis RIVET. Cet exode a fait l’objet de récits dans nos précédents Bulletins (tel le Bulletin n° 5). Nous n’y reviendrons pas.

Le transfert était indispensable. Il ne fut réalisé qu’à la dernière limite du possible, après mise en place du Central clandestin (KLEBER) que dirigeait le Colonel DELOR et l’adaptation des liaisons radio à la situation nouvelle.

Les ressources en personnel qualifié, existant en A.F.N. furent rapidement drainées pour faire face aux impératifs nouveaux :

– Liaison avec le Commandement français et allié d’A.F.N. ;
– Participation effective à la campagne de Tunisie ;
– Préparation des campagnes futures ;
– Intensification des liaisons avec la France clandestine, et avec les postes extérieurs (ceux-ci officiellement couverts par le Gouvernement de Vichy purent continuer de remplir leur mission, sauf celui de Bucarest qui rompit dès le 8 novembre 1942. L’acheminement des renseignements put se faire sans perte de temps grâce à la complaisance des Alliés, et à la tolérance des autorités locales ;
– Utilisation intensive de la plateforme ibérique ;
– Liaison avec les S.R. alliés (U.S. : Colonel EDDY ; GRANDE-BRETAGNE : Brigadier CODRINGTON ; POLONAIS : Colonel SLOWIKOWSKI).

Ainsi s’installa à Alger, rue Charras, dès la fin de 1942, la Direction des S.R. et S.M., rattachée
directement au Commandant en Chef, le Général GIRAUD, installé au Palais d’Eté. Le Colonel du CREST de VILLENEUVE prit la direction du S.R. TERRE, le Colonel RONIN celle du S.R. AIR, le Capitaine de Corvette TRAUTMANN la direction du S.R. MARINE.

Le 3 janvier 1943, le Commandant PAILLOLE prenait à son tour la direction des Services de Sécurité Militaire et de C.E. et s’installait à EL-BIAR (Villa Jaïs) où déjà le Lieutenant-Colonel CHRETIEN dirigeait les services de C.E. d’A.F.N.

Aucun problème majeur ne se présenta par rapport au Commandement et aux Alliés, les chefs du S.R. bénéficiant déjà d’une large audience. Les crédits financiers, aériens et maritimes nécessaires furent obtenus sans la moindre difficulté.

***

Le poste de TUNIS, sous l’autorité du Lieutenant-Colonel KIEL s’installa au KEF pour là campagne de TUNISIE et découpla des antennes à BEJA, TEBOURSOUK, MAKTAR, THALA.

En outre, deux missions clandestines, respectivement aux ordres des Capitaines LACAT et PERRUSEL fonctionnèrent sur les arrières ennemis.

Par leur activité, ces éléments, auxquels il convient d’ajouter les moyens techniques de recherche du Commandant BLACK, installé à Alger, permirent un contrôle permanent de la 5ème Armée, et des débris de l’Afrika Korps, avec pour aboutissement la reddition en rase campagne du Général von ARNIM.

Renforcée par quelques officiers évadés de France, la Direction du S.R. fut à même de créer une section d’instruction et de montage d’opérations clandestines, dont la CORSE, la SARDAIGNE et l’ITALIE, furent les premiers objectifs. Ce furent les missions : DESAULE, CHOPITEL. GRIFFI, COLONNA D’ISTRIA, entre autres.

Des antennes opérationnelles, adaptées respectivement aux C.E.F. du Général JUIN (Capitaine WEIL, Lieutenants ZUNDEL, SIMA, FREY, ROCARD) et au détachement de libération de la Corse (Capitaines HAGE, ZIMPFER, LOECHER), outre leur part indéniable aux succès, lancèrent une série de missions sur l’île d’Elbe et l’Italie du Nord.

Mais la préparation des opérations de libération du territoire national resta la préoccupation principale des chefs du S.R. à Alger. Leur atout maître était le S.R. clandestin KLEBER.

Après l’éphémère direction du Colonel DELOR, celui-ci avait subi, en 1943, quelques coups durs (arrestations des Colonels LOMBARD, PELLISSIER, BERTRAND, Commandants HENRY, SCHMITT, Capitaines MAUER, BOUREAU, MISOFFE, notamment) et le problème de son commandement s’était posé à deux reprises. Finalement c’est au Commandant LOCHARD qu’échut cette lourde responsabilité. Jeune, mais déjà chevronné, prudent, bon technicien, celui-ci avait pris, en accord avec Alger, des dispositions qui lui permettaient de faire face aux besoins des forces alliées dans la triple éventualité de débarquements simultanés ou successifs sur les côtes de la Manche, de l’Atlantique ou de la Méditerranée.

Il lui fallait compléter et étoffer son dispositif, ce qui fut fait en implantant par atterrissages clandestins, parachutages, voie sous-marine, ou voie terrestre via Espagne, des équipes nouvelles bien pourvues en moyens de travail, et disposant de refuges sûrs.

Ainsi furent lancées d’Alger ou de Londres, sept missions de septembre 1943 à juin 1944 : « GALLIEN », couloir Rhodanien ; « ISIDORE », Bourgogne, Franche-Comté ;« PERNOD », Bourbonnais, Charolais ; « PIERRE », Plateau Central ; « CATINAT », Hautes et Basses-Alpes, Isère, Drôme ; « SCALA », Ile-de-France, Normandie ;« PANZER », Poitou, Charentes, Aquitaine. Deux autres au début d’août 1944 :« JORXEY », Doubs, Haute-Saône, Belfort ; « CAROLLES », Jura, Doubs.

L’hypothèse d’un débarquement en péninsule balkanique n’était pas écartée. Toutefois ce territoire dont la situation politique était encore incertaine était l’apanage des grands alliés. Il n’y fut envoyé que deux missions dans la région de LJUBLIANA, en complément de celles qui opéraient en Italie du Nord et en vue de pénétrer le dispositif allemand dans la partie sud du Reich.

L’acheminement des courriers, les liaisons d’officiers complétant des contacts radio pratiquement permanents en dépit des activités allemandes de repérage par radio – goniométrie, permirent au Haut Commandement allié de choisir en toute connaissance de cause, les lieux et dates des débarquements. Les organisations de défense côtière étaient connues du S.R. Terre dans tout leur détail, ainsi que l’ordre de bataille des armées d’occupation, de sorte que les débarquements du 6 juin 1944 et du 15 août en Normandie et en Méditerranée connurent une fortune qui combla les espérances les plus optimistes.

AOUT 1944 – MAI 1945

La continuité de la recherche était un impératif, comme aussi la jonction effective avec les équipes clandestines et la liaison permanente avec la Sécurité Militaire (opérationnelle et territoriale) et les équipes C.E. (T.R.).

La création du S.R.O. (S.R. Opérations), formation de marche du S.R. fut ainsi décidée en mars 1944. Le Commandant SIMONEAU eut la charge de cette lourde responsabilité.

Débarqué avec les premiers éléments de l’Armée de LATTRE, le S.R.O. ne comprenait initialement que trois antennes provenant des éléments qui opéraient en Italie et en Corse (un détachement léger aux ordres du Capitaine DOUIN opéra en outre à la demande des alliés avec la T. Force U.S.).

Dès la libération de Marseille, il se grossit des équipes clandestines dont la mission était achevée et qui furent rapidement adaptées à la recherche en guerre de mouvement.

La jonction avec le S.R. KLEBER devint effective à l’arrivée de l’Armée à Mâcon.

La stabilisation de la Première Armée à BESANÇON permit de réaliser:


– Une intégration plus étroite des anciennes équipes clandestines
– Une mise en place d’agents dans la trouée de Belfort et en Haute Alsace
– L’adaptation d’une importante équipe à la VII e Armée U.S. (S.D.A.7) ;
– L’établissement d’une liaison avec une formation du S.R. français de Londres (Colonel RETHORE) qui opérait avec la III e Armée U.S.
– La création d’un centre d’instruction et d’une section de recherche du renseignement scientifique – L’utilisation de la plateforme helvétique pour la pénétration en Allemagne du Sud.

L’adaptation des antennes à toutes les grandes unités engagées s’avéra particulièrement efficace, tant pour la diffusion du renseignement, que pour la mise en place des agents par infiltration, ou pour le recueil de ceux-ci.

Une antenne fut laissée sur le front des Alpes et une autre participa aux opérations du front Atlantique.

Bien que disposant de l’O.S.S. – G2, le Commandement américain qui constatait la qualité des renseignements portant l’attache du S.R.O., donna les plus grandes facilités matérielles aux éléments français qui opéraient dans sa zone et qui initialement n’étaient adaptés qu’à la 2ème D.B. du Général LECLERC.

Il fallait faire vite. Profitant de la confusion qui régnait en Allemagne, des agents (transfuges de la Wehrmacht et volontaires français) furent poussés jusqu’au coeur du Reich, mais la nécessité de recueillir le renseignement et de le transmettre dans les plus courts délais amena certains officiers à pousser des pointes audacieuses à l’intérieur du dispositif ennemi, et même à prendre des initiatives particulièrement risquées.

Le 8 mai 1945, le S.R.O. partout en liaison avec les S.M. ou le C.E. était déployé comme suit :

– P.C. arrière : KARLSRUHE ;
– P.C. avant : UBERLINGEN ;
– Antennes à: CONSTANCE, LINDAU, DORNBIRN, FELDKIRCH, BERCHTESGADEN, DEGERLOCH, LEIPZIG.

Ce dispositif, par la suite, fut réajusté en raison de :
– La répartition des zones d’occupation entre les Alliés ;
– La démobilisation du personnel appartenant aux réserves ;
– La création d’un S.R. en zone française d’occupation en Autriche ;
– L’envoi de volontaires en Indochine.

Au 1er août 1945, transporté à Baden-Baden, le S.R.O. devenu direction du S.R. en Allemagne était articulé en deux sous-directions :

– S.D. Nord : à LANDAU (PFALZ) ; Antennes : à COBLENCE – WORMS.
– S.D. Sud : à SCHEWENINGEN (WURTEMBERG) ; Antennes : à TUBINGEN (DORNBIRN).

Pendant ce temps, à Paris, la Direction Générale des Services Spéciaux (D.G.S.S.), dirigée par M. SOUSTELLE, s’était installée fin août 1944, boulevard Maunoury et boulevard Suchet.

Des considérations qui n’avaient rien à voir avec la technique de la Recherche du Renseignement avait peu à peu écarté de leurs postes les anciens chefs des S.R. Guerre et Aviation (7).

Une organisation nouvelle « chapeautait » les Services Spéciaux sur l’impulsion des Colonels DEWAWRIN et MANUEL.

En fait, les éléments centraux des anciens S.R. s’étaient effacés au bénéfice des équipes du B.C.R.A, de Londres et d’Alger. Seul le C.E. (S.M. et T.R.) avait conservé la direction et la structure mises sur pied à Alger par le Commandant PAILLOLE.
Rattachés à la Présidence du Conseil, et non plus au Commandement en Chef, les Services Spéciaux devaient encore subir dès 1945 une transformation profonde.
La guerre s’achevait.

La D.G.S.S. disparaissait à son tour et faisait place à la D.G.E.R. (Direction Générale des Etudes de Recherches), sous la Direction du Colonel DEWAWRIN (PASSY).
Plus tard encore la D.G.E.R. devait laisser la place au S.D.E.C.E.

CONCLUSION

La meilleure conclusion qui puisse se tirer de l’exposé précédent est sans aucun doute de tenter de résumer les résultats obtenus.

Nous empruntons au Général NAVARRE, ancien chef de la Section Allemande du S.R. et du Deuxième Bureau du Général WEYGAND, l’exposé succinct qui suit :

I. – Résultats obtenus avant la guerre

Le S.R. disposait d’un remarquable réseau d’informateurs. Certains admirablement placés.
La plupart avaient été recrutés de longue date, certains même pendant l’occupation de la rive gauche du Rhin, après 1918. Ils continuaient à travailler malgré les conditions très difficiles créées par l’avènement du nazisme. Le recrutement, depuis 1935, était devenu très ardu, mais continuait.

La reconstitution de l’armée allemande a été suivie du début à la fin sans aucune lacune dans aucun domaine.

Les grands événements politico-militaires ont tous été décelés à temps, et la plupart avec une très grande précision.

Le Commandement français et par conséquent le Gouvernement en furent avisés dans des conditions de temps permettant les meilleures exploitations :

– Réoccupation de la rive gauche du Rhin ;
– Anschluss ;
– Occupation de la Tchécoslovaquie ;
– Tractations russo-allemandes ;
– Concentration sur la Pologne ;
– Menace sur Dantzig, etc. etc.

Au surplus toute cette phase de l’activité du S.R. apparaît parfaitement dans le livre du Chef du Deuxième Bureau de l’Etat-Major de l’Armée de cette époque, le Général GAUCHE :« Le Deuxième Bureau au travail ».
Nul témoin n’était plus qualifié pour informer l’opinion de l’oeuvre magistrale accomplie avant la guerre par le S.R.

II. – Résultats obtenus pendant la « drôle de guerre »

S’il était besoin d’un témoignage irréfutable de l’action du S.R., pendant cette période, il conviendrait de se reporter aux archives de la Cour de Riom. Le Président CAOUS et le Procureur Général CASSAGNEAU ont confirmé les indications qui vont suivre et rendu un éclatant hommage à la clairvoyance du S.R.

– La mobilisation de l’armée allemande a été suivie unité par unité, sans aucune lacune ni erreur.
– Il en fut de même de la concentration des unités allemandes face à la Pologne, d’une part, à la France, au Danemark, à la Belgique et à la Hollande, d’autre part.
– La répartition des forces a toujours été parfaitement indiquée au Haut Commandement Français, pendant la campagne de Pologne, pendant l’intervalle des campagnes de Pologne et de France.
Le transfert vers l’Ouest des grandes unités ayant pris part à la campagne de Pologne a été suivi intégralement par le S.R. Français, sans que jamais une grande unité allemande eût été perdue de vue pendant plus de 24 heures.
– Le dispositif allemand à la veille du 10 mai 1940 était connu dans les moindres détails, ainsi que les possibilités de manoeuvre qu’il portait en germe.
– La date et le lieu de l’attaque du 10 mai 1940 ont été communiqués au Commandement Français avec quelques réserves dès la fin mars 1940, et, avec certitude dès avril 1940.
– La constitution des armées de terre et de l’air allemandes a été tenue à jour sans lacune et cela aussi bien pour leur composition que pour leur équipement et leurs armes, et, pour si paradoxal que cela puisse paraître, le S.R. français a donné de l’armée allemande une description plutôt surévaluée : c’est ainsi que le nombre de chars des divisions blindées allemandes a été surévalué de 10 à 15 %, du fait que les sorties d’usine étaient en retard sur les prévisions.
– Au cours de la campagne de France l’essentiel des mouvements allemands a été identifié de bout en bout. En particulier chaque division blindée a été suivie sans aucune erreur grâce à l’interception et à l’exploitation de tous les messages de commandement des grandes unités allemandes. Ainsi purent être annoncées et décrites : l’attaque sur la Meuse, la marche vers la Manche, les regroupements en vue des attaques sur la Somme, en Champagne, etc., etc.

Il est permis d’affirmer avec le Général WEYGAND et la Cour de Riom, que le S.R. a admirablement rempli sa mission et qu’il n’a aucune responsabilité dans le désastre de 1940.


III. – Résultats obtenus pendant l’occupation

Jamais le travail sur l’Allemagne et l’Italie n’a été interrompu, ni diminué le rendement du S.R. L’ordre de bataille de l’ennemi fut constamment tenu à jour avec une précision quasi absolue.

L’acharnement de l’Abwehr et de la Gestapo à poursuivre et à détruire les postes du S.R. KLEBER, serait s’il le fallait, une preuve supplémentaire de l’efficacité du S.R. TERRE et de l’aide décisive apportée par lui au Haut Commandement allié jusqu’à la Libération du Territoire.

Ainsi il est possible d’affirmer que le S.R (et le C.E.) ont été les premiers en date des réseaux de résistance et nous ajoutons que ce ne fut que normal.

***
Il nous paraît intéressant, à propos de cette période de l’action S.R. dont l’utilité a été si souvent contestée par les détracteurs de nos Services, de compléter l’exposé du Colonel SIMONEAU par ce témoignage (8) du Général WEYGAND – en date du 31 mars 1949. Nous le devons à l’obligeance du Colonel GASSER :


« …Les Services de Renseignements ayant été supprimés par les Allemands, il n’existait officiellement à mon Etat-Major qu’un Deuxième Bureau (dirigé par le Commandant NAVARRE).
Le S.R. était donc clandestin…
Il y fonctionnait un système ayant pour but de transmettre dans les plus courts délais à la force d’intervention de Malte tous les renseignements recueillis par les postes établis sur la côte orientale de Tunisie et par l’aviation de Tunis sur les convois allemands et italiens se dirigeant vers la Tripolitaine en suivant les côtes françaises. Les renseignements transmis furent nombreux et aboutirent à la destruction d’un certain nombre de ces navires.

NOTES :

(1) A – Allemagne – Europe centrale. B – Italie – Europe méridionale – Méditerranée. C – U.R.S.S. – Japon – Chine.
(2) Priorités pour les 3 premiers postes :
BENE 6° et 10° W:K. (de MUNSTER et BREME).
BREM 12, et 9° W.K (de MAYENCE et KASSEL.
SCM 7° et 5° W.K. (de MUNICH et STUTTGART).

(3) Personnels qui par suite du traité de 1919 n’avaient pas fait de Service Militaire.

(4) Les transports routiers de ravitaillement étaient imposés dans la plupart des cas aux transporteurs routiers français. Ceux-ci groupés en C.O.T.R. (Comité d’Organisation des Transports Routiers) sous la présidence de M. Robert SIMON, se mirent spontanément à la disposition du S. R.

(5) Conception et réalisation Ingénieurs COMBAUX et KELLER. Exploitation JUNG, ROCARD, RIESS.

(6) La source « K » ne fut découverte que le matin de Noël 1942 par un détachement de Landesschützen qui prospectait des cantonnements.

(7) Le Général Louis RIVET a largement exposé dans des Bulletins antérieurs les conditions souvent décevantes et irritantes de ces transformations.

(8) Témoignage et documents recueillis par la Commission d’Enquête parlementaire (Tome VI, pages 1660 et 1661).

Sources : Bulletins N° 43 et 44




Histoire des services secrets de la France libre : Le bras armé du général de Gaulle

Dès juin 1940, une poignée de Français choisissent de continuer le combat depuis Londres sous les ordres du général de Gaulle. Mais la poursuite de la guerre est un pari audacieux quand manquent les moyens humains, financiers et matériels. Tout est à inventer, ou presque. C’est dans cet esprit que le colonel Passy organise le Bureau central de renseignements et d’action (BCRA). Son objectif est triple. D’abord, recueillir des renseignements sur ce qui se passe en France. Puis, très vite, soutenir la lutte de ceux qui ont choisi de résister en métropole, exploiter leur potentiel militaire et enfin, bon gré mal gré, leur imposer la tutelle de l’homme du 18 Juin.

Grâce à des archives exceptionnelles (celles du BCRA en France, celles du SOE en Angleterre et celles de l’OSS aux Etats-Unis), cet ouvrage retrace l’aventure de personnages hors du commun qui ont marqué de leur empreinte l’histoire des services secrets de la France libre : le colonel Passy, le colonel Rémy, Jean Moulin, Pierre Brossolette, Roger Wybot (futur patron de la DST), André Manuel, Pierre Fourcaud ou Honoré d’Estienne d’Orves. Il nous entraîne au coeur de ces services et met en lumière leurs relations avec le Général, mais aussi leurs rapports souvent tumultueux avec leurs partenaires britanniques et américains. A travers de multiples informations inédites et des documents jusque-là inaccessibles au public, il démonte la légende noire qui a parfois occulté le formidable apport du BCRA à la victoire alliée et nous fait découvrir toutes les facettes de son rôle dans la lutte pour la Libération de la France.

Commentaire :
Très beau livre écrit en collaboration avec le Ministère de la Défense – DMPA-DGSE sur “ le bras armé du Général de Gaulle ” comportant une
magnifique iconographie et de nombreuses reproductions de documents.




Les Services Secrets Français Sont-Ils-Nuls ?

Les bouleversements géopolitiques majeurs survenus depuis la chute du mur de Berlin, puis les attentats du 11 septembre 2001 ont profondément accru le niveau d’incertitude de la vie internationale et les menaces qui pèsent sur nos sociétés. Logiquement, le rôle du renseignement s’en est trouvé renforcé pour la sécurité des États. En conséquence, dans la majorité des pays occidentaux, les moyens attribués aux services ont été considérablement renforcés, illustration du rôle de plus en plus déterminant qu’ils jouent pour détecter les menaces.

Commentaire :
Livre au titre provocateur et controversé mais également intéressant à lire car son auteur apporte un démenti, un contre-pied au fil des pages à cette question déconcertante. L’étude est étayée, l’argumentation convaincante et l’historique fidèle notamment pour l’action de nos services pendant la guerre.




La flamme de la résistance : Les 5 communes de la Libération

Qu’ont donc en commun la capitale de la France, celle du Dauphiné, un village du Vercors, la plus grande métropole de Bretagne et une petite île du Finistère ? Avoir été honorés par la plus rare et la plus prestigieuse décoration française de la Seconde Guerre mondiale : la croix de la Libération. Aujourd’hui, ces communes portent témoignage pour les générations futures de leur combat, des crimes commis par l’occupant nazi et le régime de Vichy et des hauts faits qui leur ont valu d’être nommées compagnon de la Libération ainsi que 1038 hommes et femmes et 18 unités combattantes.

Commentaire :
Alors que l’Ordre de la Libération a transmis le 16 novembre dernier le flambeau de sa pérennité aux cinq communes Compagnon (Nantes, Grenoble, Paris, Vassieux-en-Vercors, Ile-de-Sein), ce livre magnifique édité par Jean-Pierre Taillandier, fils de Morhange, est véritablement la bible de cette mémoire. L’ASSDN y est honorée en figurant nommément dans la liste des 10 fondations et associations qui ont pour mission, avec d’autres, de transmettre la mémoire et l’histoire de la Seconde Guerre Mondiale.




Quelles conséquences géopolitiques de l’affaire Farewell ?

Le 9 novembre 2012 s’est tenu à l’amphithéâtre Foch de l’École militaire, un colloque universitaire consacré aux conséquences géopolitiques de l’affaire Farewell qui a rassemblé un auditoire de plus de 700 personnes, dont nombre de personnalités, de membres ou d’anciens des Services de Renseignement et surtout 170 étudiants de troisième cycle.

Présidé par Olivier Forcade, professeur des Universités à l’Université de Paris IV-Sorbonne et au séminaire d’histoire des relations internationales, ce colloque était placé sous l’égide de l’ANAJ-IHEDN(1), à l’instigation de l’ASSDN et de la Société française d’Histoire de la Police avec le concours du groupe de réflexion METIS de Sciences-Po, du groupe Intelligence économique de HEC et le soutien, en “ sponsor ”, de la société McAfee. Managé par Bruno de Blignières sur une idée de Patrick Ferrant il visait en particulier des étudiants en master ou de formation équivalente avec un thème particulièrement intéressant, à savoir les conséquences géopolitiques d’une grande affaire d’espionnage, Farewell, et l’exploitation par les États-Unis et par la France des informations recueillies (près de 3 000 documents).
Profitant d’un séjour en Europe de Richard Allen, ancien conseiller pour la Sécurité nationale du Président Reagan au moment de l’affaire, il lui a été proposé de venir à Paris le 9 novembre, date mythique de la chute du Mur de Berlin et d’être le personnage central de ce projet qui a pu se réaliser grâce au soutien de l’ANAJ-IHEDN et de son secrétaire général, François Mattens dans le grand amphi Foch de l’École militaire.

Le professeur Olivier Forcade, bien connu pour ses travaux sur l’histoire du renseignement(2), a estimé que ce sujet entrait tout à fait dans le cadre des activités du séminaire d’histoire des relations internationales de la Sorbonne. Autour de Richard Allen et de lui-même, ont été réunis intervenants témoins et/ou acteurs de l’époque : le Colonel Patrick Ferrant, le Commissaire-divisionnaire Raymond Nart, ancien responsable du contre-espionnage et directeur adjoint de la DST, Daniel Vernet ancien journaliste duMonde qui était en poste à Moscou à l’époque, ainsi que Françoise Thom soviétologue, maître de conférence à la Sorbonne, Maître Bertrand Warusfel, professeur des Universités à l’Université Lille 2, avocat à la cour, expert en matière de renseignement et d’Intelligence économique dans le domaine juridique et législatif et enfin David Grout de la société McAfee, spécialisée dans la sécurité informatique et la Cyber défense. Compte-tenu du caractère universitaire du colloque, les interventions ont porté exclusivement sur les conséquences géopolitiques de l’affaire à l’exclusion de tout aspect opérationnel, ce qui pouvait être rendu public sur le sujet l’ayant déjà été.

En préambule, François Mattens au nom de l’ANAJ-IHEDN et du groupe METIS a expliqué que ce colloque entrait directement dans la logique de sensibilisation au renseignement et à l’intelligence économique des futures élites de sa génération, ce qui justifiait pleinement leurs soutiens.
En ouverture, Olivier Forcade a présenté la démarche dans laquelle ce colloque avait été monté : celle de la recherche historique et de l’impact du renseignement sur le cours des événements, sujet largement pratiqué dans les pays anglo-saxons mais récent en France dans le monde universitaire.
Connu notamment pour son livre “ Dans le secret des présidents ” Vincent Nouzille, journaliste indépendant, a “ modéré ” avec brio les quatre heures d’échanges, alternant les rappels historiques, les exposés des intervenants ainsi que les extraits d’archives qui nous avaient été gracieusement prêtés par les distributeurs et l’auteur du film “ Farewell ”, Christian Carion.
Daniel Vernet, a retracé l’ambiance de l’époque par ses souvenirs d’ancien correspondant du quotidien Le Monde à Moscou dans cette période de guerre froide et le climat politique régnant en URSS. Après la projection d’un bref extrait de ce film “ Farewell ”, notre camarade Patrick Ferrant a brossé un portrait humain de la personnalité de Volodia Vetrov, alias Farewell, bien loin des caricatures dont il est affublé par ses contempteurs.

On sait que le dernier chef du KGB, le Général Krioutchkov, reconnaissait que la “ trahison ” de Vetrov avait mis en difficulté son service et qu’elle avait été l’une des causes de la fin de l’URSS. Les organisateurs de la conférence ont recherché l’historien russe ou le témoin capable de dévoiler les conséquences éventuelles même indirectes de cette affaire sur l’évolution de l’URSS. Il s’avère que, à l’époque actuelle, en Russie, il n’y a plus personne qui puisse ou veuille plonger dans le passé et réfléchir à ce thème, ni bien sûr écrire des articles sur les conséquences pour l’URSS de l’affaire Vetrov. … d’autant plus que selon le “ politiquement correct ” en vigueur, il ne peut y avoir officiellement aucune relation de cause à effet entre l’affaire Farewell et la destinée de l’URSS.

M. Richard Allen a expliqué comment il avait pu, par sa connaissance approfondie de la France et de son histoire, faire évoluer la perception qu’avait de la situation française l’équipe du Président Reagan déjà engagée dans une politique d’étranglement de l’URSS par le biais de l’économie et a montré comment les informations reçues de la France ont servi d’“ accélérateur ” à la stratégie mise en place par le Président Reagan dès son arrivée à la Maison Blanche.

A la suite des informations reçues, les États-Unis ont pu monter une opération majeure de contre-ingérence mise en œuvre par M. Guss Weiss et la CIA, en intoxiquant les services soviétiques et en sabotant les programmes soviétiques majeurs reposant sur des informations obtenues de manière illicite. Cette opération consistant à laisser “ fuiter ” des données techniques délibérément erronées a contribué à désorganiser la production industrielle de l’URSS dont les Programmes de Recherche et Développement scientifique et technologique reposaient sur des informations acquises par voie d’espionnage. En effet, comme l’ont rappelé les intervenants, la stratégie de l’URSS, engagée dans une course aux armements sans merci, consistait alors à faire l’économie de la R et D (Recherche et Développement) civile en recourant à l’espionnage, de manière à pouvoir consacrer la plus grande part de ses ressources à la R et D militaire.

Maître Bertrand Warusfel a décrit la seconde partie de ce plan qui visait à asphyxier le système soviétique, notamment par le renforcement des règles du COCOM, en particulier l’accord de 84-85 qui marque le tournant par lequel l’approvisionnement de l’URSS en technologie par des voies légales devient de plus en plus compliqué. De nombreux règlements mis en place à cette époque sont toujours en vigueur.

Le Commissaire-divisionnaire Raymond Nart, à présent Inspecteur général de la Police, qui pilotait cette affaire à la DST, a rappelé ce que connaissait son service chargé du contre-espionnage. Un concours de circonstances a conduit le Président de la République, François Mitterrand, à confier l’opération à la DST qui, avec les moyens humains et techniques mis à la disposition par les Armées et le CEMA, le Général Jeannou Lacaze, a pu la mener à bien grâce à une stratégie originale. Il a mis également en relief les mesures d’exploitation des informations ainsi recueillies par la France.
Françoise Thom, historiennne et soviétologue éminente, maître de conférence à la Sorbonne a, elle, traité de l’évolution du régime soviétique et de l’URSS après l’affaire, et jusqu’à la chute du Mur.

En guise d’ouverture sur les réalités actuelles, M. David Grout, au nom de sa société McAfee (Secteur France) a montré comment l’espionnage économique avait évolué depuis l’affaire Farewell notamment dans le domaine de l’information avec les intrusions de plus en plus fréquentes dans les réseaux informatiques, soit à des fins de piratage d’informations, soit dans un but agressif de destruction de données vitales. Il a souligné aussi l’importance que prenait la notion de Cyber défense face aux menaces d’intrusion, qu’elles soient d’origines étatiques ou non étatiques (3).
Le professeur Olivier Forcade a conclu en faisant observer qu’il était tout à fait significatif et symbolique que ce colloque ait été monté à l’initiative conjointe d’une association représentative de la jeunesse étudiante qui sera bientôt en charge de responsabilités, l’ANAJ-IHEDN et étudiants de master histoire des relations internationales de Parix IV et Paris II et d’une association de “ vétérans ”, anciens des Services Spéciaux de la Défense Nationale, l’ASSDN, qui peut faire partager son expérience, dans une mesure compatible avec les règles déontologiques et légales du métier.

En conclusion, ce colloque s’inscrivait tout à fait, par un exemple historique, dans la démarche initiée il y a quelques années par l’Amiral Lacoste et le Général Pichot-Duclos, visant à sensibiliser les élites comme le public à l’intérêt stratégique du renseignement, de son utilisation et du concept d’Intelligence économique.

(1) ANAJ-IHEDN : Association Nationale de Auditeurs Jeunes – Institut des Hautes Études
de la Défense Nationale.

(2) Co-directeur de la collection “ Le Grand Jeu ” au Nouveau Monde éditions, auteur notamment
des “ Carnets du chef des Services Secrets ” ouvrage de référence consacré au Général

(3) Sujet abordé quelques jours auparavant par Jean-Marie Bockel, sénateur, ancien secrétaire
d’état aux anciens combattants et auteur d’un rapport du Sénat sur le sujet, au cours d’une
conférence organisée dans le cadre des lundis de l’IHEDN

Remerciements :
Patrick FERRANT et Max MOULIN pour le Comité Histoire
Bruno de BLIGNIERES et Laurent LEGRIP de LAROZIERE
avec leurs remerciements à Nicolas de BLIGNIERES, Cyril COURSON et Jean TILLINAC
ainsi qu’aux deux officiers de réserve interprètes, pour leur concours efficace

Source : Bulletin n° 228