Allocution en souvenir de l’engagement des parachutistes de la France libre

Il y a 80 ans, les paras français étaient engagés dans la libération du sol national : en Bretagne, la veille du débarquement, pour aider les Forces françaises de l’intérieur (FFI) à fixer les garnisons allemandes, puis du Limousin à la Franche-Comté pour appuyer les maquis à harceler les unités de la Wehrmacht en repli sur l’ensemble du front et les empêcher de mener des actions défensives face à la marche des troupes alliées, enfin au sein de l’armée de Lattre, dans les durs combats des Vosges et de l’Alsace.

Dans ces affrontements contre l’occupant s’est forgée l’ossature des troupes aéroportées françaises : les Bergé, Bigeard, Sauvagnac, Botella, de Bollardière, Maloubier, Le Carré et autre Prigent à qui il nous appartient de rendre hommage.

L’Union nationale des parachutistes (UNP) dont l’une des missions est d’entretenir la mémoire de l’épopée des parachutistes français a choisi de faire effort sur la Saône-et-Loire où le 3e régiment de chasseurs parachutistes / 3e SAS (special air service) du commandant Château-Jobert dit « Conan » a permis, en complément des agents du SOE (special operations executive) et des équipes Jedburgh, à la Résistance de mieux s’organiser et de mener des actions coordonnées et efficaces contre un ennemi en repli mais nullement en déroute. Les attaques incessantes et meurtrières sur les convois de l’adversaire et les libérations de villes à l’approche de l’Armée B débarquée en Provence, peu connues du grand public et même de la famille parachutiste, méritaient d’être mises en valeur.

C’est pour cette raison que l’UNP s’est associée à la 11e brigade parachutiste, dont le commandant nous fait l’honneur d’être présent, pour donner un éclat particulier à ces commémorations. Celles-ci se déroulent qui plus est au mois de septembre, période particulière pour tous ceux qui ont franchi la porte d’un avion avec un parachute sur le dos puisque c’est le mois de Saint-Michel, saint patron des parachutistes.

Au nom de l’Union nationale des parachutistes, je m’incline devant ceux, résistants des Forces françaises de l’intérieur, parachutistes de la France Libre et soldats de l’armée de Lattre, soldats, marins et aviateurs des armées alliées, qui se sont battus et ont parfois péri sur cette terre chargée d’histoire pour que la France retrouve sa souveraineté et que nous puissions vivre libres !

GCA (2S) Vincent GUIONIE
Président national de l’UNP
Digoin et Montceau-les-Mines, les 5 et 6 septembre 2024




De Vichy à Genève : Les réseaux secrets du colonel Georges Groussard, alias Eric

Colonel Georges Groussard, alias Gilbert et Eric, fut un maître du renseignement pendant la Seconde Guerre mondiale, dirigeant les “Réseaux Gilbert” et collaborant étroitement avec l’Intelligence Service britannique. Malgré les obstacles, il organisa une résistance efficace contre les Allemands depuis la Suisse et joua un rôle clé dans l’arrestation de Laval.

Photo :

Hommage au colonel
Georges Groussard,
le 25 Mai 2024

Avec
Dominique Fonvielle
et Alain Juillet

En 1942, le colonel Groussard était réputé être l’homme le mieux renseigné de France. Ses « Réseaux Gilbert », qu’il anime depuis la Suisse, couvrent pratiquement la France entière et une partie de l’Italie. La qualité des renseignements fournis à l’Intelligence Service lui vaudra d’être nommé Officier dans l’Ordre du British Empire, (OBE), distinction que les Britanniques ne distribuent qu’au compte-goutte.

En 1938, Commandant en second, puis Commandant l’École Spéciale Militaire en août 1939, il assure jusqu’au bout la formation de ses élèves qui prendront comme nom de promotion, en mars 1940, le nom d’Amitié Franco-Britannique, avant de rejoindre le front. Lui-même est nommé chef d’État-Major du 12ème Corps d’Armée, puis rejoint Paris avec le général Dentz nommé Gouverneur de Paris, comme Chef d’État-Major. Il a la pénible tâche de livrer Paris aux Allemands.

L’officier héroïque de la Première guerre mondiale ne peut admettre l’armistice, tout en conservant un grand respect à la personne du Maréchal. Ce Vendéen, descendant de grands-parents dreyfusards, époux de Véra Berstein, avec laquelle il s’est initié au renseignement en Bulgarie dès 1928, lorsqu’ elle avait voulu retourner sur la terre de son enfance, ne pouvait rester inactif.

Alors qu’il est sur le point de passer général, il demande à être mis en congé d’Armistice. Avec l’appui du ministre de l’Intérieur Peyrouton et du ministre de la Guerre, le général Huntziger, il est nommé Inspecteur général des Services de la Sûreté Nationale. Sous cette « couverture », il va entreprendre de créer, depuis Vichy, le CIE (Centre d’Information et d’Études) et les Groupes de Protection, une organisation secrète de cadres sous-officiers et officiers capable de reprendre la guerre, officiellement chargée de la protection du régime. Il s’inspire ainsi de l’exemple allemand du général von Seeckt après le traité de Versailles (1919, 22, 29), en camouflant des activités interdites sous des organismes officiellement reconnus.

Mais Vichy n’est pas Weimar, et le projet se heurtera à « l’hypothèque Vichy »[1] et à la politique de collaboration.

Avec l’accord de Huntziger et l’aide de Pierre Fourcaud[2], il effectue en juin 1941 un voyage clandestin à Londres où il rencontre personnellement Winston Churchill, Premier ministre, Anthony Eden, ministre des Affaires étrangères et John Winant, ambassadeur des Etats-Unis, ainsi que les chefs du MI6 avec lesquels il est vraisemblablement en relation depuis 1940. Malgré sa demande, il ne peut rencontrer le général De Gaulle alors en tournée au Moyen-Orient, et se heurte à l’hostilité des gaullistes[3] qu’il rencontre pourtant longuement, malgré les réticences des Britanniques.

Le colonel Groussard et ses Groupes de protection participent à l’arrestation de Laval en décembre 1941, mais lui-même est arrêté sur ordre de Darlan et interné à plusieurs reprises. Son projet s’effondre, les Groupes de Protection et le CIE sont dissous sur ordre des Allemands. Qu’importe, il change son fusil d’épaule et, sachant que la Grande-Bretagne, seule encore dans la lutte contre les Allemands, a avant tout besoin de renseignement opérationnel, avec l’aide de ses amis et relations, il donne la priorité aux réseaux Gilbert qui vont rapidement se déployer et se montrer particulièrement efficaces.

Ses partisans se nomment Virret, Kapp, Bruno, le Préfet Jacques Juillet (en 1942 à la direction du personnel de l’Administration Préfectorale à Vichy)[4]. Sa fille Françoise, alors âgée de 12 ans lui servira, lors de ses périodes de détention, d’agent de liaison.

Il est par ailleurs en contact étroit avec les réseaux clandestins des SR et CE montés depuis le « Serment de Bon Encontre », avec Paillole, Rivet, les colonels Ronin et Baril, ainsi que les groupes formés par le général Heurteaux (en zone occupée) et le commandant Loustaunau-Lacau (Alliance).

En novembre 1942, à nouveau prisonnier de Vichy et risquant de se voir livré aux Allemands, il fausse compagnie à ses geôliers, et rejoint Genève où il bénéficie de l’appui des services suisses de renseignement et de l’IS. Depuis ce « sanctuaire », il développe les réseaux qu’il a mis en place dès l’été 1940 et qu’il avait continué d’animer depuis ses lieux de détention successifs.

Ses chefs de réseaux sont les frères Ponchardier, Devigny (Vallée du Rhône, Toulon), De Pace (Italie), Heurteaux (Zone occupée), Dingler (Alsace-Lorraine), Bruno (Espagne), … avec un effectif global d’environ 700 personnes et un taux de pertes très bas, du fait de son exigence absolue en matière de sécurité.

Le colonel Groussard n’est pas gaulliste, bien qu’il connaisse très bien le général De Gaulle depuis le SGDN où ils servaient ensemble en 1934-35. Passy et Dejean ne l’aiment pas et le sous-estiment largement. Pourtant, il mettra à la disposition des MUR ses moyens et les points de passage entre la France et la Suisse qu’il contrôle totalement. Bénouville profitera à de nombreuses reprises de son aide et de son appui.

Après la guerre, le colonel Groussard, profondément choqué par les conditions de l’épuration dans l’armée, refuse les étoiles offertes par le général De Gaulle. Il se consacre à la rédaction de ses mémoires (« Chemins secrets », en 1948, « Services secrets » en 1964) et à d’autres ouvrages. Il rompt définitivement les ponts avec De Gaulle au moment de la crise algérienne, et se retire dans le sud de la France avec sa compagne de la guerre, Suzanne Kohn[5], qu’il épousera après le décès de sa première épouse.

En septembre 1944, ses compagnons, réunis à Annemasse lui dédicacent un témoignage de fidélité et d’amitié qui, pieusement conservé, a été remis par sa fille Françoise au colonel Fonvielle pour être déposé dans un lieu de mémoire. Ce vœu a été exaucé en mai 2024, à l’occasion du Congrès de l’AASSDN.

Aucun autre lieu ne pouvait mieux convenir que le Musée de l’Officier de l’académie Militaire de St Cyr pour abriter le souvenir d’un grand soldat, d’un grand résistant, et d’un ancien commandant de l’École de Saint Cyr.

Par le colonel (h) Dominique Fonvielle


[1] Peschanski, D ;  Dauzou, L. « La Résistance française face à l’hypothèque Vichy », Centre d’Histoire Sociale du XXème siècle, CNRS Université, Panthéon-Sorbonne Paris I.

[2] L’un des premiers « missionnaires » des FFL de De Gaulle en France.

[3] Capitaine Dewavrin, dit Passy, qui avait été professeur de fortifications à St Cyr sous son commandement, et Dejean, Directeur des affaires Politiques de De Gaulle, d’emblée totalement opposé au projet de Groussard.

[4] Groussard, Georges, « Chemins secrets », Bader-Dufour, 1948

[5] Suzanne Kohn, célèbre aviatrice, a réalisé le raid Paris Madagascar avant la guerre ; sa sœur Antoinette Sachs, muse de Paul Géraldy, était une très proche amie de Jean Moulin.




18-25 août 1944 : Les enjeux politiques de la libération de Paris

Cet article explore les enjeux politiques autour de la Libération de Paris en août 1944, mettant en lumière le rôle crucial du Général De Gaulle dans l’installation de son gouvernement à Paris. Il souligne les rivalités avec le CNR et les communistes, ainsi que l’importance de la stratégie militaire alliée pour libérer la capitale. De Gaulle parvint à marginaliser les contre-pouvoirs, consolidant ainsi son autorité politique et préparant la transition vers une France libérée.

“Paris ! Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! Mais Paris libéré ! Libéré par lui-même, libéré par son peuple, avec le concours des armées de la France, avec l’appui et le concours de la France tout entière, c’est-à-dire de la France qui se bat, c’est-à-dire de la seule France, de la vraie France, de la France éternelle !” – Général De Gaulle, Discours à l’Hôtel de Ville le 25 août 1944 soir.

En ce 80e anniversaire de la Libération de Paris, il n’est peut-être pas indispensable de rapporter une nouvelle fois l’histoire factuelle de cet évènement majeur de l’Histoire de France, d’autant plus, qu’à cette occasion, le film de René Clément « Paris brûle-t-il ? », sorti sur les écrans en 1966, va sûrement se trouver être une nouvelle fois programmé par les grandes chaînes de télévision nationale. En revanche, au-delà de la matérialité des faits, il apparaît opportun de rappeler les enjeux politiques de cet évènement, car, la nature et la forme des pouvoirs publics qui allaient exercer le pouvoir en France à la Libération dépendraient beaucoup de la façon dont Paris allait être libéré.

Il y a donc lieu d’exposer comme point de départ les grandes forces politiques, ainsi que les acteurs qui les composent, et qui vont parfois s’affronter durant une semaine, entre le 18 et le 25 août 1944 à Paris, ainsi que les acteurs militaires, français comme alliés de cet évènement.

Au niveau politique, bien évidemment, en premier lieu, il s’agit du Général De Gaulle, qui cherche à installer et asseoir son gouvernement dans la capitale, d’une façon telle qu’il ne soit l’otage d’aucune faction, toute légitime fût-elle. Si son charisme personnel lui a permis de définitivement faire reconnaître sa légitimité par les Alliés, son plus farouche adversaire politique, Roosevelt, l’a reçu officiellement à la Maison Blanche en juillet, il doit maintenant installer son gouvernement « dans ses murs », à Paris. Il s’agit là de l’aboutissement d’un processus complexe qu’il a déroulé point par point, depuis son arrivée à Alger, le 30 mai 1943, et qui s’est fortement accéléré depuis le Débarquement : la transformation du Comité français de libération nationale (CFLN) en Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) le 3 juin, d’abord, suivie de l’installation de François Coulet comme commissaire de la république pour la Normandie et Raymond Triboulet comme sous-préfet de Bayeux, premier chef-lieu d’arrondissement libéré, et sa reconnaissance par la population, le 14 juin, une grosse semaine après le Débarquement. Cet évènement lui a permis de s’imposer aux alliés américains qui avaient froidement imaginé une administration militaire américaine (AMGOT), comme si la France pouvait ainsi passer lors de la Libération, d’une occupation allemande à une occupation américaine. Pour incarner la légitimité de son gouvernement, au fur et mesure de la libération des chefs-lieux des départements concernés, Pierre de Chevigné, nommé commandant militaire des régions libérées, y installe les préfets désignés par une commission présidée par Michel Debré et dont les personnalités avaient été agréées par De Gaulle. De la sorte, la Libération ne s’accompagnait d’aucune vacance de pouvoir.

S’agissant de Paris, où il savait que son autorité risquait d’être confrontée à des contre-pouvoirs, De Gaulle disposait de deux atouts : d’une part, la Délégation générale du Gouvernement, entre les mains d’Alexandre Parodi qui était chargé d’encadrer toute insurrection potentielle et de mettre en place les secrétaires généraux dans les ministères, et d’autre part, Jacques Chaban-Delmas, délégué militaire national, qui devait également encadrer toute insurrection « spontanée » de la part des FFI.

En effet, l’exercice du pouvoir par De Gaulle, s’il n’était contesté sur le fond par personne, pouvait néanmoins se trouver limité dans sa forme, essentiellement par le CNR, et son président, Georges Bidault. On trouve ici un exemple illustratif de la lutte souterraine, mais classique, qui oppose souvent une résistance intérieure à l’organisation extérieure de la même résistance. Les premiers, agissant sur le territoire, prennent et assument tous les risques, sous la menace permanente de la répression implacable de l’ennemi, tandis que les seconds, exilés dans une capitale étrangère ou outre-mer, visent à l’exercice du pouvoir, le moment venu. Bidault va donc se trouver sous la surveillance – discrète mais ferme – de Parodi.

Et, il y a les communistes, qui sont parvenus à fortement noyauter la Résistance et ses différents organismes, notamment le COMAC, le comité d’action militaire, destiné à encadrer l’action des FFI, et passé sous le contrôle du CNR. Au mois de mai, un mois avant le débarquement, les communistes ont réussi un coup de maître en faisant nommer l’un des leurs, Henri Rol-Tanguy, aux fonctions de commandant les FFI d’Ile de France. La question se pose de savoir si les communistes voulaient réellement s’emparer du pouvoir, au bénéfice d’une insurrection parisienne qu’ils auraient alors noyautée, contrôlée, puis dirigée. Il semble bien que non, même si cette perspective n’était pas faite pour leur déplaire. En réalité, d’une part, le rapport de force politique ne jouait pas en leur faveur, et, d’autre part, en pleine guerre, le commandement allié n’aurait certainement pas admis un tel coup de force. En revanche, que les communistes aient cherché à obtenir le maximum de gages pour l’avenir pour obtenir des responsabilités leur permettant de peser lourdement sur les décisions, c’est certain.

Et enfin, la Libération de Paris ayant lieu par la force des choses en pleine guerre, il ne faut pas oublier le commandement militaire allié, exercé par le général Eisenhower. Celui-ci n’était aucunement hostile à De Gaulle et, au moment du Débarquement, pragmatique, il a sciemment ignoré les directives qui étaient les siennes de mettre en place une administration militaire en France, se rendant aux arguments de De Gaulle. Ceci écrit, il n’avait aucune intention de se laisser détourner de ses impératifs stratégiques de commandant d’une coalition militaire interalliée par des contraintes relevant du jeu politique français. Paris ne constituait pas un objectif militaire, et, la Seine ayant été franchie en aval et en amont de la capitale, la progression alliée pouvait se poursuivre et Paris tomberait, le moment venu, comme un fruit mûr. Néanmoins, avant le débarquement, Eisenhower avait assuré à De Gaulle qu’il pourrait disposer de la 2e DB, sous contrôle opérationnel national, pour libérer la capitale.

Du côté ennemi, le commandant allemand du « Gross Paris » n’exerçait qu’un commandement territorial, et savait qu’il n’avait que peu de possibilités de se faire renforcer par des moyens relevant du Groupe d’armées « B », le commandement opérationnel. En effet, à partir du moment où la Seine était franchie par les Alliés en amont et en aval de Paris, l’intérêt pour la Wehrmacht de conserver Paris qui possédait les seuls ponts intacts sur la Seine avait disparu, puisqu’il n’y aurait plus d’opérations conduites au sud du fleuve.

Telles étaient les parties en présence, aux alentours du 15 août 1944, lorsque la situation militaire en France permettait d’envisager à court terme, la possibilité d’une libération de la capitale. Comment le général De Gaulle et ses représentants parisiens vont-t-ils manœuvrer pour arriver à leurs fins, à savoir, l’installation de son gouvernement à Paris ?

La police parisienne (qui avait beaucoup à se faire pardonner pour son rôle sous l’Occupation) se met en grève le 16 août et, le 18, prenant tout le monde de court, le CNR s’empare de la Préfecture de Police et des commissariats d’arrondissement. Par le réseau de communications de la Police parisienne, l’insurrection dispose d’emblée d’un système de liaisons sécurisé couvrant toute la capitale. Parodi réagit immédiatement et installe Charles Luizet, préfet de police désigné, dans ses murs. Ainsi, le premier acte insurrectionnel de la Libération de Paris est coiffé par la légalité du Gouvernement provisoire. Rol-Tanguy réagit également et lance immédiatement un mot d’ordre d’insurrection générale à Paris.

Dès le 20 août, De Gaulle se pose en avion près de Cherbourg, accompagné de Juin, chef d’état-major de la Défense nationale qui va jouer un rôle majeur dans les relations avec Eisenhower. Dès son arrivée, De Gaulle va d’ailleurs rencontrer le commandant suprême allié, à qui il demande la mise à disposition de la Division Leclerc, conformément à leur accord. Eisenhower élude au prétexte que les opérations ne sont pas achevées en Normandie, mais il se rend bien compte qu’il va devoir dorénavant, et à très court terme, devoir tenir compte de la présence du chef du Gouvernement provisoire sur ses arrières.

Ensuite De Gaulle va, jusqu’au 24, mener un périple, qui va le conduire de Rennes à Rambouillet, en passant par Laval, Le Mans et Chartres. À chaque fois, le rite est immuable : il déambule dans la principale artère de la ville où il se fait acclamer, il se rend à la Préfecture où le préfet lui présente ses principaux collaborateurs, il prononce ensuite un discours, et participe enfin à un Te Deum à la cathédrale. Il rôde en province, au niveau local, ce qui sera son triomphe national à Paris sur les Champs Elysées, le 26 août.

Pendant ce temps, à Paris, la situation évolue et la « trêve » voulue par Parodi et Chaban est finalement rompue par Rol-Tanguy. La ville se couvre de barricades et les Allemands se retranchent dans quelques points forts, l’École militaire, le Palais Bourbon, le Luxembourg ou le quartier des Célestins, place de la République. Le PC du général Von Choltitz, installé à l’hôtel Meurice rue de Rivoli, bénéficie de la sûreté rapprochée d’un escadron de chars déployé dans le jardin des Tuileries. La situation est bloquée, les Allemands sont dans l’impossibilité de réduire les barricades et les insurgés dans celle de faire tomber les réduits allemands.

Parallèlement, dans un souci de légalité républicaine, Parodi fait s’emparer de l’Hôtel Matignon, et, le 21, y préside la première réunion des secrétaires généraux des ministères, présents à Paris. La légalité reprend ses droits, même en pleine insurrection.

Mais, surtout, dès le 22 août, Eisenhower fait volte-face et décide que Paris serait libéré militairement et, dans ce but, place la 2e D.B à la disposition de De Gaulle, ce qui crée des incompréhensions entre Leclerc et son commandant de corps d’armée, le général L. T. Gerow, qui a beaucoup de mal à admettre cette situation. Mais Leclerc avait anticipé et envoyé, dès avant l’officialisation de la décision, un sous-groupement commandé par le lieutenant-colonel de Guillebon avec pour mission, d’aller reconnaître le dispositif allemand couvrant Paris depuis l’ouest et le sud.

Le 23 en fin d’après-midi, sa division étant regroupée dans la région de Rambouillet où réside De Gaulle, fort des renseignements recueillis par Guillebon, Leclerc diffuse son ordre célèbre : « Intention : S’emparer de Paris ». Chargé de l’effort, le groupement Billotte est orienté vers la porte d’Orléans depuis Arpajon, couvert sur sa droite par Dio qui vise la Porte d’Italie, et à sa gauche, Langlade, depuis Versailles, doit entrer dans la capitale par le Pont de Sèvres. Le 24 matin, la 2e D.B. débouche sur ses trois axes en direction de Paris, mais la résistance allemande est plus solide que prévue et, en début de soirée, aucun élément de la division n’est encore entré dans la capitale. Leclerc prend alors une double décision : larguer un message lesté dans la cour de la Préfecture de Police (« Tenez bon, nous arrivons ! ») et, surtout, faire infiltrer une compagnie du RMT renforcée de chars (la Nueve du capitaine Raymond Dronne) pour atteindre l’Hôtel de Ville avant minuit, ce qui est réalisé.

Dès le lendemain matin, les dernières résistances allemandes en banlieue Sud sont, soit réduites, soit manœuvrées et les groupements de la division pénètrent dans la capitale conformément à l’ordre reçu. Von Choltitz fait savoir qu’il ne capitulera pas, mais qu’il est prêt à cesser le feu à l’issue d’un baroud d’honneur. Leclerc reçoit sa reddition à la Préfecture, puis retourne attendre De Gaulle à son PC de Montparnasse où ce dernier arrive dans l’après-midi. D’emblée De Gaulle fait preuve d’une grande intransigeance politique, en reprochant amèrement à Leclerc de voir la signature du chef FFI Rol-Tanguy aux côtés de la sienne sur l’acte de reddition allemand.

La soirée du 25, dans une capitale en liesse est un moment de grande politique. Se sachant attendu à l’Hôtel de Ville par le CNR au grand complet, De Gaulle rejoint d’abord le ministère de la Guerre qu’il avait quitté le 10 juin 1940 avec Paul Reynaud et où il compte s’installer, en lieu et place de Matignon. Il écrira dans ses Mémoires « Rien ne manque excepté l’État. Il m’appartient de l’y remettre. Aussi, m’y suis-je d’abord installé ». Ce n’est que plus tard dans la soirée que De Gaulle condescendra à se rendre à l’Hôtel de Ville. Mais, seulement après avoir été saluer le Préfet Luizet à la Préfecture, l’hommage à l’institution préfectorale primant dans son esprit sur celui d’un Comité, fût-ce le CNR. À l’Hôtel de Ville, son célèbre discours (dont le passage le plus connu est cité en exergue de cette tribune) est certainement un morceau d’anthologie oratoire, mais également un modèle politique. Non seulement, De Gaulle ne fait aucune référence aux Alliés (pourtant il en aura besoin, on va le voir), mais il ne dit pas un mot, pas un seul ! sur l’action de la Résistance. Exit les FFI. Qui plus est, lorsque Bidault lui proposera de proclamer la République du haut du balcon de l’Hôtel de Ville, De Gaulle refuse avec hauteur au prétexte que la République n’avait jamais cessé d’exister depuis juin 1940 et qu’il l’avait incarnée.

Les jeux politiques sont faits. De Gaulle a gagné, les éventuels contre-pouvoirs qui auraient pu entraver son action, le CNR ou les FFI communistes sont marginalisés. Avant la fin août, c’est-à-dire en moins d’une semaine, les milices patriotiques sont dissoutes, et ses membres sommés de rejoindre l’armée régulière. Les FFI communistes, regroupés autour de Pierre Georges dit colonel Fabien, formeront le 151e Régiment d’Infanterie, qui rejoindra la Première Armée (son commandant en second sera Rol-Tanguy). Lors du défilé glorieux sur les Champs Elysées, le 26 août après midi, il est très intéressant de remarquer le respect de l’ordre protocolaire, dans une ambiance qui ne devait peut-être pas toujours s’y prêter : Parodi, son Délégué national avec rang de ministre descend les Champs Elysées à la droite de De Gaulle, alors que Bidault, président du CNR doit se contenter de défiler à sa gauche, les deux, un pas en arrière de De Gaulle.

Ceci écrit, De Gaulle savait qu’il devait se méfier d’un éventuel sursaut de mécontentement du monde résistant ou communiste. Aussi, le 28 août, jour même où il signe la dissolution des milices patriotiques, De Gaulle demande à Eisenhower de faire défiler « du monde » à Paris, de manière à produire une image de force destinée à étouffer dans l’œuf toute velléité de révolte. Avec un grand sens politique, Eisenhower propose, ce qui est accepté, de faire transiter par Paris et à pied deux divisions qui doivent rejoindre leur zone d’engagement au nord de la Seine. L’effet est saisissant : ce ne sont pas moins de 30 000 hommes qui défilent à Paris, en tenue de combat et casque lourd, fusil à la bretelle. Sur les Champs Elysées, ils défilent en rangs serrés ! Auparavant, De Gaulle avait demandé au commandement américain de conserver la 2e D.B. à Paris jusque début septembre.

En conclusion, rencontrant Jacques Lecompte-Boinet le 1er septembre, non pas en tant qu’ancien membre du CNR, mais en tant que secrétaire général du ministère des Travaux publics, De Gaulle lui déclare : « La Résistance est dépassée. La Résistance est finie. Il faut que la Résistance s’intègre dans la Nation. Parce que, vous comprenez, il y a eu la Résistance, maintenant il y a la Nation »

Rédigé par le Colonel (ER) Claude Franc – Aout 2024




Nos conseils de lecture en 2024

Liste d’ouvrages parus récemment : partagez vos réactions avec notre Amicale !

Renseignement et espionnage :

  • Jean Christophe Notin, “DGSE: la fabrique des agents secrets”, Taillandier
  • Louis Caprioli, Jean François Clair, Michel Guerin “La DST sur le front de la guerre contre le terrorisme” Mareuil éditions
  • Jean François Gayraud, “la Mafia et la Maison Blanche”, Plon
  • Kim Philby, “Ma guerre silencieuse”, Nouveau Monde Editions
  • Igor Gran, “l’entretien d’embauche au KGB”, Bayard
  • Jean Lucat, “un rebelle à la DST”, Plon

2e guerre mondiale :

  • CF2R sous la direction d’Eric Dénécé, “Renseignement et espionnage pendant la deuxième guerre mondiale”
  • Claude Quetel, “Vichy, vérités et légendes”, Perrin
  • Patrick Marnham, “Résistance, désinformation et trahison dans la France occupée” Rosie & Wolfe



Orban en Chine : Négociations pour un cessez-le-feu en Ukraine

En Juillet 2024, une visite en Chine a été conclue par Viktor Orban, Premier ministre hongrois et président de l’Union européenne, afin de promouvoir un cessez-le-feu en Ukraine et d’ouvrir des négociations de paix. Cette initiative s’inscrit dans une série de démarches diplomatiques entreprises pour tenter de résoudre le conflit, malgré les réticences de l’Occident et la complexité des positions des belligérants.

Avis AASSDN : Une analyse claire et argumentée sur les démarches de Victor Orban en vue de la recherche d’un cessez le feu dans le conflit en Ukraine. Elle tient compte notamment la situation militaire tactique sur le front russo-ukrainien et sur la perspective éventuelle d’emploi de l’arme nucléaire tactique par la Russie en cas d’attaques dans la profondeur du territoire russe par des armes de longue portée fournies par les pays de l’OTAN.

Le 8 juillet 2024, Viktor Orban, Premier ministre hongrois et président de l’Union européenne jusqu’en décembre, a conclu une visite en Chine. Cette “mission 3.0” visait à discuter d’un potentiel cessez-le-feu en Ukraine et de négociations de paix. Orban avait auparavant rencontré les présidents ukrainien et russe, Vladimir Poutine ayant déjà montré une ouverture limitée aux négociations. Cependant, Zelensky reste déterminé à poursuivre la guerre.

Orban prône une résistance immédiate sans capituler, comme le conseille le Pape. Il doute de l’efficacité de l’aide prochaine de l’OTAN et craint que l’utilisation d’armes occidentales par l’Ukraine n’entraîne une escalade dangereuse. La Chine, avec son plan de paix en douze points publié en 2023, pourrait jouer un rôle clé. Bien que ce plan ait été initialement rejeté par les soutiens de l’Ukraine, il propose des bases pour des négociations concrètes.

Orban, agissant seul, espère apaiser les tensions en Ukraine et critique l’Occident pour son soutien continu à la guerre, estimant que la victoire de l’Ukraine est improbable. Son initiative est perçue négativement par l’OTAN et l’Union européenne, mais il persiste, prévoyant même une rencontre avec Donald Trump en Floride.

En conclusion, Orban appelle à un cessez-le-feu immédiat et sans conditions, sous la supervision d’une commission d’armistice de l’ONU, excluant les pays directement ou indirectement impliqués dans le conflit.

Auteur : général (2s) Daniel Schaeffer,
membre du groupe Asie21-Futuribles,
ancien attaché de défense en Thaïlande, Vietnam et Chine




    “La Résistance au service de Sa Majesté” : un film d’espionnage révèle le rôle méconnu du SOE Britannique

    Le 8 août prochain à 21h45, Arte diffusera un documentaire captivant intitulé “La Résistance au service de Sa Majesté”. Réalisé par Cécile Coolen et co-écrit avec Olivier Wieviorka, ce film plonge les spectateurs dans les coulisses méconnues de la Seconde Guerre mondiale.

    Commentaire AASSDN : Le délégué Paris-Ile de France s’est rendu au musée de la Légion d’honneur le mercredi 12 juin à l’invitation de Madame Cécile Coolen, amie de l’AASSDN qui présentait dans le cadre d’une projection privée son dernier documentaire sur le SOE : ”La Résistance, au service de Sa Majesté”. Madame Cécile Coolen est une réalisatrice et chef monteuse de plus de 100 films reconnus dans les festivals internationaux, spécialisée dans les documentaires d’archives, en particulier sur les services de renseignement en temps de guerre. Le documentaire d’une durée d’un heure présentait les différents mouvements de Résistance et les acteurs en Europe occupée, France, Belgique, Danemark, Yougoslavie et Grèce soutenus par le SOE.

    Ce documentaire monté à partir d’archives peu ou même inconnues était particulièrement intéressant même si la réalisatrice pour une question de longueur a été dans l’obligation de faire l’impasse, notamment sur la mise en place du premier réseau de résistance en France occupée par le BCRA avec le soutien des Anglais et l’accord du général de Gaulle (Mission Savanna du capitaine Berger et Joël Le Tac en 1941).

    Le délégué a aussi exprimé ses réserves auprès de la réalisatrice quant à la présentation de la résistance yougoslave uniquement centrée sur les partisans communistes du maréchal Broz Tito et omettant complètement le rôle et la place de la résistance royaliste incarné par le colonel Draza Mihailovic (décoré de la Croix de guerre par le général de Gaulle). Une cinquantaine d’invités se sont retrouvés à l’issue de la projection autour d’un verre et ont été en mesure d’échanger avec la réalisatrice. De Jean-Marc Montaron, Membre de l’AASSDN

    Le SOE, un service secret méconnu

    Dans l’imaginaire collectif, la Résistance est souvent associée à des groupes de partisans agissant seuls contre l’occupant nazi. Pourtant, dans de nombreux pays sous tutelle, ces réseaux clandestins ont été mobilisés, organisés et financés par un service secret britannique, le SOE (Special Operations Executive). Le documentaire explore le rôle central de cette agence et révèle comment elle a entraîné et parachuté des agents spécialement formés sur leur terre natale, notamment en France, en Belgique, en Norvège, au Danemark, en Italie et en Grèce.

    Des agents au profil inattendu

    Pour raconter cette histoire méconnue en France, la réalisatrice Cécile Coolen a choisi de mêler le genre du film d’espionnage à une dimension humaine profonde. Les opérations du SOE reposaient sur des agents aux profils inattendus, tels qu’un étudiant en droit idéaliste, une femme au caractère bien trempé, un aventurier amoureux ou encore un diplomate proche de Churchill. Elle a retracé leurs parcours dans un récit tout en archives, grâce à leurs dossiers récemment déclassifiés, et aux témoignages de leurs familles, qui lui ont confié des photographies inédites issues de leurs albums personnels.

    Une stratégie complexe pour Churchill

    Le film explore également la stratégie de Winston Churchill à l’échelle du continent européen. Si le Premier ministre britannique a sincèrement œuvré à la libération de l’Europe du joug nazi, il n’a pas hésité à s’immiscer dans les politiques intérieures des pays où le SOE était actif. Cette double perspective, entre défense de la liberté des peuples et intérêts stratégiques, a souvent donné lieu à des résultats contrastés, façonnant ainsi l’après-guerre pour le meilleur et pour le pire.

    Un récit haletant et bouleversant

    À travers des images rares, “La Résistance au service de Sa Majesté” offre un récit haletant qui bouscule l’imaginaire collectif sur la Seconde Guerre mondiale. Cécile Coolen, ancienne chef monteuse récompensée dans de nombreux festivals internationaux, signe ici son premier film en tant que réalisatrice, alliant son expertise du montage à sa passion pour l’histoire.

    Le documentaire “La Résistance au service de Sa Majesté”, réalisé par Cécile Coolen et co-écrit avec Olivier Wieviorka, offre un regard inédit sur le rôle essentiel joué par les services secrets britanniques pendant la Seconde Guerre mondiale. En explorant les opérations du SOE et en mettant en lumière des agents méconnus de la Résistance, ce film captivant révèle une facette peu connue de l’histoire de la guerre.
    Ne manquez pas la diffusion de ce récit bouleversant le 8 août à 21h45 sur Arte.

    Auteur : Jérémie Raude-Leroy




    Yvon et Simone Jézéquel : unis dans l’action et la mort au service de la France Libre

    Yvon et Simone Jézéquel, jeunes résistants bretons, ont sacrifié leur vie pour la liberté de la France pendant la Seconde Guerre mondiale. Leur courage et leur engagement sont gravés dans la mémoire collective, honorés par des distinctions posthumes et inscrits sur le mémorial des Services spéciaux à Ramatuelle.

    Commentaire AASSDN : Alors que la France s’apprête à commémorer le 80e anniversaire du débarquement de Normandie, l’AASSDN estime de son devoir de rappeler le comportement héroïque de milliers de Français qui ont servi dans les services spéciaux et les réseaux de Résistance. Ils ont transmis pendant des années, d’innombrables renseignements essentiels qui ont décidé du choix du lieu du débarquement et largement contribué au succès de cette opération. Héros souvent oubliés dans les médias, notamment en raison de la discrétion qui a entouré leurs actions, le sacrifice de ces jeunes patriotes doit permettre à nos concitoyens de retrouver leur fierté et à notre pays de relever les défis majeurs qui menacent sa cohésion et peut-être même son existence en tant que Nation libre et indépendante.

    Yvon et Simone Jézéquel figurent sur le mémorial des Services spéciaux à Ramatuelle, où plus de 320 noms d’agents morts pour la France sont gravés. Ils sont parmi les très jeunes gens qui, comme eux, ont donné leur vie pour notre liberté.

    Lorsqu’en 1943 Yvon Jézéquel rencontre le lieutenant de vaisseau Yves Le Henaff (réseau Dahlia des TR « Jeune »), par l’intermédiaire de l’éditeur Louis Aubert, il a dix-neuf ans. C’est un garçon mince, à la belle chevelure brune ondulée, au visage doux, d’une grande réserve et qui cache une rare fermeté. Il a déjà prouvé son engagement dans la Résistance.

    Sa sœur Simone a dix-sept ans. Tous deux sont nés à Lézardrieux (Côtes-d’Armor). Yvon a été un très brillant étudiant : après avoir obtenu la mention « très bien » à la première partie de son baccalauréat, il a eu le bac mathématiques élémentaires et le bac philosophie la même année. Un de ses amis, qui deviendra rédacteur-en-chef d’Ouest-France en 1945, Paul Béguier, l’évoque au lycée de Saint-Brieux, où Yvon se trouvait à l’arrivée des Allemands. Il faisait déjà partie, dit-il, « d’une organisa- tion pour le repérage lumineux ». (repérage et balisage de terrains de parachutages)… Chassé du lycée de Saint-Brieux en juillet 1941, pour avoir mené une manifestation contre un professeur collaborateur, ses parents le mirent au lycée Saint-Louis à Paris, où il fut inscrit en classe préparatoire à l’École navale.

    Mais l’occupation de la zone libre et le sabordage de la flotte à Toulon mettent fin à son espoir de servir la Marine nationale : Vichy ordonne la fermeture des classes préparatoires à Navale. Il décide de rejoindre la France libre pour entrer à l’école des cadets de la marine en Angleterre, section française. Les circonstances en décideront autrement.

    Vers le milieu de l’année 1943, Le Hénaff cherche à monter une éva- sion vers l’Angleterre. C’est alors que naît le projet La Horaine. Yvon, va préparer l’évasion avec Le Hénaff et s’embarque à Lézardrieux comme matelot sur La Horaine, la nuit du 22 au 23 novembre 1943, enfin débarque en face de Dortmouth.

    Incorporé au BCRA, il suit une formation intensive d’agent clandes- tin avant d’être chargé d’une mission en France. Il y est débarqué la nuit du 29 au 30 janvier 1944 par une corvette anglaise à l’île d’Er, avec son radio Neybel et gagne le littoral à marée basse.

    Simone entre en action

    Simone, spontanément, propose ses services au groupe qui se crée. Il faut dire que la famille Jézéquel est toute acquise à la cause : le père, Yves, fidèle serviteur de l’État dans l’administration coloniale, a été blessé en 1917 et, à Lézardrieux, la maison Jézéquel est un refuge pour tous.

    La jeune fille accomplira des missions comme le transport de matériel radio. Des opérations maritimes ont en effet lieu tous les quinze jours par une vedette de la Royal Navy à l’île d’Er où sont débarqués des agents, du matériel, des instructions, des renseignements qui doivent être acheminés.

    Début février, le capitaine André Cann (TR « Jeune », mission Fanfan) et le lieutenant canadien Robert Vanier rejoignent Yvon Jézéquel, après avoir échappé au naufrage du Jouet des Flots et aux arrestations qui ont suivi (Le Hénaff, Pierre Brossolette, Émile Bolaert).

    Louis Aubert et sa sœur, Germaine Richard, facilitent l’implantation à Paris : c’est chez Louis Aubert qu’ont lieu les émissions vers Londres. Le 7 février 1944, ce dernier, prévenu que l’étau se resserre autour d’eux, quitte son appartement avec ses hôtes, mais le pâté de maisons est cerné par la Gestapo et la Feldgendarmerie.

    La mère d’Yvon et de Simone, arrivée sur les lieux en voiture et voyant ce qui se passe, est là pour recueillir son fils, Louis Aubert et « Ernest », sortis par une porte de service le visage dissimulé. La voiture sème la Gestapo.

    L’équipe, réfugiée à Laval, travaille deux mois. Malgré les difficultés de départ, le réseau se met en place. Il s’implante dans toute la Bretagne, à Paris, Lyon, Dijon ; compte 32 membres connus, d’après Alain, frère d’Yvon et de Simone (13 seront déportés, dont 6 en mourront ; deux seront fusillés).

    Le secteur du réseau Turquoise (qui travaille aussi avec d’autres réseaux comme Résistance-Fer) comporte toute la zone côtière du Mont-Saint-Michel à Saint-Malo, région stratégique essentielle pour le débarquement allié. Il s’agit de fournir des renseignements sur les effectifs et armements allemands (43 750 hommes recensés), mouve- ments de trains (6 à 12 par jour), résultat des sabotages des groupes Action, bilan des bombardements alliés. Pour ces opérations, le code de Turquoise est Blavet.

    « Les liaisons maritimes, lira-t-on dans La Presse d’Armor (10 octobre 1992), sont faites à l’île d’Er par une vedette anglaise qui vient la nuit par grande marée, en principe donc tous les quinze jours (…) Agents, matériel radio, armes étaient débarqués. C’est surtout le va et vient des valises d’instructions et de renseignements qui étaient importants et réguliers, car Blavet agissait pour le compte de plusieurs réseaux.

    M. Kernanen se souvient de quatorze valises en une seule fois, trans- portées en charette par Louis Bougeant, de sa ferme de Kerbert jusqu’à celle de Joseph Coadou à Kerganzennec. » D’autres « participaient aux opérations avec canots de pêche et chevaux de la ferme de l’île d’Er.

    Et tout cela sous les postes de surveillance côtière de la GAST. Ces convoyeurs étaient en ces débuts de 44 à peine armés. Voyant Marcel Kernanen ainsi dépourvu, Yvon Jézéquel lui prêta une nuit, pour quelques semaines, son 6,35 à crosse de nacre. »

    Le frère et la sœur sont internés

    Mais en avril 1944, le principal local d’émissions, rue Gutemberg à Rennes, est indiqué par dénonciation à la Gestapo. Celle-ci y tend une souricière. Le 14 avril Yvon réussit à y échapper en sautant par une fenêtre avec une valise contenant les papiers et la trésorerie du réseau.

    Quelques instants plus tard, Simone Jézéquel arrive de Lézardrieux porteuse de faux papiers établis par leur père. Elle est arrêtée. Deux jours après, Yvon est arrêté à son tour par la Gestapo gare Montparnasse, à Paris. Le frère et la sœur sont tous deux internés à la prison Jacques Cartier à Rennes. Yvon parvient à communiquer avec sa mère par des livres codés. Ses messages contiennent des instructions. Il fait ainsi avertir Londres et parvient à limiter les arrestations.

    Dans un de ses messages, il dit : « Suis bonne santé- arrêté Montparnasse après deux jours de poursuites ; suis découvert par la Gestapo centrale renseignements à Paris. Ai pu rouler Gestapo pour codes, mais crains essais allemands émissions. Prendre précautions. Le moral est magnifique et le débarquement aura lieu avant mon départ pour l’Allemagne. »

    Dans un autre message : « Donner nouveaux combats navals suite à mon dernier message (à Londres) ». Il fait là allusion au fait que, dans les heures qui ont précédé son arrestation, il a informé Londres de l’itinéraire et du calendrier d’un important convoi allemand le long des côtes nord de la Bretagne. « Dans la nuit du 15 au 16 avril, rapportera son frère Alain, une escadre britannique attaque ce convoi au large de Plougrescant-Port-Blanc. L’engagement dure une grande partie de la nuit. Les batteries côtières allemandes dans un rayon de 20 km ouvrent le feu. Plusieurs bâtiments du convoi sont endommagés. L’unité alle- mande la plus importante (contre-torpilleur) est poussée à la côte par la flotte anglaise et coulée. Pendant des jours les populations côtières ramassent des débris, des canots bourrés de cadavres, des noyés par centaines… D’après des témoins, il y aurait eu entre 1 300 et 1 800 victimes allemandes. »

    Dans un autre message encore, Yvon Jézéquel donne des consignes pour Germaine : « Le Roi d’Ys vous demande de faire tout votre pos- sible pour transmettre à Londres le message suivant : Message de Blavet: suis prison Rennes stop. Kervarec pris malchance stop espère sauver OK ou Mest-Bayanrd stop Attention messages Gestapo, TRG Fin. »

    Il ajoute : « Transmettre à Germaine phrase suivante mot à mot : Amitiés du Potonec au roi Grégoire. Il rêve des trios de Beethoven et du menuet de Boccherini- médite sur origine Emidyce-Bonnes nouvelles de Cri-Cri. Ne sait plus où est Petit Louis. En relation avec Appel. Conclusion : l’Aventure est au coin de la rue. Fin. »

    Mais il dit aussi : « Gestapo a proposé Simone libre si je donnais un ami. Suis sûr approuvez refus. »

    De son côté Simone écrit à ses parents : « Mes chers parents, voici presque trois mois que je vous ai quittés sans me douter de ce qui allait suivre ce voyage […] J’ai eu des nouvelles d’Yvon qui a toujours gardé le moral et beaucoup de courage. Malheureusement, il a quitté le 28 notre chère Bretagne pour l’exil. Yvon n’a jamais été confronté avec moi. Il a été interrogé trois fois à ma connaissance. Moi j’ai été interrogée deux fois (15 heures). »

    En fait, Yvon a été affreusement torturé dans la prison de Rennes. Dans le dernier billet de Simone, une bande de papier écrite au crayon et difficilement lisible : « Nouvelles excellentes hier soir. Temps splendide. Vivement Lézard, le sapin, le Trieux, les champs. Vivement une pièce qui sente bon, des fleurs, du linge propre, une table agréable. Vivement la liberté. »

    Neuengamme, Buchenwald

    Yvon est parti le 28 juin 1944 pour Compiègne, puis pour l’Alle- magne. À Neuengamme il subit le sort spécial des détenus dangereux. Il y meurt le 8 janvier 1945, selon son frère Alain (le 6 janvier, à Hambourg, selon son dossier administratif). Ses dernières paroles seront rapportées par un compagnon de détention, M. Boulenger : « Dites à mon père et à ma mère que je leur demande pardon pour tout le mal que je leur ai causé. Et pourtant, si c’était à refaire, je le referais. »

    Simone quitte la prison Jacques Cartier le 3 août 1944 par le dernier convoi de déportés, pour un trajet qui dure jusqu’à la fin du mois. Elle mourra à Ravensbrück deux mois après son frère (le 14 mars 1945 selon Alain Jézéquel; le 1er mars selon son dossier administratif). Yvon et Simone Jézéquel seront déclarés « Morts pour la France ».

    Yvon sera fait chevalier de la Légion d’honneur, recevra la croix de guerre avec palme, la médaille de la Résistance et la médaille des évadés, et sera cité par le gouvernement britannique. Son le nom est inscrit sur le mémorial de la Bretagne résistante à Paimpol.

    Simone recevra la médaille de la Résistance. Un témoignage de gratitude de l’Angleterre signé du maréchal Montgomery lui rend hommage en parlant d’elle comme d’« une volontaire des nations alliées qui a fait le sacrifice de sa vie pour que l’Europe puisse être libre ».

    Marie GATARD
    Membre du Comité Histoire de l’AASSDN




    Plan Jedburgh : Les Français premiers acteurs de la Libération en France

    Le plan Jedburgh, initié en juillet 1942 par le Special Operations Executive (SOE) et l’Office of Strategic Services (OSS), visait à soutenir la Résistance dans les territoires occupés pour faciliter l’avancée des troupes alliées après le débarquement. Cette collaboration anglo-américaine, enrichie par la participation des résistants français, belges et hollandais, comprenait la formation et le déploiement de 100 équipes d’opérations spéciales. Recrutées et entraînées dans le secret, ces équipes furent parachutées pour mener des missions de sabotage et de soutien aux maquis. Le bilan de cette opération secrète, bien que marqué par des pertes, témoigne de son impact crucial dans la lutte contre l’occupant nazi.

    Commentaire AASSDN : Comme chaque année mais plus encore cette année, les médias et la classe politique mettront en avant le rôle essentiel joué par les Alliés dans cette opération qui avait pour objectif de vaincre le nazisme après que Hitler ait déclaré la guerre aux Etats-Unis le 11 décembre 1941 soit 4 jours après Pearl Harbour.
    La libération de la France démarra par les 2 débarquements de Normandie essentiellement anglo-saxon et canadien (6 juin 1944) et de Provence (15 août 1944) essentiellement franco-américain. Si ces débarquements furent des succès, ce fut d’abord grâce aux innombrables renseignements très précis et actualisés transmis à Londres (vers la France Libre et l’Intelligence service) pendant des mois sur les troupes allemandes (infrastructures, dispositifs et matériels) par les grands réseaux de Renseignement de la Résistance (Confrérie Notre-Dame et Alliance notamment) mais aussi par des équipes de deux ou trois « commandos » souvent dirigées par des Français, entrainées en Grande Bretagne, puis parachutées en France occupée (Plan Jedburgh et opération Sussex).
    L’AASSDN tient particulièrement à rappeler le sacrifice de ces combattants de l’ombre, agissant dans la clandestinité et tenus au secret qui ont accepté de sacrifier leur vie pour la liberté de leur pays.
    c’étaient des garçons et des filles de 17 ou 25 ans, des patriotes ardents et de vrais guerriers qui n’ont pas eu la notoriété donnée par Hollywood au « soldat Ryan » et à ceux du « jour le plus long ». Mais faut-il rappeler que le premier mort du débarquement fut un parachutiste français largué en Bretagne.
    Enfin et quelles que soient les conflits actuels, n’oublions pas de 2 soldats allemands sur 3 furent tués par l’armée rouge aux côtés de laquelle l’escadrille française Normandie Niémen combattit et se couvrit de gloire. Elle fut la seule unité alliée à combattre sur le front oriental.

    Naissance du plan Jedburgh

    L’idée du plan Jedburgh est née en juillet 1942 au SOE (Special Operations Executive). L’OSS (Office of Strategic Services), se rapproche de lui dès avant le débarquement en Afrique du Nord pour analyser la possibilité d’envoyer du personnel en zone occupée afin de faciliter la progression des troupes après le débarquement, car le potentiel de la Résistance et l’expérience des réseaux anglais sont des atouts majeurs. Mais le plan stagne. Ainsi, afin de faire réagir le commandement, le SOE monte la manœuvre Spartan du 3 au 11 mars 1943. Les Américains y sont observateurs. L’exercice est si positif qu’un mémorandum est rédigé par les deux services 5 jours après. Il définit le rôle, les moyens de commandement et de contrôle ; un effectif de 70 équipes de 3 hommes dont 1 originaire du pays ; les fonctions au sein des maquis et les moyens de communication. On prévoit de larguer les équipes en uniforme pour leur assurer la protection des conventions en vigueur, cependant les habits civils sont admis.

    En avril, le nombre des équipes est porté à 100 dont 30 fournies par les pays envahis (France, Belgique et Hollande) car on prévoit de lourdes pertes

    Recrutement et entraînement

    La création du Comité National de la Résistance en mai 1943 facilite le rapprochement entre la France et les Alliés. En juillet, la France est invitée à recruter pour le plan. De Gaulle accepte, et le commandant Saint Jacques du bureau central de renseignement et d’action (BCRA), fait le tour des régiments d’Afrique du Nord. Les critères sont bien établis. Il ne s’agit pas seulement de recruter des baroudeurs mais des hommes ayant du cran, intelligents, aptes à jauger une situation politique locale et à s’imposer aux chefs des maquis et aux autorités civiles en place. 

    Si les Alliés fournissent leur quota sans difficulté, ce n’est pas le cas de la France. Saint Jacques puise la majorité des effectifs dans les unités non prévues pour la campagne d’Italie. Sa tâche est ardue suite aux réticences des colonels chefs de corps. Le quota n’est atteint qu’en avril 1944 alors que les cours ont débuté début février. Pour assurer la discrétion du plan Jedburgh, les Britanniques créent un nouveau camp d’instruction afin d’être sûrs qu’il reste inconnu de l’ennemi. Le château de Milton Hall, à Peterborough, est réquisitionné. Au lieu de STS (Special Training School), ce centre prend l’appellation de ME 65 (Military Establisment 65).

    Bien qu’installés dans un superbe cadre, les rapports entre les nationalités manquent de cordialité. Les Britanniques découvrent leurs cousins d’Amérique différents de ce qu’ils imaginaient et parfois plus étrangers que les Français eux-mêmes. Ces derniers, qui ont vécu 3 années de propagande de Vichy et l’affaire de Mers-El-Kébir, gardent leurs distances à l’égard des Anglais. De plus, ils sont exclus de la direction de l’école que se partagent les Alliés, et font face à des instructeurs qui prétendent leur apprendre à combattre alors qu’ils ont connu la campagne de 40 et celle de Tunisie… C’est en fait la guérilla qu’ils vont apprendre. Les cours  s’enchaînent à un rythme soutenu et abordent tous les sujets utiles aux futures missions :  parachutisme ; armement allié et ennemi ; tir instinctif ; mise en œuvre d’explosifs ; radio et chiffrement  ; organisation de zone de parachutage et guidage d’avion ; marches commandos et close-combat avec le major Sykes.

    L’ambiance est morose et la rigidité du directeur du centre, le colonel Spooner, n’arrange rien. En avril, il est remplacé par le Colonel Musgrave. Tout s’améliore. Des permissions sont  accordées. Il crée une osmose entre les stagiaires en formant avant l’heure les « teams » par libre choix des officiers qui choisissent ensuite leur radio. Puis, il organise un concours de dessin destiné à créer un insigne commun à tous. C’est Victor Gough qui gagne en créant les ailes « SF ». En mai et juin, 25 équipes partent pour Alger, le rayon d’action des avions ne pouvant assurer leur largage dans le sud de la France depuis l’Angleterre.

    Les missions

    A partir du 6 juin, Tempsford et Harrington sont les bases d’envol depuis l’Angleterre. En Algérie, ce sont celles de Maison Blanche et Blida. 

    Les missions se regroupent en 5 zones d’actions : la Bretagne ; la vallée de la Loire ; l’axe Châteauroux-Toulouse ; les Alpes et le sud-est ; enfin le nord-est. En juin, le but principal de retarder les renforts allemands vers la Normandie est atteint. Les mois suivants, la mission de protection des flancs des armées de libération progressant depuis la Normandie et la Provence est une réussite.

    L’utilisation du potentiel Jedburgh se répartit ainsi : en juin, 13 teams sont largués dans le sud, le centre et  la Bretagne. En juillet, 11 autres suivent vers la Bretagne et le centre-ouest. En août, suite au débarquement de Provence, l’aide aux maquis s’intensifie. 53 teams sont parachutés  vers le sud-ouest et les Alpes. En septembre, 10 teams renforcent l’est. Sur le front Atlantique, 4 autres sont déposés par mer. En novembre, un dernier team est positionné en Alsace face à la menace allemande. Chaque équipe saute avec une douzaine de containers d’armes ce qui permet aux Jedburghs d’instruire les maquis en attendant les parachutages demandés par radio. Le commandement des maquis n’est pas automatique et se fait en fonction des circonstances, mais la supervision reste la règle. 

    Le bilan

    Au total, 92 équipes Jedburghs sont envoyées en France dont 1 proche de la Belgique. En Hollande, 8 teams sont parachutés, dont 6 en appui à l’opération Market Garden.

    285 hommes ont été Jedburghs en France (103 Français, 89 Britanniques, 83 Américains, 8 Hollandais, 1 Belge et 1 Canadien). Les prévisions de 40% de perte n’ont heureusement pas été atteintes. On déplore cependant 19 tués (13 au feu, 4 exécutés après capture et 2 sauts mortels); 25 blessés (18 au feu et 7 au saut); 4 prisonniers.

    Bertrand SOUQUET
    Historien, fils de Jefdburgh

    Stagiaires Jed en salle de formation de télégraphie sans fil (W/T)
    Entrainement aux barres parallèles dans la cour de Milton Hall

    Team Daniel : Entraînement au stand de tir
    Team IVOR : saut nuit du 6 au 7 aout 1944 à Beddes, 6 km de Chateaumeillant, Indre. Balisage par Jed team Hamish.
    de G à D : T Sgt lewis GODDARD (US) W/T code name “Oregon “, atterrissage hors DZ, se tue a l’atterrissage, parachute en torche, KIA
    Captain Brit John Howard COX, team leader, code name “Monmouth “, atterrissage hors DZ, tombe dans un trou et se fait une entorse
    Ltn Fr Robert COLIN code name “Selune“, IF “LE DANTEC”, atterrissage hors DZ, tombe dans un trou, une balle de son pistolet lui traverse la jambe




    Exposition “Les plans secrets du Débarquement” de 1944

    Le délégué Ile-de-France a représenté l’AASSDN  le 22 mai 2024 à l’Hôtel de Lassay, à l’invitation de Madame Yaël Braun-Pivet, Présidente de l’Assemblée nationale à l’inauguration de l’exposition « Les plans secrets du Débarquement », à partir des archives du colonel Passy.  

    Parmi les personnalités présentes, madame la Secrétaire d’Etat Patricia Mirallès, chargée des Anciens combattants et de la mémoire, le général Thierry Burkhard, chef d’état-major des Armées, monsieur Nicolas Lerner directeur général de la Sécurité extérieure ; Monsieur l’ambassadeur Emié était également présent.

    Dans son discours d’ouverture, madame Braun-Pivet a tenu à rendre particulièrement hommage aux combattants de l’ombre qui avaient suivi l’appel de général de Gaulle, André Dewavrin qui prit pour nom de guerre celui de « colonel Passy », Maurice Duclos étant « Saint-Jacques », Alexandre Beresnikoff était « Corvisart ». Elle également salué leurs descendants présents à l’exposition.

    La DGSE avait accepté de confier, le temps de cette exposition, l’un de ses trésors patrimoniaux : une machine Enigma, unique en son genre, fabriquée par les Français à partir des plans dérobés aux Allemands. Toujours parmi les objets exposés, la chevalière en or du colonel Passy, qui porte les initiales AD : celles de son vrai nom, André Dewarin, qui étaient également celles de son identité fictive, Antoine Dubocq, antiquaire à Neuilly.

    Madame Yaël Braun-Pivet a tenu a rappeler qu’elle était petite-fille d’un réfugié originaire de Pologne qui s’engagea dans la Légion étrangère en 1939 pour défendre la France, puis qui rejoignit la Résistance. 

    Discours de Madame Yaël Braun-Pivet
    Passeport et identités du Commandant Passy
    Note du Général de Gaulle au Commandant Passy
    Exemplaire de la Machine Enigma
    Pain d’explosif TNT



    Commémoration du combat de Camerone (1863) : le colonel Grué, officier de légion et de renseignement mis à l’honneur

    Il y a 70 ans, Diên Biên Phu tombait après un affrontement dantesque où la fatigue, la boue, le sang, la mort mais aussi la fraternité d’armes étaient quotidiens. La chute du camp retranché sonnait le glas de la présence française en Indochine où la Légion était présente depuis 1883. Ils sont moins d’une soixantaine de survivants aujourd’hui. Ils étaient soixante-trois à Camerone. Tous se sont battus, fidèles à leur serment de servir la France, jusqu’au bout, à tout prix.

    Les survivants valides et disponibles de l’Indochine seront à Aubagne, au pied du monument aux morts pour honorer la mémoire des héros de Camerone et celle des 12 602 officiers, sous-officiers et légionnaires tombés en Indochine. Entourés de la Légion d’active, des régiments et bataillons de Légion ayant combattu à Diên Biên Phu, le colonel Bernard Grué remontera la voie sacrée en portant la relique de la main du capitaine Danjou. Il représentera l’ensemble de ses frères d’armes

    Commentaire AASSDN : Tous les ans, partout dans le monde les Légionnaires et les Anciens célèbrent le 30 avril la grande fête de la Légion. C’est la date anniversaire du combat légendaire et exemplaire de Camerone, qui s’est déroulé le 30 avril 1863 au Mexique. Ce combat symbolise l’accomplissement de la mission confiée, quelles que soient sa nature et le lieu, jusqu’au sacrifice de sa vie. C’est aussi l’expression la plus haute de la fidélité à la parole donnée et de la cohésion de cette troupe unique au monde, exemple du génie français, qui compte des hommes venus de 150 pays.

    Le colonel Grué a eu l’immense honneur de servir la Légion en Indochine. Il y eut un comportement héroïque au combat au cours duquel il a été grièvement blessé et capturé. Il a survécu à 4 ans d’une terrible captivité dans le camp de rééducation communiste vietminh n° 1. Il y montra une capacité de résistance notamment psychologique, hors du commun.

    Ses remarquables aptitudes intellectuelles le conduisirent à continuer à servir la France comme officier de Renseignement notamment dans des pays qui font aujourd’hui la une de l’actualité : l’Iran et la Russie. Ce soldat exceptionnel a écrit ses souvenirs riches d’enseignement dans 2 ouvrages :
    « l’espoir meurt en dernier » : guerre et captivité en Indochine avec la Légion étrangère 1949 – 1954 (Ed. Rocher) « Aventure en Iran et guerre en Algérie » 1954 – 1967 (Ed ; L’Harmattan)

    L’engagement au service de la France

    Bernard Grué voit le jour le 24 décembre 1924 à Bordeaux. Engagé volontaire devant l’intendant militaire de Coëtquidan au titre de l’école spéciale militaire de Saint-Cyr le 28 novembre 1945. Affecté au centre d’instruction d’Angers, il rejoint le camp du Ruchard le 15 décembre 1945. Conformément aux directives du Général de Lattre de Tassigny, qui prévoyait que les saint-cyriens devaient obligatoirement au préalable faire un stage dans la troupe comme sous-officier, il est nommé au grade de sergent le 15 mars 1946. Il est affecté au 99e bataillon

    d’infanterie alpine à Bourg-Saint-Maurice, en Tarentaise le 15 avril 1946. Le 1er août 1946, il est affecté au 92e régiment d’infanterie au camp d’Opme, près de Clermont-Ferrand.

    Admis aux cours de l’école spéciale militaire interarmes, il rejoint Coëtquidan en Bretagne le 16 janvier 1947. Ayant satisfait aux épreuves de l’examen de sortie, il fait le choix de l’infanterie métropolitaine. De novembre 1947 à février 1948, il est détaché au 7e régiment de tirailleurs algériens en Allemagne où il est promu sergent-chef le 1er décembre 1947 avant de rejoindre l’école d’application de l’infanterie au camp d’Auvours dans la Sarthe le 16 février 1948.

    A l’issue de sa formation, il choisit la Légion Etrangère et est affecté au Dépôt commun des régiments étrangers en Algérie. Il embarque à Toulon le 18 novembre, débarque à Oran le lendemain et est présent à Sidi Bel Abbès le 20 novembre 1948. Il est affecté au groupement d’instruction motorisé en qualité de chef de peloton.

    L’Indochine : les combats et le camp de rééducation N°1

    Le 22 mai 1949, il embarque à bord du SS Pasteur à destination de l’Extrême-Orient. Il débarque à Saigon le 7 juin où il est affecté au 3e régiment étranger d’infanterie. Il prend alors le commandement du poste 41 situé à une vingtaine de kilomètres au sud de That-Khê, sur une portion de la RC4. Il est nommé au grade de lieutenant le 1er octobre 1949.

    Les 16 et 17 septembre 1950 à Dong Khe, le lieutenant Grué est à la manœuvre sur la défense de son point d’appui fortement attaqué par un adversaire très supérieur en nombre et en moyens, se battant pied à pied avec un acharnement admirable, infligeant de lourdes pertes aux rebelles. Le 17 au matin, alors que l’adversaire a pris pied dans la citadelle, Grué, en se précipitant au canon de 57, servant lui-même cette arme, repousse l’assaut par un tir meurtrier à bout portant qui provoque un repli désordonné des rebelles, laissant sur place une dizaine de cadavres. Le 18 au matin, sa position est écrasée par l’artillerie et cernée de toutes parts, il lutte jusqu’au corps à corps, puis, blessé, il perd connaissance et est capturé par l’adversaire.

    Durant quatre ans, de septembre 1950 à août 1954, le lieutenant Grué est interné au camp n°1. Libéré le 28 août 1954, il est rapatrié sanitaire. Il quitte Saigon le 10 septembre et débarque à Marseille le 4 octobre. Evacué sur l’hôpital du val-de-Grâce à Paris, il bénéficie de congés de convalescence et de fin de campagne jusqu’à la fin mars 1955.

    L’officier de renseignement

    Désigné pour suivre une formation d’officier spécialisé dans les questions d’Orient et du Moyen-Orient, il est affecté à l’état-major des forces armées à Paris en novembre 1955. Diplômé des langues orientales en Persan, puis breveté de l’enseignement militaire supérieur, il part comme capitaine en Algérie d’où il revient pour intégrer le centre militaire d’études slaves puis pour suivre les cours de l’Ecole de guerre iranienne à Téhéran. De 1968 à 1971, il est attaché militaire adjoint à Moscou, de 1972 à 1974, il commande le 46e régiment d’infanterie à Berlin, puis il prend la direction du renseignement au Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE) à Paris.

    La vie civile et familiale

    Il quitte l’armée en 1978 avec le grade de colonel et fera une seconde carrière dans un grand groupe pharmaceutique.

    Il est marié depuis 70 ans cette année à Marie-Odile, qui l’a attendu pendant sa captivité. Il est père de trois enfants, Christine, Philippe et Anne-Marie, baptisée du nom du chant bien connu du 3e REI.

    Le colonel Bernard Grué est Grand officier de la Légion d’honneur, officier de l’ordre national du Mérite et titulaire de la croix de Guerre des théâtres d’opération extérieures avec une palme et deux étoiles de bronze, de la médaille coloniale et de la croix de la Valeur militaire.

    A lire :

    « Aventure en Iran et guerre en Algérie » 1954 – 1967 (Ed ; L’Harmattan)

    « l’espoir meurt en dernier » : guerre et captivité en Indochine avec la Légion étrangère 1949 – 1954 (Ed. Rocher)