L’affaire de la ” Malle égyptienne ” qui devait transporter de Home, mi-Caire pour ” examen de la situation “, un infortuné ” agent double “, a relancé l’intérêt porté aux valises diplomatiques dont nul n’ignore puisque qu’en font la plupart (les Services Spéciaux du monde).

Les valises et la petite Histoire

Le premier ” scandale ” retenu par la petite Histoire remonte à Louis IV : les services diplomatiques se querellaient fort en ce temps-là ; deux ou trois politiques contradictoires se menaient à la Cour de Versailles, ayant chacune ses agents et sa police.

Des adversaires (de Choiseul, se permirent un jour de forcer la valise diplomatique que le ministre expédiait à Vienne. Ils espéraient y trouver les documents leur permettant de prendre avantage sur lui.

Ils n’y découvrirent, en dehors de quelques papiers d’importance nulle, que deux mignonnes pantoufles féminines et un peu de lingerie de dentelle.

L’aventure fut vite connue, elle amusa paris et malgré les efforts du ” clan anti-Choiseul ” pour envenimer l’historiette, tout se termina au mieux. Par des chansons et deux ou trois épigrammes.

Depuis, on ne compte plus les aventures des valises diplomatiques.

Pendant l’entre-deux-guerres, neuf ou dix fois au moins leurs secrets furent trahis par des porteurs Candides ou corrompus.

Et l’opinion publique s’agita quelques jours.

En juillet 1939, la valise afghane, égarée, retrouvée, vit sortir de ses soufflets près d’un million (million or) de stupéfiants ; des notes assez aigres furent échangées à l’époque entre Paris et Kaboul. Puis l’oubli se lit.

La précédente année, la valise espagnole avait fait parler d’elle : elle ne renfermait aucun dossier, mais plusieurs ciboires, ostensoirs et précieux, ainsi que quelques lourds lingots, toujours de tout.

Une valise officielle, subtilisée au Consul britannique a Saint-Sébastien, au cours de l’été 1938, puis reprise en mauvais état à ses voleurs. transportait les plans de deux ou trois opérations d’envergure préparées par un gang d’espions francoistes travaillant en France.

L’enquête permit de mettre en fuite une douzaine de péninsulaires qui s’intéressaient un peu trop aux arsenaux. Le Consul anglais n’était pour rien dans l’affaire il avait été berné par les services secrets madrilènes.

Les valises à la veille de la Deuxième Guerre Mondiale

A la veille de la Deuxième Guerre Mondiale, nos services de contre-espionnage avaient quelques raisons d’être inquiets des activités à peine occultes de la plupart des ambassades étrangères résidant â Paris.

Le Quai d’Orsay, maintes fois alerté, faisait la sourde oreille.

Le ” secret ” de la diplomatie française de 1938 était de ne rien faire qui puisse soulever des incidents avec les états adverses et notamment avec ceux dont il était notoire qu’ils préparaient la guerre.

Faute d’obtenir par la voie officielle ta fin des agissements préjudiciables à la France, de certaines représentations étrangères, il fallut bien se résoudre a faire éclater quelques scandales et persuader ainsi le Gouvernement français de l’obligation qui lui était faite de réagir.

Un coup de main sur la valise diplomatique allemande fit découvrir un obus français de fabrication nouvelle qui partait allègrement pour Berlin.

Une ” visite ” de la valise diplomatique japonaise amena la découverte d’énormes liasses de dessins complets d’un nouveau moteur français d’avion qui devait être embarqué sur un bateau nippon faisant escale à Marseille.

Bien entendu ces ” scandales ” furent étouffés ” diplomatiquement “. mais permirent à nos Services Spéciaux d’obtenir une meilleure collaboration des Affaires Etrangères françaises et surtout une série de mesures défensives essentielles en cette année 1939.

Les valises pendant la guerre La guerre n’interrompit pas cet usage des valises diplomatiques.

Les Italiens que, par une incompréhensible complaisance (?) le Gouvernement français n’avait pas voulu priver de leurs consulats dans la zone des Armées, acheminèrent par valises diplomatiques sur Rome et Berlin, et pendant toute la ” drôle de guerre ” les renseignements recueillis par eux sur le dispositif de nos troupes.

Il fallut la perspicacité et l’obstination du poste de contre-espionnage de Lille, Colonel ROBERT-DUMAS en tête, pour faire cesser ces agissements criminels en faisant encore une fois éclater un ” scandale de valise “.

On pourrait assimiler à l’usage fait des valises diplomatiques, l’utilisation que comptait faire l’ambassade d’Allemagne de Bruxelles du ” train diplomatique ” (?) mis à sa disposition pour évacuer, en mai 1940, son ” personnel ” de Belgique.

Il s’agissait, ni plus ni moins, par ce moyen extraordinaire, que de mettre à l’abri plusieurs centaines d’agents de l’Abwehr brûlés dans le Nord et le Bénélux.

Le ” train ” devait transiter par la France pour gagner la Suisse. Fort heureusement, malgré l’opposition du Quai d’Orsay et sous la pression des Services Spéciaux français, il dût s’arrêter à Jeumont et à Fresnes, où, en dépit des protestations véhémentes de l’Ambassadeur d’Hitler, des ” visites ” permirent d’extraire les agents de l’Abwehr et de les interroger avec un intérêt exceptionnel…

Mais, revenons aux ” valises normales “. Pour la plus grande commodité de nos services clandestins (S.R. et C.E.) elles furent largement ouvertes de 1940 à 1942 pour acheminer nos courriers vers Londres, vers Genève ou vers Lisbonne.

Qu’il nous soit permis, au passage, de rendre une fois de plus hommage au personnel de la ” valise française ” de Vichy qui seconda si courageusement les efforts de résistance de nos réseaux, et à M. Dupuis, Ministre du Canada, qui achemina régulièrement vers Londres par la voie diplomatique canadienne, nos courriers les plus secrets.

Les ” valises modernes “

En 1958 la valise avait été la grande vedette de l’actualité. M. Lov Henderson, adjoint à M. Dulles, était en mission spéciale au Moyen-Orient.

Fin octobre, sa valise lui fut dérobée et l’on n’en retrouva plus trace. Quelques jours plus tard, M. Krouchtchev accusa avec violence les U.S.A. de tramer avec la Turquie un complot contre la sécurité syrienne. Il affirmait en avoir la preuve indiscutable. Les diplomaties occidentales sont à peu près unanimes à penser que ces preuves c’est dans la valise Henderson qu’il les avait trouvées. A quand et à qui la prochaine valise ? Le moyen est commode, encore que très éventé. Peu importe. La valise diplomatique continue ses bons et loyaux services comme le prouve l’affaire de la « malle égyptienne ». Pour les Services Spéciaux le vrai problème n’est pas de savoir si leurs ” clients ” utilisent ou non la valise diplomatique, mais bien de savoir quand il est opportun d’en provoquer l’ouverture, avec toutes les conséquences que cela peut comporter..

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