Discours du Colonel Henri Debrun, Président de l’AASSDN, prononcé le 1er Aout 2013 et lu à ses obsèques par Madame Donzeau, membre de l’ASSDN et proche de la famille de Madame Rouyer

Madame et très chère Amie,

Par déférence, ne devrais-je pas vous appeler “ Madame la Générale ”, selon
l’expression dont aimait faire courtoisement usage mon illustre prédécesseur, le
Colonel Paillole, Chef du contre-espionnage français camouflé pendant la guerre
sous le nom “ d’Entreprise des Travaux Ruraux ”, plus couramment “ T.R. ” ?
Vous aviez été très proche de lui au Poste de Vichy baptisé “ Violette ” et dirigé,
à partir de 1943, par votre mari alors Capitaine. Vous accomplissiez des tâches
de secrétariat, de transport de courrier et d’agent de liaison, tâches à haut risque
dans cette France entièrement occupée par l’ennemi.

Vous étiez aussi en relation étroite avec le 152e Régiment d’Infanterie, le glorieux
“ 15/2 ” entré en clandestinité totale dans l’Allier, régiment que rejoignit
votre mari comme capitaine, puis chef de bataillon pour combattre jusqu’à la fin
de la guerre avec la 1re Armée française.

Mais de ces actions, de vos souvenirs, vous aviez la discrétion de ne pas en
parler beaucoup, n’ayant, estimiez-vous, accompli que votre devoir.
Dès fin 1944, vous avez rejoint la toute nouvelle DGER qui devint le SDECE
et ce, jusqu’en 1951, comme secrétaire du Colonel Lafont, dit “ Verneuil ” qui,
à partir de novembre 1942, avait été le successeur sur le terrain du Commandant
Paillole.
Vous avez été parmi les premières à rejoindre notre Amicale des Anciens des
Services Spéciaux de la Défense Nationale (ASSDN) créée fin 1953 par vos
compagnons de combat clandestins et dont la présidence fut confiée d’emblée au
Colonel Paul Paillole.

Membre du Conseil d’Administration pendant de nombreuses années, vous
avez longtemps été notre trésorière. En reconnaissance de votre passé et des services
remarquables que vous avez rendus, nous avons eu à coeur de vous conférer
la distinction de “ Membre d’honneur de l’ASSDN ”.

Très attachée à l’Amicale, dont vous avez parcouru toute l’histoire et étiez
l’une de nos dernières amies à avoir vécu ces années fondatrices qui furent pour
vous tous celles d’un combat clandestin impitoyable, vous étiez pour nous une
référence, détentrice d’une part importante de notre mémoire que je n’hésitais
pas à consulter.

Vous m’accordiez en effet beaucoup d’affection et j’éprouvais pour vous, qui
m’aviez demandé de vous appeler “ Yvonne ”, un sentiment équivalent empreint
de respect.

Vous avez également présidé l’Amicale des Anciens du “ 15/2 ” et en étiez
devenue la Présidente d’honneur, c’est dire l’estime que ce régiment vous portait.

Agent de renseignement “ P 2 ”, sous-lieutenant chargé de mission, vous avez
été nommée Chevalier de la Légion d’honneur et de l’Ordre national du Mérite
et êtes titulaire de la Croix de Guerre avec citation à l’ordre du Corps d’Armée,
de la Croix du Combattant, de la Médaille de la Résistance française, de la Croix
du Combattant Volontaire 39/45 et de la Croix du Combattant volontaire de la
Résistance.

Aujourd’hui vous rejoignez votre mari, le Général de Division André Rouyer
et votre fille, laissant votre fils Christian et votre petit-fils dans le chagrin. Vous
rejoignez de même la cohorte de vos amis des Services Spéciaux qui vous ont
précédée dans l’Au-delà.

Pour nous qui avons eu la chance de vous connaître, votre décès crée dans nos
rangs un vide à la fois sentimental, amical et historique. Nous perdons plus
qu’une amie et nous en éprouvons une grande peine.

Je prie votre fils Christian, ancien Ambassadeur de France au Mali, ainsi que
son fils et toute votre famille, de croire, au nom de l’ASSDN et à titre personnel,
à notre profonde tristesse et à nos plus sincères et amicales condoléances.
Étant à plus de 600 km de Brunoy, je me trouve, à mon très grand regret, dans
l’impossibilité de vous accompagner comme je l’aurais souhaité.

Mais, Yvonne, permettez-moi de vous appeler affectueusement par votre prénom,
“ Vous n’êtes pas loin, juste de l’autre côté du chemin ”, comme disait le
poète Charles Péguy.

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