Extraits de l’ouvrage ” La Grande Maison ” – 1976
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Par Charles CHENEVIER
On a coutume de dire en parlant de « maîtres-espions »: les héros de l’Ombre. Ce sont des combattants évitant les « flashes » de l’actualité et refusant les feux de la rampe. C’est un impératif de leur emploi. Ils jouent un rôle ingrat, écrit par un scénariste impitoyable pratiquant rarement le « happy end », affichant même une prédilection certaine à proposer une conclusion brutale. Quel que soit son talent l’espion se fait toujours coiffer au poteau… d’exécution. Quand ce n’est pas pire. L’espion « survivant » ne joue jamais les vedettes. Il rentre ,de lui-même dans l’anonymat. Ce n’est ni un monstre ni un monstre sacré. Le masque des ténèbres lui va comme un gant sans empreintes. Pour ses exploits il demande la récompense d’un certain silence. D’une manière générale, c’est bien la seule que l’on daigne lui octroyer.
De ces hommes, de ces femmes, j’en ai rencontrés. Presque tous, presque toutes manquent à l’appel. Je le dis en connaissance de cause, également en qualité de président national des Amicales des Réseaux de Renseignement et d’Evasion de la France Combattante aux effectifs bien maigres. Les survivants sont rares. Voilà pourquoi je m’élève tranquillement contre l’odieuse escroquerie d’une femme qui voulut s’égaler à Mata-Hari. L’espionne allemande tomba sous les balles françaises. Elle avait joué, elle avait perdu. Elle mérite notre respect. L’autre a triché, a menti, a usurpé gloire et notoriété. Elle mérite notre mépris.
Je cite ici à comparaître Marthe Richard, espionne au service de la France. Et puisque, à un récent « Dossier de l’Ecran » (1), on ne m’a pas laissé la parole, tant est grand le souci de cultiver les « mythes » pour éblouir, rassurer le grand public, je vais la reprendre ici, à voix haute.
Ces « Dossiers de l’Ecran » se déroulaient sur le thème « Une femme et sa légende ». Peu m’importe la femme, mais je vais détruire la légende, une légende qu’elle a bâtie de ses mensonges, sans vergogne, au mépris de la plus élémentaire décence. Pire, elle a vécu, et bien vécu, de son histoire, tandis que d’autres femmes faisaient le sacrifice total et payaient de leur vie le devoir d’écrire la nôtre.
Il faut effacer du tableau noir le nom de Marthe Richard. Dans nos écoles nous avons mieux à proposer à nos enfants en matière d’authentiques héroïnes. Parmi les « anonymes », il n’y a, hélas ! que l’embarras du choix. Pour avoir « fait du renseignement » au cours de cette dernière guerre, quarante-sept Françaises ont été fusillées ou décapitées à la hache dans les prisons allemandes. L’une d’elles a connu la plus affreuse des morts. Refusant de parler, ses bourreaux l’ont brûlée vive au lance-flammes. Non ! Marthe Richard, vous n’êtes pas Jeanne d’Arc.
Faut-il vous parler aussi, des milliers de femmes résistantes mortes dans les camps de déportation? Le martyrologe des Françaises est impressionnant. Vos mensonges les salissent. Voilà pourquoi je vais les dénoncer, pourquoi, après ces « Dossiers de l’Ecran » au cours desquels vous n’aviez pas le beau rôle, sans avouer pour autant votre forfaiture, j’ai entrepris ma dernière enquête.
Le film servant de prétexte aux « Dossiers » est l’œuvre de Raymond Bernard d’après le récit du commandant Ladoux, l’homme qui inventa « Marthe Richard », authentique officier de renseignements. Ce film, l’intéressée n’a pas fait que le tolérer, elle l’a adopté, en a approuvé le scénario, cautionné l’authenticité. L…