Des tranchées de 14-18 au peloton d’exécution de 1943, sans jamais déroger à sa ligne, Georges Agoutin est l’image d’un indéfectible patriotisme. Peu en sont capables, quelques-uns laissent leur nom dans l’Histoire, ne laissons pas ceux qui restent dans l’ombre tomber dans l’oubli.

Engagé volontaire pour la Première Guerre mondiale à 19 ans, Georges Agoutin est incorporé au 26e régiment d’artillerie en février 1916 et depuis près de 7 mois sur le front, en pleine bataille de la Somme, quand les Allemands emploient un gaz moins connu que le gaz moutarde, le phosgène, incolore, à l’odeur de « foin moisi », sur nommé Etoile blanche lorsqu’il est mélangé à du chlore (d’après le marquage des fûts qui le contiennent). Le phosgène sera responsable de 85 % des tués par arme chimique.
Le 10 octobre, Georges est gazé devant le moulin de Becquincourt. Évacué, il survivra, avec les séquelles que cela peut représenter, et sortira de cette guerre avec trois citations et la Croix de guerre.

Rien ne semblait prédisposer à un engagement militaire ce jeune Normand aux yeux gris, à la silhouette élancée (1,76 m était une belle taille à l’époque), muni de son brevet élémentaire et d’un diplôme d’agriculture, si ce n’est cet amour de son pays qui lui devra de recevoir aussi la Médaille de la Résistance la guerre suivante.

Né dans un village de l’Eure, Mesnil-sur-Estrée, le 22 septembre 1897, il n’avait pas connu sa mère, Berthe Harang, morte quelques jours après sa naissance. Son père, Joseph Agoutin, remarié, devait avoir une fille et un autre fils.
En octobre 1917, maréchal des logis, il est versé dans la réserve, puis détaché, le 7 juillet 1918, au 1er Groupe d’aérostation dépendant de l’aéronautique de la X e Armée.
Peu après, il se marie avec Yvonne Bicherel. Une fille, Marie-Rose, leur naîtra en janvier 1921 et, en avril 1926, un fils, Michel (qui sera, plus tard, dans la Division Leclerc).

Quand survient la mobilisation de 1939, Georges Agoutin entre comme lieutenant, dans l’aviation, d’abord à Chartres, puis à Reims au Groupe aérien d’observation (GAO) 504, enfin à Tours à la base aérienne 109. En mai 1940, il effectue une mission périlleuse sur le LeO 45 n°4 (Istres-Tunis- les Baléares-Lézignan- Saint Raphael, 2 400 km en mer en 5h27). Un mois plus tard, il participe aux bombardements de Genevo Spezzia, de Livora, de Pise et du Lido de Rome. Enfin, au cours du bombardement de Palerme, il est atteint au bras par des balles de mitrailleuse et reçoit la Légion d’Honneur et la Croix de guerre (deux citations). Enfin, à sa sortie de l’hôpital militaire de Blida, il rentre en France, où il sera affecté au 2e Bureau de l’état major, à Avignon, avant d’être rendu, en 1941, à la vie civile.
Il tient alors un hôtel à Paris dans le XVIIe arrondissement, l’hôtel Demours, 14 rue Pierre Demours. Des Allemands y sont logés.

Il devient chef d’un réseau des Services spéciaux

C’est alors qu’il est contacté par un agent du SR Guerre et recruté par ce service à partir du 2 avril 1941, comme agent P2.
Son chef, le colonel Simoneau (chef du Poste P2 et futur directeur du Service de renseignements opérations (SRO), précisera que Georges Agoutin est alors chef d’un réseau assez important du SR Air (sous le pseudonyme de Alain Agniol, ou Agniel) et fournit d’excellents renseignements. Certains membres de son réseau sont connus, ainsi, Mme Gardes, une employée du chemin de fer de Versailles, qui sera inculpée en même temps que lui, et Mme Charlotte Poirier Marchebout qui, du 15 septembre 1940 au 15 mai 1942, exerce des activités de renseignements et de liaisons sous sa direction, dans l’Ouest parisien, l’Eure-et-Loir et la Normandie. C’est elle qui, lorsque Georges Agoutin est recherché en septembre 1941, l’héberge et facilite son passage en zone libre (cette femme discrète, uniquement connue par un prénom ne sera identifiée qu’en 1951).

Mais Georges Agoutin est finalement arrêté le 17 mai 1942.
Ce soir-là, il est en famille, à son hôtel, où il habite. Un rapport concernant l’artillerie allemande qu’il a dissimulé, vient de lui être apporté par un agent de son réseau, André Gardes, qui a été son compagnon d’armes au GAO 504 à Chartres et qu’il a lui-même recruté en septembre 1940. Dix minutes plus tard arrivent des policiers en civil, armés : lors de la perquisition, la Gestapo va droit à l’endroit où se trouvent les papiers cachés.
Cette précision laisse penser qu’Agoutin a été trahi par un agent de liaison. Son appartement est bouleversé.

Il est frappé et emmené avec sa compagne, Germaine, et sa petite fille, Jeanine, dans une villa de Neuilly connue comme un lieu de tortures.
Enfermé dans la cave durant trois jours, attaché à un mur et sauvagement traité, c’est un détenu dans un état terrible qui est emmené à Fresnes.
Germaine, subit interrogatoires et menaces de mort, avant d’être libérée après dix jours d’internement avec son enfant.
Jusqu’à l’hiver, Georges Agoutin est à Fresnes, encore interrogé et menacé. Le 30 décembre, après sept mois et demi au secret, il peut revoir sa compagne : il est faible, presque sans voix, psychiquement atteint.
Quelques jours plus tard, le relais des voix des prisonniers de cellule à cellule l’avertit que Germaine est détenue au 3e étage, 3e division, cellule 340, et il entend sa voix: « J’ai été arrêtée le 5 janvier. Courage, confiance! A bientôt! »

[…]

Marie GATARD
Administratrice de l’AASSDN
Auteur du livre Les silencieux des Services spéciaux 1940-1945

Pour lire l’article dans son intégralité, cliquez ICI

Légende de la photo bandeau : La bataille de la Somme
Source de la photo bandeau : ECPAD

image_pdfimage_print
Recevoir les actualités par email