Il y a 70 ans, Diên Biên Phu tombait après un affrontement dantesque où la fatigue, la boue, le sang, la mort mais aussi la fraternité d’armes étaient quotidiens. La chute du camp retranché sonnait le glas de la présence française en Indochine où la Légion était présente depuis 1883. Ils sont moins d’une soixantaine de survivants aujourd’hui. Ils étaient soixante-trois à Camerone. Tous se sont battus, fidèles à leur serment de servir la France, jusqu’au bout, à tout prix.

Les survivants valides et disponibles de l’Indochine seront à Aubagne, au pied du monument aux morts pour honorer la mémoire des héros de Camerone et celle des 12 602 officiers, sous-officiers et légionnaires tombés en Indochine. Entourés de la Légion d’active, des régiments et bataillons de Légion ayant combattu à Diên Biên Phu, le colonel Bernard Grué remontera la voie sacrée en portant la relique de la main du capitaine Danjou. Il représentera l’ensemble de ses frères d’armes

Commentaire AASSDN : Tous les ans, partout dans le monde les Légionnaires et les Anciens célèbrent le 30 avril la grande fête de la Légion. C’est la date anniversaire du combat légendaire et exemplaire de Camerone, qui s’est déroulé le 30 avril 1863 au Mexique. Ce combat symbolise l’accomplissement de la mission confiée, quelles que soient sa nature et le lieu, jusqu’au sacrifice de sa vie. C’est aussi l’expression la plus haute de la fidélité à la parole donnée et de la cohésion de cette troupe unique au monde, exemple du génie français, qui compte des hommes venus de 150 pays.

Le colonel Grué a eu l’immense honneur de servir la Légion en Indochine. Il y eut un comportement héroïque au combat au cours duquel il a été grièvement blessé et capturé. Il a survécu à 4 ans d’une terrible captivité dans le camp de rééducation communiste vietminh n° 1. Il y montra une capacité de résistance notamment psychologique, hors du commun.

Ses remarquables aptitudes intellectuelles le conduisirent à continuer à servir la France comme officier de Renseignement notamment dans des pays qui font aujourd’hui la une de l’actualité : l’Iran et la Russie. Ce soldat exceptionnel a écrit ses souvenirs riches d’enseignement dans 2 ouvrages :
« l’espoir meurt en dernier » : guerre et captivité en Indochine avec la Légion étrangère 1949 – 1954 (Ed. Rocher) « Aventure en Iran et guerre en Algérie » 1954 – 1967 (Ed ; L’Harmattan)

L’engagement au service de la France

Bernard Grué voit le jour le 24 décembre 1924 à Bordeaux. Engagé volontaire devant l’intendant militaire de Coëtquidan au titre de l’école spéciale militaire de Saint-Cyr le 28 novembre 1945. Affecté au centre d’instruction d’Angers, il rejoint le camp du Ruchard le 15 décembre 1945. Conformément aux directives du Général de Lattre de Tassigny, qui prévoyait que les saint-cyriens devaient obligatoirement au préalable faire un stage dans la troupe comme sous-officier, il est nommé au grade de sergent le 15 mars 1946. Il est affecté au 99e bataillon

d’infanterie alpine à Bourg-Saint-Maurice, en Tarentaise le 15 avril 1946. Le 1er août 1946, il est affecté au 92e régiment d’infanterie au camp d’Opme, près de Clermont-Ferrand.

Admis aux cours de l’école spéciale militaire interarmes, il rejoint Coëtquidan en Bretagne le 16 janvier 1947. Ayant satisfait aux épreuves de l’examen de sortie, il fait le choix de l’infanterie métropolitaine. De novembre 1947 à février 1948, il est détaché au 7e régiment de tirailleurs algériens en Allemagne où il est promu sergent-chef le 1er décembre 1947 avant de rejoindre l’école d’application de l’infanterie au camp d’Auvours dans la Sarthe le 16 février 1948.

A l’issue de sa formation, il choisit la Légion Etrangère et est affecté au Dépôt commun des régiments étrangers en Algérie. Il embarque à Toulon le 18 novembre, débarque à Oran le lendemain et est présent à Sidi Bel Abbès le 20 novembre 1948. Il est affecté au groupement d’instruction motorisé en qualité de chef de peloton.

L’Indochine : les combats et le camp de rééducation N°1

Le 22 mai 1949, il embarque à bord du SS Pasteur à destination de l’Extrême-Orient. Il débarque à Saigon le 7 juin où il est affecté au 3e régiment étranger d’infanterie. Il prend alors le commandement du poste 41 situé à une vingtaine de kilomètres au sud de That-Khê, sur une portion de la RC4. Il est nommé au grade de lieutenant le 1er octobre 1949.

Les 16 et 17 septembre 1950 à Dong Khe, le lieutenant Grué est à la manœuvre sur la défense de son point d’appui fortement attaqué par un adversaire très supérieur en nombre et en moyens, se battant pied à pied avec un acharnement admirable, infligeant de lourdes pertes aux rebelles. Le 17 au matin, alors que l’adversaire a pris pied dans la citadelle, Grué, en se précipitant au canon de 57, servant lui-même cette arme, repousse l’assaut par un tir meurtrier à bout portant qui provoque un repli désordonné des rebelles, laissant sur place une dizaine de cadavres. Le 18 au matin, sa position est écrasée par l’artillerie et cernée de toutes parts, il lutte jusqu’au corps à corps, puis, blessé, il perd connaissance et est capturé par l’adversaire.

Durant quatre ans, de septembre 1950 à août 1954, le lieutenant Grué est interné au camp n°1. Libéré le 28 août 1954, il est rapatrié sanitaire. Il quitte Saigon le 10 septembre et débarque à Marseille le 4 octobre. Evacué sur l’hôpital du val-de-Grâce à Paris, il bénéficie de congés de convalescence et de fin de campagne jusqu’à la fin mars 1955.

L’officier de renseignement

Désigné pour suivre une formation d’officier spécialisé dans les questions d’Orient et du Moyen-Orient, il est affecté à l’état-major des forces armées à Paris en novembre 1955. Diplômé des langues orientales en Persan, puis breveté de l’enseignement militaire supérieur, il part comme capitaine en Algérie d’où il revient pour intégrer le centre militaire d’études slaves puis pour suivre les cours de l’Ecole de guerre iranienne à Téhéran. De 1968 à 1971, il est attaché militaire adjoint à Moscou, de 1972 à 1974, il commande le 46e régiment d’infanterie à Berlin, puis il prend la direction du renseignement au Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE) à Paris.

La vie civile et familiale

Il quitte l’armée en 1978 avec le grade de colonel et fera une seconde carrière dans un grand groupe pharmaceutique.

Il est marié depuis 70 ans cette année à Marie-Odile, qui l’a attendu pendant sa captivité. Il est père de trois enfants, Christine, Philippe et Anne-Marie, baptisée du nom du chant bien connu du 3e REI.

Le colonel Bernard Grué est Grand officier de la Légion d’honneur, officier de l’ordre national du Mérite et titulaire de la croix de Guerre des théâtres d’opération extérieures avec une palme et deux étoiles de bronze, de la médaille coloniale et de la croix de la Valeur militaire.

A lire :

« Aventure en Iran et guerre en Algérie » 1954 – 1967 (Ed ; L’Harmattan)
« l’espoir meurt en dernier » : guerre et captivité en Indochine avec la Légion étrangère 1949 – 1954 (Ed. Rocher)
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