1981 : le 26eme Congrès du parti communiste et les événements de Pologne par Michel Garder

Au lendemain du 26e Congrès du Parti Communiste de l’Union Soviétique qui s’est tenu du 23 février au 3 mars 1981, nous avons pu, au travers des discours des principaux dirigeants soviétiques ou satellites, discerner les grandes lignes du nouveau plan stratégique du Kremlin. Ce plan qui comportait une modification majeure par rapport à celui qui était en vigueur depuis le 25e Congrès de 1976, pouvait se résumer ainsi :

Sur le théâtre extérieur :

Report de l’effort principal de l’Afrique sur l’Asie : Golfe Persique et Chine, celle-ci étant nommément désignée comme ennemie. Les objectifs principaux de cet effort principal semblaient devoir être les suivants :

– renforcement de la présence soviétique dans la zone du Golfe : Afghanistan et, si possible, en Iran et au Pakistan ;

– isolement de la Chine en la dissociant du Japon et des Occidentaux, soit encerclement en s’appuyant sur l’Inde et surtout le Vietnam, et si possible une révolution à Pékin.

Face aux Occidentaux on multiplierait les offensives de paix compor­tant au besoin quelques concessions apparentes et visant à les couper totalement de la Chine, à amadouer les Américains, à dissocier ceux-ci des Européens et à jouer sur les contradictions entre ces derniers, la France étant choisie comme le « maillon » important du dispositif.

Enfin en Afrique on se contenterait de maintenir les positions acquises tout en diminuant nettement l’effort.

Sur le théâtre intérieur :

Aucun changement. Autrement dit, « poursuite du renforcement de l’Union Soviétique et maintien de la cohésion et de la sécurité du camp socialiste ».

En d’autres termes, l’U.R.S.S. s’efforcerait de poursuivre à la fois le renforcement de son potentiel militaire et le développement de son économie au besoin grâce à l’aide de « l’adversaire capitaliste » (Amérique, Europe, Japon) et veillerait au maintien de l’intégrité et du monolithisme de l’Empire, l’Afghanistan et la Pologne constituant ses deux préoccupations immédiates.

1. UNE STRATEGIE RIGIDE ET UN PLAN CONTESTABLE

Contrairement à une idée fausse partagée par bon nombre de responsables occidentaux, les dirigeants soviétiques sont beaucoup moins opportunistes et pragmatiques qu’il n’y paraît, et leur stratégie totale n’est nullement souple.

Cette erreur d’appréciation provient d’une part de ce que lesdits responsables ne se donnent pas la peine de suivre au jour le jour le jeu stratégique de Moscou, en effectuant au besoin des retours en arrière à des fins de vérification et, d’autre part, du fait qu’au plan tactique les Soviétiques font effectivement preuve d’une certaine souplesse.

En réalité, prisonniers des dogmes au nom desquels ils détiennent le pouvoir, les oligarques soviétiques raisonnent en fonction des schémas établis une fois pour toutes et s’accrochent en ce domaine, comme en celui de l’économie, aux vertus magiques de la planification. Ce détail essentiel du fonctionnement de cet état-major général que représente l’appareil du Comité Central échappe curieusement à la quasi totalité de nos « Kremlinologues »: C’est ainsi que Michel VOSLENS y fait à peine allusion clans sa « Nomnenklatura » et que Mme CARRERE D’ENCAUSSE n’en parle absolument pas dans son excellent ouvrage « Le Pouvoir confisqué ».

La majeure partie des succès soviétiques, sur le théâtre extérieur, son justement dus à cette grave méconnaissance chez leurs adversaires de la véritable nature d’une stratégie par excès de planification, laquelle, Dieu merci, a valu par ailleurs bien des déboires au Kremlin. Il se trouve même que nous sommes probablement à la veille d’une éclatante démonstration de cette dernière affirmation, dans la mesure où les stratèges de Moscou paraissent incapables tant d’en modifier le plan – pourtant contestable – qu’ils mettent actuellement en oeuvre que de résoudre les contradictions existant entre les objectifs des théâtres extérieurs et intérieurs.

En effet, si les stratèges soviétiques avaient été effectivement pragmatique et opportunistes, autrement dit libres de leurs initiatives, ils auraient eu dans la situation actuelle le choix entre deux solutions : soit un rapprochement réel avec les Occidentaux pour se retrouver en position de force vis-à-vis des Asiatiques, soit à l’inverse une franche ouverture en direction de ces derniers.

Dans le premier cas il leur eût suffi de quelques gages : retrait progressif d’Afghanistan et attitude compréhensive en ce qui concerne le règlement de problèmes du Moyen-Orient par exemple, avec, en retour, une aide substantielle à leur économie.

Dans le second cas, la seule restitution des Îles Kouriles au Japon et éventuellement quelques avances à la Chine auraient pu modifier la situation du tout au tout.

Mais une loi non écrite et pourtant formelle interdit aux oligarques soviétiques d’avoir des alliés. Moscou ne peut avoir que des subordonnés ou des ennemis. De là la rigidité de sa stratégie et l’avantage que détient en l’occurrence Pékin qui ne dédaigne aucune alliance contre l’« hégémonisme soviétique ».

C’est également la raison pour laquelle les oligarques moscovites ne peuvent souffrir la moindre incartade de leurs subordonnés et traitent immédiatement en ennemis ceux qui tentent de se libérer de leur férule.

Rien d’étonnant dès lors que le plan stratégique rappelé ci-dessus, plan auquel on s’accroche envers et contre tout à Moscou, soit plus que contestable.

2. UN MOIS ET DEMI DE TÂTONNEMENTS

Dès la fin du Congrès, le Kremlin avait tenté de mener de pair sa grande offensive de paix vis-à-vis de l’Occident et la remise au pas de la Pologne. Convoqués une fois de plus à Moscou, les dirigeants de Varsovie avaient promis de faire leur possible pour « normaliser » la situation dans leur pays. C’était là une promesse purement gratuite car, en réalité, la situation leur échappait totalement et pour obtenir la moindre solution il fallait à Stanislas KANIA et au général JARUSELSKY implorer la bénédiction de l’Eglise et passer par les exigences de « Solidarité ». Pour un régime qui se voulait encore totalitaire c’était un constat de faillite.

Au Kremlin pendant ce temps, on ne pouvait pas croire à la liquéfaction du Parti polonais, et l’on s’accrochait à l’espoir qu’il suffirait aux camarades de Varsovie de faire preuve d’un peu plus d’énergie pour en imposer à la fois à l’Église et aux syndicats autonomes.

Les manoeuvres du Pacte de Varsovie prévues pour la deuxième quinzaine de mars devaient apporter aux « nomenclaturistes » polonais l’appui moral nécessaire à une reprise en main de la population.

Cependant en Pologne, les paysans qui n’avaient toujours pas pu obtenir la reconnaissance de leur propre syndicat autonome accentuaient leur pression sur les autorités, et à Bygdoszcz leurs représentants s’étaient emparés de la préfecture pour une occupation illimitée. Maladresse ou provocation, les autorités locales crurent bon de faire intervenir brutalement la milice. D’où une réponse énergique de « Solidarité » exigeant une enquête officielle et des sanctions contre les responsables locaux. Ce fut le début d’une épreuve de force risquant de tourner à l’avantage des syndicats, ce que Moscou pouvait difficilement tolérer. Du coup les manoeuvres en cours se transformèrent en une mise en place d’un important dispositif opérationnel aux frontières et à l’intérieur même du territoire polonais. On procéda, semble-t-il, à des rappels de réservistes dans les régions militaires de la Baltique, de Biélorussie et des Carpates ; la flotte de la Baltique simulait un blocus des côtes de la Pologne avec exercices de débarquement d’unités blindées et de détachements de fusiliers-marins ; des divisions de l’Allemagne de l’Est s’installaient carrément sur la rive droite de l’Oder et, sous prétexte de manoeuvres, paradaient sur les anciens territoires allemands cédés à la Pologne depuis 1945.

Cependant « Solidarité » lançait le 27 mars une grève d’avertissement de quatre heures, massivement suivie dans tout le pays, et annonçait pour le 31 une grève générale illimitée.

Une intervention des forces armées du Pacte de Varsovie paraissait imminente. Les États-unis et les pays membres de l’Alliance Atlantique crurent bon d’adresser à Moscou d’énergiques mises en garde.

L’offensive de paix soviétique risquait d’être totalement compromise. Réuni à Varsovie le 29 mars 1981, le Plenum du Comité Central du Parti Polonais devait, entre-temps faire l’étalage de ses divisions et de son impuissance.

Sur le conseil de l’épiscopat, Lech WALESA estima bon d’assouplir quelque peu l’attitude de « Solidarité » et de sauver en quelque sorte le pouvoir, grâce à un compromis et à l’annulation de l’ordre de grève. Au même moment, aux États-unis l’attentat contre le président REAGAN captait l’attention de l’opinion publique mondiale et dédramatisait – dans une certaine mesure – les événements de Pologne.

Nous ignorons bien entendu l’effet produit sur l’oligarchie soviétique par l’attentat de Washington, mais il n’est pas exclu que celui-ci ait renforcé la position de ceux qui étaient opposés à une intervention en Pologne Il n’est pas exclu, en particulier, que l’argument selon lequel les Américains auraient pu trouver un lien entre les deux événements ait été invoqué à cette occasion.

Toutefois, du jour au lendemain, la propagande soviétique allait changer de thèmes et englober dans ses anathèmes les forces anti-socialistes polonaises et le laxisme des dirigeants de Varsovie.

Les manoeuvres se poursuivant, on eut de nouveau l’impression en Occident que l’engrenage fatal s’était remis en route, cela d’autant plus que les dirigeants des pays satellites donnaient de plus en plus de la voix, Allemands de l’Est et Tchécoslovaques étant les plus virulents.

Le point culminant devait être atteint le vendredi 3 avril ; puis le samedi 4 ce fut la surprise de l’annonce de la participation de Leonid BREJNEV au Congrès du Parti Communiste Tchécoslovaque deux jours plus tard.

Dès lors il devenait évident que l’intervention se trouvait remise « sine die », ce que le secrétaire du Parti Communiste Soviétique allait confirmer par son discours de Prague qui contrastait curieusement avec celui du camarade HUSSAK, écrit probablement au moment où celui-ci croyait encore à l’inévitabilité d’une « aide fraternelle à la Pologne ».

En marge de ce Congrès il y eut une mystérieuse entrevue BREJNEV-JALLOD, le second Libyen venant peut-être réclamer de nouvelles armes à son fournisseur soviétique.

Depuis, nous avons assisté à la fin des manoeuvres et, semble-t-il, à la démobilisation des réservistes. Certes le Kremlin allait jouer dans la coulisse un certain rôle dans les événements du Moyen-Orient, coïncidant avec la visite du général HAIG dans cette partie du monde ; toutefois le ton de la propagande moscovite était devenu moins virulent. Il y eut ensuite le Congrès du Parti Est-Allemand au cours duquel l’irascible SOUSLOV, « missus dominicus » au Kremlin, se montra moins en verve que d’habitude, cependant que le repré­sentant du Parti Communiste Français se permit de condamner l’éventualité d’une intervention soviétique en Pologne. Il fallait attendre l’avant-veille de Pâques pour que de nouvelles concessions de l’oligarchie polonaise vinssent rappeler au reste de l’Empire Soviétique qu’il n’y avait pas lieu de trop compter sur le Parti ouvrier unifié polonais pour résoudre lui-même ses problèmes.

3. UNE SITUATION INTOLÉRABLE POUR LE KREMLIN

Il est vrai qu’en ce jour de Vendredi-Saint on devait apprendre coup sur coup que les autorités de Varsovie avaient accepté d’enregistrer avant le 10 mai un syndicat autonome rural et pris bonne note des revendications formulées à Torun par un vaste forum de contestataires de la base du Parti. Ces deux faits dépassaient largement en importance tous les événements précédents. D’une part le Parti reconnaissait à trois millions et demi de petits propriétaires (de koulaks, selon le jargon soviétique) le droit de se grouper en un syndicat et de partager avec les dix millions d’ouvriers et employés le beau titre de « Solidarité ». Ainsi toute la population active du pays, ne reconnaissant au fond que la seule autorité de l’Église, tendait à se dresser face à une poignée d’« apparatchiks », lesquels d’autre part se voyaient contestés par leur propre base et acceptaient humblement cette contestation.

Devant l’énormité de ces deux événements, le Kremlin surpris une fois de plus, est demeuré pratiquement sans réaction. L’agence Tass s’est contentée de citer sans commentaire des extraits de l’agence de presse polonaise annonçant la reconnaissance du syndicat rural. De son côté, un des stratèges du Kremlin, M. ZAMIATINE, Chef du département d’information internationale du Comité Central du Parti Communiste Soviétique, devait reprendre tous les thèmes officiels de la propagande en vigueur depuis la reculade du 4 avril : ingérences occidentales, forces anti-socialistes manipulées par le « Comité de Défense antisociale » (K.O.R.), et réitérer la confiance de son Parti aux dirigeants polonais. En revanche à Prague on s’est montré moins confiant vis-à-vis de ces derniers en les accusant d’avoir « cédé une nouvelle fois à la pression politique de « Solidarité ».

De toutes façons, il est évident que la situation est devenue franchement intolérable pour le Kremlin et qu’au sein de l’oligarchie, comme à la veille de l’intervention en Tchécoslovaquie, partisans de « l’aide fraternelle à la Pologne » et tenants d’une hypothétique solution polonaise s’affrontent durement.

4. PERSPECTIVES D’AVENIR

« L’observateur étranger — écrit l’éditorialiste du Monde des 19 et 20 avril 1981 – doit se borner à « toucher du bois » sans formuler de pronostics qui, au-delà d’un certain point pourraient porter le mauvais sort ». Après quoi il conclut assez justement : « En réalité, le Kremlin hésite entre deux risques également catastrophiques : celui d’une contagion non endiguée qui mettrait à bas son système de domination, et celui d’une intervention qui l’obligerait à livrer une coûteuse guerre en Europe, à sacrifier toute son offensive diplomatique en direction de l’Occident et à assurer seul la charge de 36 millions de Polonais aussi affamés qu’indisciplinés ».

Il nous semble, quant à nous, qu’aux deux hypothèses du dilemme posé par Le Monde, il conviendrait d’en ajouter une troisième : celle d’une révolution de palais au Kremlin.

Ceci dit, nous allons tenter d’examiner tour à tour ces trois hypothèses dont pour le moment il paraît difficile d’établir l’ordre de probabilité.

La première hypothèse H-1, celle de la « contagion non endiguée » est peut-être la moins probable, mais après les deux reculades du Kremlin, en décembre 1980 et début avril 1981, elle ne peut être exclue « a priori ».

En effet, la centaine de vieillards qui constitue l’échelon de décision de l’oligarchie soviétique, c’est-à-dire le Bureau Politique, le Secrétariat, les chefs de département et leurs adjoints, doit certainement comporter une solide majorité d’anti-interventionnistes, ce qui explique les reculades mentionnées plus haut. Il y a bientôt treize ans, à quelques unités près, les mêmes ont hésité longuement avant d’intervenir en Tchécoslovaquie. D’après ce que nous croyons savoir, la décision a été prise à 51 voix contre 49.

Or les situations ne sont pas comparables. Tout d’abord la Pologne est un morceau beaucoup plus dur que la Tchécoslovaquie. Ensuite, en 1968 les États-unis se trouvaient en pleine campagne présidentielle avec à leur tête un président, Lyndon B. JOHNSON, qui terminait son mandat sans aucune ambition. De nos jours, le Kremlin a été averti qu’une intervention en Pologne provoquerait des réactions sérieuses de la part de l’administration REAGAN, et celle-ci pourrait ne pas se limiter à des sanctions économiques. Or il est certain que les États-unis, actuellement en pleine résurrection, impressionnent fortement le Kremlin. De plus, l’U.R.S.S. ressent sur ses arrières le poids du binôme sino-nippon auquel l’oligarchie a tendance à prêter des intentions agressives. Enfin il y a, qu’on le veuille ou non, l’enlisement en AFghanistan.

La deuxième hypothèse H-2, autrement dit celle de l’intervention, paraît a priori difficilement évitable. Ceci dit, il n’est pas aisé d’en imaginer les différents scénarios, car celui de la Tchécoslovaquie en 1968 ne convient pas et celui de l’Afghanistan ne devrait pas convenir. En dehors de la formule du journal Le Monde énoncée ci-dessus, il s’agirait d’un bain de sang totalement improductif, lequel pourrait fort bien ne pas se limiter au territoire polonais. Rien ne dit en effet qu’engagée en Pologne l’U.R.S.S. ne soit entraînée à élargir son action à la Yougoslavie pour tenter par la même occasion de mettre un terme au scandale des Balkans. Enfin la tentation de profiter des circonstances pour s’emparer dans la foulée de l’Europe Occidentale – avant que les États-unis n’aient reconquis leur supériorité militaire sur l’U.R.S.S. et redonné un souffle nouveau à l’Alliance Atlantique – est également à prendre en considération.

Les inconvénients de H-1, catastrophiques à plus ou moins long terme, et les perspectives peut-être apocalyptiques de H-2 rendent finalement fort probable l’hypothèse H-3, c’est-à-dire une révolution de palais au Kremlin, soit anticipant sur H-2, soit consécutivement à celle-ci.

Cette révolution pourrait comporter trois variantes principales :

– H-31. La révolution de palais serait l’œuvre d’une conjuration grou­pant de jeunes « apparatchiks » bien placés dans les rouages du Comité Central et de « jeunes loups » du K.G.B.

– H-32. La conjuration serait l’oeuvre d’une combinaison de « jeunes apparatchiks » et de « jeunes officiers brevetés » (,généraux et colonels de l’EMG et de la Région Militaire de Moscou).

– H-33. Il s’agirait tout simplement d’un putsch militaire fomenté par les officiers mentionnés dans H-32.

Dans ces trois variantes le but des conjurés serait de mettre fin au totalitarisme lénino-marxiste et d’instaurer un régime autoritaire susceptible de faire revenir une Russie nouvelle dans le concert des nations.

Le plus gros risque que comporterait cette hypothèse – et plus spécialement sa variante H-33 – serait celui d’une cassure au sein des forces armées débouchant sur une guerre civile à l’échelle de tout l’Empire.

Cette nouvelle hypothèse H-4 pourrait être encore plus catastrophique que H-2 et fait actuellement l’objet d’une étude du C.E.S.T.E.

Nous estimons de notre devoir de la mentionner dès maintenant, car sans être a priori la plus probable, elle nous paraît parfaitement concevable.

En soixante ans de totalitarisme sanglant, le régime bolcheviste a accumulé sur les territoires qu’ils contrôle tant de haines inexpiables qu’une explosion de ce genre ne pourrait être qu’épouvantable et, de plus, devrait avoir des répercussions graves hors des limites de l’Empire Soviétique.

Ajoutons pour finir que compte tenu de l’accélération des événements de Pologne, H-2, H-3, et peut-être même H-4 pourraient fort bien se produire dans un avenir très proche, la période dangereuse étant selon nous l’été de 1981.

TOUT BOUGE A L’EST

ADDITIF à l’exposé de Michel GARDER

Un peu plus d’un mois après le point que nous avons fait à Ramatuelle, l’évolution de la situation mondiale, vue de Moscou s’oriente, semble-t-il, dans la direction de l’hypothèse H3, autrement dit d’une révolution de palais au Kremlin.

En effet, au moment même où une violente campagne de propagande, orchestrée par Moscou et reprise par tous les satellites – y compris la Roumanie – dénonçait le laxisme du Parti polonais et la catastrophe à laquelle ne pouvait qu’aboutir le futur congrès de ce Parti et qu’un dispositif militaire d’invasion était mis en place aux frontières de la Pologne, une volte-face spectaculaire de l’oligarchie soviétique allait infléchir la crise vers un semblant de solution à l’amiable.

C’est ainsi que coup sur coup on allait enregistrer :

– l’annulation « pour des raisons sérieuses » de la session plénière du Comité Central du P.C. soviétique du 26 juin 1981,

– l’annonce quelques jours plus tard de la visite à Varsovie du Ministre des Affaires Étrangères André GRMYKO, d’abord fixée au 1er juillet puis deux fois retardée d’un jour,

– le brusque départ en « vacances » de Leonid BREJNEV, un mois plus tôt que les années précédentes.

Venu finalement à Varsovie le 3 juillet non pas « ès-qualité » mais en tant que membre du Bureau Politique, c’est-à-dire, la plus haute instance du pouvoir soviétique, André GROMYKO a semble-t-il, donné au Parti polonais le feu vert pour le congrès du 14 juillet, congrès dont jusqu’ici on ne voulait à aucun prix à Moscou.

Au même moment, changeant de ton, le roumain CEAUCESCU venait apporter son soutien au Parti polonais.

La presse occidentale concluait, en conséquence, à une détente entre Moscou et Varsovie. Or ladite détente ne fait l’affaire ni d’une partie de la « Nomenklatura » avec à sa tête Michel SOUSLOV, ni des services Spéciaux (K.G.B.) ni, semble-t-il, du haut commandement des Forces armées soviétiques, sans parler de la plupart des dirigeants satellites. Une épreuve de force serait déjà en cours au sein des hautes instances de l’oligarchie du Kremlin et des surprises de taille pourraient ébranler d’ici peu l’atmosphère détendue des vacances estivales.