Allocution du Général NAVARRE, Président d’Honneur de l’ A.A.S.S.D.N., à l’occasion du Congrès de 1973 qui s’est tenu au Sénat, adressée à M. POHER, Président du Sénat.

« Le plaisir m’échoit, au bénéfice de l’âge, de vous dire, au nom de notre Association combien nous vous sommes reconnaissants d’avoir bien voulu nous accueillir dans ce Palais du Luxembourg. Nous vous remercions aussi de votre présence parmi nous.

« L’intérêt que vous nous manifestez ainsi me fait penser que je puis me permettre de vous dire brièvement ce qu’est l’Amicale des Anciens des Services Spéciaux de la Défense Nationale.

« Elle est composée des anciens membres, des survivants pourrais-je dire, de nos Servies Spéciaux d’avant la Guerre. C’étaient trois Services travaillant en liaison mais distincts, le S. R. Guerre, le S.R. Air et le S.R. Marine.

« A cette époque, en effet, seul était recherché systématiquement le renseignement militaire. Il n’existait de S.R. politique, ni diplomatique, ni économique, ni scientifique. Il n’y avait pas non plus de grandes usines à renseignement comme celles dont on entend si souvent parler maintenant. Notre travail était discret et quelque peu artisanal. Mais il n’en était pas moins efficace et les résultats obtenus par les Services Spéciaux avant guerre et pendant ce qu’on a appelé la drôle de guerre » sont là pour le prouver.

Nous avons suivi pas à pas, depuis 1918, toutes les étapes du redressement politique et militaire de l’Allemagne et les avons annoncés très largement à temps pour que des contre-mesures puissent être prises si l’on avait voulu en prendre. Je puis citer notamment le rétablissement du Service obligatoire en 1935, la remilitarisation de la rive gauche du Rhin en 1936, puis les agressions sur l’Autriche, la Tchécoslovaquie et enfin la Pologne. Rien ne nous a échappé non plus de l’appareil militaire allemand Nous avons toujours connu le nombre des Divisions allemandes et notamment des Divisions blindées. Nous savions exactement leur effectif, leur armement et leur équipement. Nous n’ignorions rien des, fortifications, de l’aviation et de la marine.

« Nous savions aussi parfaitement quelle stratégie et quelle tactique l’ennemi comptait employer.

« Enfin, bien des mois avant le 10 Mai 1940, nous avons prévenu que l’offensive hitlérienne se produirait certainement à travers la Hollande, la Belgique et le Luxembourg. Jamais gouvernement et haut commandement ne furent mieux renseignés.

« Quant à cette 5e Colonne » dont on a beaucoup parlé, elle n’a jamais existé grâce aux mesures prises par nos Services de Contre-Espionnage.

« Aussi, quand on analyse les causes du désastre de 1940, y en a-t-il une qui doit être, en tous cas, totalement exclue c’est une quelconque carence des Services Spéciaux Français.

« Dès l’Armistice, nous avons, sans un seul jour d’interruption, continué notre travail de Renseignement et de Contre-Espionnage sur l’Allemagne et l’Italie.

« Bien avant que les premiers réseaux de Résistance aient commencé à se former, nous obtenions, grâce aux moyens de toute nature que nous avions pu conserver, des résultats considérables dont nous faisions bénéficier les Anglais, seuls à même, à cette époque, d’en tirer parti.

« Ce travail, les Services Spéciaux l’ont continué envers et contre tout jusqu’en Octobre 1942, malgré que certains des dirigeants de Vichy se soient efforcés de le contrecarrer.

« Ils l’ont poursuivi ensuite dans la France totalement occupée jusqu’à la Libération. Cela au prix de plus de 300 morts.

« Après quoi, les anciens Services Spéciaux ont été intégrés dans ce qui fut la D.G.S.S., puis la D.G.E.R. et qui est enfin devenu le S.D.E.C.E. »

« Voici, Monsieur le Président, ce que représente notre Amicale. Merci encore de l’hospitalité que vous lui donnez aujourd’hui. »

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