1967 : la situation politique mondiale et perspectives d’avenir par Michel Garder

Le Samedi 14 Janvier 1967, sur l’initiative de la Délégation de Paris, un déjeuner-conférence a été organisé dans les locaux de Rhin et Danube, où de nombreux parisiens et des camarades de province étaient présents. A l’issue de ce déjeuner, notre Secrétaire Général Adjoint le Colonel GARDER fit une conférence sur la ” Situation Politique mondiale actuelle et les perspectives d’avenir “. En présentant le Conférencier, le Président National, a rappelé que celui-ci était en outre l’auteur d’un ouvrage ” La Guerre Secrète des Services Spéciaux Français 1935/1945 ” qui doit, paraître aux Editions Plon le 10 Avril 1967 et qui constitue l’histoire de notre Maison.

Par le Colonel Michel GARDER ” Le fait majeur de notre époque est que nous nous trouvons depuis le début du siècle dans une guerre ininterrompue, dont on distingue artificiellement deux phases la 1ère et 2ème Guerres mondiales, alors qu’en réalité nous nous trouvons dans le 4ème conflit mondial sans qu’on se soit aperçu ni d’avoir vécu le 3ème ni de vivre actuellement en plein conflit.

La 1ère phase de ce conflit a été, selon la définition de Lyautey, la ” Guerre Civile Européenne “, en gestation pendant longtemps (Guerres Russo-Japonaise, Balkanique), qui a éclaté en 1914, et qui aboutit à :

– la disparition de 4 empires continentaux Russe, Austro-Hongrois, Allemand et Ottoman ;

– l’ébranlement de 2 empires extra-continentaux, Britannique et Français;

– l’entrée en jeu dans l’histoire européenne de deux puissances extra-continentales : Etats-Unis d’Amérique et Japon.

Elle a, en plus, donné naissance à un phénomène nouveau socialo-religieux, le Communisme Russe, et, par contrecoup, à des phénomènes fascistes Hongrie, Italie, Allemagne, Espagne d’où une mutation de cette guerre civile en guerres de religion dont le point culminant a été l’affrontement 1939/45.

Cet affrontement est apparu comme, un conflit classique entre deux coalitions, alors qu’il était, sous une forme classique, la suite de la guerre de religion issue du premier conflit mondial.

A Yalta débutait le 3ème conflit mondial.

Si, pour Roosevelt, homme d’Etat classique et idéaliste par surcroît, il s’agissait de régler la situation mondiale d’après-guerre entre les deux vrais vainqueurs, pour Staline, chef d’Etat et Religieux à la fois, il s’agissait du début d’une nouvelle étape ” l’Evangélisation du reste du Monde “.

Dès 1947, ce conflit, entré dans sa phase aiguë sous le nom de ” Guerre Froide ” a connu des péripéties diverses, telles que :

– liquidation des empires coloniaux ;

– recours à la dissuasion mutuelle thermo-nucléaire ;

– recours à tous les moyens de lutte à l’exclusion d’une guerre généralisée.

En 1953, à la mort de Staline, la lutte pour le pouvoir en U.R.S.S. devait aboutir à un ébranlement de l’empire soviétique et à un transfert de l’orthodoxie communiste de Moscou à Pékin, le communisme soviétique étant déjà sévèrement ébranlé par la leçon des faits, alors que le chinois, beaucoup plus jeune, pouvait encore proclamer son triomphe sur la nature des choses.

En 1962, l’épreuve de force de Cuba aboutit à un armistice déguisé entre Moscou et Washington, marqué par les accords de Moscou de 1963 sur l’arrêt des expériences nucléaires, et, en même temps, donnait naissance au 4ème Conflit Mondial, c’est-à-dire à une nouvelle guerre de religion le Conflit Sino-Soviétique, qui est le conflit dominant de notre époque, et c’est par rapport à lui que tendent, dans une confusion générale, à s’esquisser de nouvelles alliances.

La confusion réside dans le fait que la majeure partie des participants croient lutter encore dans le 3ème conflit Mondial et que les mobiles qui l’ont déclenché subsistent toujours.

Il suffit de rappeler le schéma :

– Soviétiques et Chinois se font la guerre au nom de la lutte qu’ils prétendent mener contre l’impérialisme;

– les U.S.A. pensent exploiter ce différent en étant les alliés de facto des Soviétiques, qu’ils obligent ainsi à aider plus les Viets-Congs contre eux ;

– au sein de l’O.T.A.N., l’alliance s’affaiblit parce que le centre de gravité de la lutte a changé d’aire géographique;

– en face, au sein du pacte de Varsovie, l’U.R.S.S., pour revigorer l’unité rouge, doit invoquer le danger revanchard allemand.

Cependant en Chine et en U.R.S.S. les développements de la situation intérieure viennent encore compliquer le problème.

Pour le moment c’est en Chine que ce phénomène est le plus sensible.

Mais, d’ici quelques années il en sera probablement de même en U.R.S.S.

En effet la Chine se trouve d’ores et déjà en situation de guerre civile, une guerre civile d’autant plus curieuse qu’elle a été déclenchée par le pouvoir lui-même contre ses propres structures dans l’espoir insensé de régénérer la ” foi communiste “.

A l’origine de cet ” accès de folie organisé ” il y a eu les échecs subis par le communisme chinois dans le Tiers-monde depuis 1965, c’est-à-dire depuis que les Américains bombardent impunément le Nord Vietnam. Il semble que d’ores et déjà la Chine soit hors de combat en tant que grande puissance et qu’elle s’achemine à plus ou moins long terme vers le chaos. Contrairement aux apparences ce chaos ne peut pas profiter aux dirigeants soviétiques, eux-mêmes aux prises avec des problèmes intérieurs insolubles, conséquence pour une bonne part de la faillite de la ” crypto religion Lénino-marxiste “.

Une maladie mortelle ronge le régime 3 théocratique matérialiste 3 soviétique : la laïcisation. Dans son immense majorité la jeunesse ne croit plus aux vertus de la pseudo-religion.

Les véritables élites du pays (savants., administrateurs, ingénieurs, etc.) se rendent compte de la nécessité de se débarrasser du 3 clergé régnant 3 (c’est-à-dire de l’appareil du Parti).

Pour le moment le conflit entre ces élites (exclues des allées du pouvoir) et les ” prêtres de la religion matérialiste ” est latent, mais il ne peut que s’aggraver de jour en jour. Ainsi, sous nos yeux, et sans que nous y soyons pour quelque chose, nous voyons se développer la crise sans issue de ce que fut le Monde Communiste.

L’issue de cette crise, laquelle pour le conférencier ne peut être qu’une révolution en Russie, aura des répercussions extraordinaires dans l’Univers entier.

” En fait, dit le Colonel GARDER, nous assistons à l’effondrement du mythe de la Révolution avec un grand R. Ce mythe né ici même en France à la fin du XVIII ème siècle est passé par trois stades.

Le premier a été celui des ” révolutionnaires romantiques ” c’est-à-dire des gens qui mouraient pour la Révolution.

Dans le courant du XIXe siècle nous avons vu apparaître les ” révolutionnaires professionnels ” c’est-à-dire des gens qui vivaient par la Révolution.

Désormais nous sommes dans le troisième stade, celui des ” fonctionnaires de la Révolution “, c’est-à-dire des gens qui vivent de la Révolution.

En Chine le dernier carré des ” révolutionnaires professionnels ” s’efforce d’aller à contre-courant, de revenir aux sources. Malheureusement pour eux on ne peut jamais revenir en arrière “.

Malheureusement, remarque le conférencier, au moment même où à l’Est d’immenses changements se préparent et où en Russie notamment nous pouvons nous attendre dans quelques années à une résurrection extraordinaire du spiritualisme, en réaction à la longue période de matérialisme, en Occident il n’en va pas de même.

La subversion intellectuelle se poursuit d’elle-même sans être télécommandée de Moscou.

Nous avons nos propres centres d’infection qui se suffisent à eux-mêmes.

Ce qui est à craindre chez nous ce n’est pas tant une Révolution que la Décadence et la pourriture, un phénomène que des civilisations antérieures à la nôtre ont déjà connu dans le passé.

” Ce ne sont pas les barbares qui ont vaincu Rome… mais Rome qui s’est effondrée d’elle-même !! “.

En dépit de cette note pessimiste, le conférencier conclut sur une vision moins sombre.

Pour lui l’évolution de la situation mondiale devrait, en particulier du fait des bouleversements qui ont affecté le ” Monde Communistes “, pouvoir déborder, à plus ou moins long terme, sur l’unité de l’hémisphère Nord, incluant dans un immense ensemble l’Amérique, l’Europe et l’Asie russe, c’est-à-dire tous les peuples issus de la même civilisation judéo-chrétienne.

Ce serait l’aboutissement du 4ème conflit mondial, dernier acte de ” la guerre de notre siècle “.