1943-1944 : La réorganisation du Service T.R.
Dans notre bulletin n° 103 nous avons publié les commentaires du colonel Bernard sur l’organisation du T.R. Ancien en 1943 et 1944. Les postes créés en 1940 sous les appellations numériques correspondant en général aux indicatifs des régions militaires (T.R. 112, T.R. 113, T.R. 144, etc.) ont été remaniés et rebaptisés avec des noms de fleurs.
par Le colonel BERNARD qui précise ci-après cette transformation :
La réorganisation du Service a bien correspondu, comme vous le dites dans votre livre, à une articulation toute nouvelle du commandement de T.R. (création des trois inspections régionales) et à un nouveau déploiement des postes sur le terrain (postes plus nombreux et plus légers). Mais j’ignore si la réorganisation a été réalisée selon un schéma pré-établi par VERNEUIL dès le début de 1943 ou si elle a pris forme petit à petit au fur et à mesure que les événements rendaient désirables ou nécessaires les créations de nouveaux postes ou de nouveaux échelons de commandement.
De toute façon, s’il y a eu pré-établissement d’un nouvel organigramme dès février 1943, les exigences de la vie clandestine ne permettaient qu’une réalisation très progressive d’un projet qui comportait
– des recrutements de personnels de toutes natures,
– des recherches de locaux discrets,
– la mise en place de nouveaux réseaux radio.
Voici à mon avis (mais je peux me tromper) comment on peut reconstituer la naissance du réseau « Fleurs »
PREMIÈRE PÉRIODE : FÉVRIER 1943.
Les trois premiers postes dotés d’indicatifs « Fleurs » sont Toulouse (Rose), Nice (Bleuet) et Marseille (Glaïeul).
La création de Rose était la suite directe du désastre subi par T.R. 117 il avait fallu reconstituer complètement le poste. La création de Bleuet était devenue désirable.
a) en raison du danger imminent d’arrestation de CHOTARD (chef du poste T.R. de Nice),
b) en raison du découpage de l’ancien secteur de T.R. 115 en deux zones d’occupation (allemande et italienne) où les objectifs du Service étaient très dissemblables et exigeaient des méthodes de travail très différentes.
La transformation de T.R. 115 en Glaïeul résultait directement de la création de Bleuet.
Le personnel de Rose a été désigné le 4 février et a commencé à travailler quelques jours plus tard.
Bleuet est créé vers le 15 février et s’installe le 20.
Glaïeul est déjà en place et au travail quand on lui donne son nom nouveau.
Il y a lieu de remarquer que les indicatifs des postes ont été choisis en fonction de l’initiale du nom du chef de poste : Rose = ROGER ; Bleuet = BERNARD ; Glaïeul = GUIRAUD (alias Georges-Henri).
SECONDE PÉRIODE.- MARS 1943.
Il devient nécessaire de mettre en place un échelon de commandement qui coiffera les postes du Midi.
Il faut, en effet coordonner les filières terrestres et maritimes vers l’Afrique du Nord. Or, les filières pyrénéennes sont sur le territoire de Rose, les équipes (anciens et jeunes) qui préparent les opérations ” tube ” grâce à leurs liaisons radio avec Alger sont sur le territoire de Glaïeul, alors que les débarquements se font sur le territoire de Bleuet, dont la zone d’action va de Bandol à l’Italie mais qui ne peut préparer les opérations puisqu’il n’est pas encore doté de radio.
De plus, le T.R. Ancien ayant reçu l’ordre d’Alger d’aider le démarrage du T.R. Jeunes, il vaut mieux, pour la sécurité de ce dernier, que les contacts entre jeunes et anciens ne se situent pas à l’échelon de Glaïeul, poste de recherche dont le personnel, en piste depuis longtemps, risque d’être en partie brûlé.
VERNEUIL crée donc la première « inspection régionale » qui est, tout naturellement confiée au plus ancien officier C.E. de la zone, c’est-à-dire GUIRAUD.
Cette mutation du chef de poste de Glaïeul, survenant très peu de temps après le choix de ce nouveau nom pour l’ex T.R. 115 fait ressortir l’inconvénient de baptiser les postes en se basant sur l’initiale du chef de poste.
Il est plus rationnel de donner des indicatifs rappelant les zones d’action ou les villes d’implantation des éléments à baptiser.
L’inspection Sud s’appellera donc Soleil, de même que la direction sera Dahlia et l’inspection Centre : Camélia.
C’est la règle qui sera désormais appliquée pour tous les éléments du réseau.
TROISIÈME PÉRIODE : AVRIL-MAI 1943
J’ignore s’il y eut des créations de postes pendant cette période. Il n’y en eut pas dans le Midi mais il est possible que quelques créations aient eu lieu en zone Nord. Je pense, en particulier, que Proton ex T.R. 117, en sommeil depuis le début de février, a peut-être organisé vers cette époque d’avril-mai, le poste du Mans qui, s’occupant de l’Ouest, eut pour indicatif Oeillet.
S’il y eut des créations de postes à cette époque, elles ne furent pas provoquées par la nécessité de refondre des postes décimés. Les arrestations sont au nombre de 3 en avril et 4 en mai, réparties sur 5 postes.
QUATRIÈME PÉRIODE: APRÈS JUIN 1943
L’effroyable mois de juin se solde par 36 arrestations : 3 à la direction, 2 au groupe Morhange, 1 à T.R. 114, 2 à Glaïeul, 2 à Rose, et 26 à T.R 113.
Il entraîne une refonte totale du Service. Le réseau « Fleurs » prend partout la suite de T.R. Tous les postes du nouveau réseau portent des noms rappelant leur zone d’action ou leur lieu d’implantation.
A Lille DENHAENE dirige le poste du Nord = Narcisse. A Nancy, GALMICHE puis FLOUQUET, commandent le poste de l’Est = Eglantine. On trouve Violette à Vichy, Lys à Lyon, Bégonia à Bourg-en-Bresse, Pervenche à Périgueux, Mauve à Modane, Cyclamen à Châteauroux, Pivoine, Pavot, Primevère, Pensée à Paris (1)
La seule exception apparente est un poste « Souci » installé à Lyon, mais c’est un poste qui a une mission particulière en Suisse.
Si j’ai tenu à préciser l’évolution structurale du Service dès février 1943 c’est qu’il me paraît important de montrer que cette évolution n’a pas eu un caractère uniquement défensif.
Si la création de Rose a bien été provoquée par la destruction de T.R. 117, les créations de Bleuet, de Glaïeul, de Soleil ont pour but de mieux adapter le réseau à sa mission et de favoriser son développement futur.
La création des inspections, la multiplication des postes assurent, certes de meilleurs cloisonnements dans le réseau mais elles assurent aussi et surtout un maillage plus serré du territoire et la possibilité de travailler efficacement même en cas de rupture des routes et des voies ferrées. On le verra au moment de la Libération.
(1) Nous rappelons qu’un poste TR jeunes (GEDEON) fonctionne à Paris sous les ordres de Gilbert GETTEN depuis janvier 1943 avec pour mission de « drainer » les renseignements vers l’Espagne et Alger (N.D.L.R.).