1942-1943 : Sabotage des liaisons telephoniques allemandes et arrestation du Capitaine Gatard
Nous publions ci-après le témoignage de M. Jacques DUMAS-PRIMBAULT, Directeur régional des Télécommunications, à Limoges en 1943, sur les circonstances qui ont précédé l’arrestation à Limoges en mai 1943 du Capitaine GATARD, dont l’A.A.S.S.D.N. a honoré la mémoire au cours de son Congrès de Lyon.
Ce récit a le mérite de souligner l’intensité de l’action résistante dans cette région et le patriotisme engagé des fonctionnaires des Télécommunications.
Quand, en novembre 1941, les Allemands occupent la zone sud, Limoges devient pour eux un centre de communication important, et ils réquisitionnèrent nombre de circuits pour leur usage.
Or il se trouve que, dès 1942, j’avais reçu la visite d’un de nos jeunes ” conscrits ” de l’école polytechnique, le Capitaine Jean Gatard, qui, en fait, faisait de l’espionnage, ou plutôt du contre-espionnage, pour le compte de l’armée française.
Nous devînmes intimes et, pendant un an, je lui passais pas mal de renseignements. En avril ou mai 1943, il m’annonça, tout joyeux, qu’il disposait maintenant d’une liaison directe (radio, bien sûr avec Alger et qu’on lui demandait la carte des circuits de commandement allemands.
Dès le soir, vers 19 heures, à l’heure où le bâtiment était vide et l’équipe allemande au ” rata “, je descendis et relevai la liste des circuits allemands. Le lendemain, vers midi et demie, dans le bâtiment tranquille comme d’habitude, Gatard passa me voir et je la lui remis.
Or, au milieu de l’après-midi, son épouse, Denise Gatard, qui s’était liée d’amitié avec ma femme, vint lui annoncer que son mari avait été arrêté vers 14 heures par la police alors qu’il rentrait chez lui. Coup dur, car il devait avoir sur lui la liste manuscrite, de ma main, des renseignements recueillis la veille.
J’eus très, très chaud…, et restais sur le qui-vive pendant 24 heures, jusqu’à, ce que, le lendemain, Étienne Moineville, qui appartenait au même réseau, m’apprît que Gatard avait eu le temps, dès la visite qu’il m’avait faite la veille, de passer voir son radio…. et, par conséquent, de lui remettre le papier compromettant.
J’étais donc hors d’affaires ! Gatard ne l’était pas hélas ! Incarcéré par les Allemands à la caserne Marceau qu’ils occupaient, il essaya de s’en évader et se brisa les deux chevilles en sautant d’un mur. Repris, maltraité, durement interrogé, il put cependant donner de ses nouvelles par M. de Cathen qui, en sa qualité de délégué de la Croix-Rouge, obtenait parfois, à cette époque, l’autorisation de visiter certains prisonniers.
C’est par cette voie que le malheureux Gatard put faire passer à sa femme le nom du ” traître ” qui l’avait vendu.
Quelques semaines plus tard, Gatard fut transféré à Lyon, condamné par un conseil de guerre, et fusillé au Fort Montluc en août 1943.
Bien sûr, les autorités allemandes avaient des liaisons radio hors d’atteinte de tout sabotage, mais elles tenaient cependant beaucoup à leur réseau fil, et celui ci était beaucoup plus fragile.
Le câble Limoges-Ussel (un des deux seuls câbles LGD qui, à l’époque, desservaient Limoges), avait été vite coupé au pont de Combade. Quant aux grandes artères aériennes sur voie ferrée, vers Châteauroux, Guéret, Brive, Périgueux, leur état, au fur et à mesure que l’on avançait vers la libération, était devenu une vraie mascarade.
Les voitures K du service des lignes partaient chaque matin pour réparer les artères signalées coupées… et les rétablissaient de façon que les Allemands du répartiteur puissent constater leur action ; puis les chefs d’équipe faisaient le nécessaire auprès du maquis ou de ses patriotes locaux, pour qu’elles soient recoupées dans la nuit.